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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 30 juin 2008 à 17h30
Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Monsieur le ministre, vous l'avez dit vous-même : une loi de règlement n'est pas l'occasion de refaire de qui a été élaboré dans les lois de finances initiales et les lois de finances rectificatives, c'est l'occasion pour le Parlement de demander des comptes au pouvoir exécutif et de vérifier que les choix que celui-ci a faits ont bien été effectués, que les votes qu'il a lui-mêmes émis ont bien été respectés.

De ce point de vue, la loi de règlement appellera de ma part des remarques différences des interventions précédentes. Le chiffre officiel du déficit budgétaire pour l'année 2007 est de 34,7 milliards d'euros ; encore faut-il y ajouter le produit de la cession des actions d'EDF, ce qui le porte à 38,4 milliards d'euros. C'est d'ailleurs ce chiffre que vous avez choisi de commenter, monsieur le ministre, et je rends hommage à l'effort de transparence et de lucidité dont vous avez fait preuve. Le solde primaire est donc de 1,2 milliard d'euros, ce qui permet d'affirmer, à la suite de M. le rapporteur général et certains de ses collègues de la majorité, que les charges courantes et les charges de la dette n'ont pas été financées par l'emprunt.

Mais il faut y regarder de plus près ; comme Charles de Courson l'a indiqué, il y a des impayés, des recettes exceptionnelles, mais également des charges qui n'ont pas été prises en compte alors qu'elles auraient dû l'être.

Les impayés créent chaque année des reports d'une année sur l'autre – l'équilibre tenant seulement au fait que les montants sont comparables. C'est à peu près le cas cette année, même si l'on peut s'étonner de trouver 500 millions d'euros d'impayés pour la politique de la ville, près de 540 millions d'euros pour le ministère de l'agriculture, et 720 millions d'euros au titre de l'outre-mer. Pour ce qui concerne l'outre-mer, je note que, lors de la commission élargie, M. Yves Jego, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, a inventé un nouveau concept en finances publiques : celui de « dettes virtuelles », à côté des dettes réelles. En tant que rapporteur spécial pour l'outre-mer, je m'efforcerai d'éclairer cette nouvelle notion de comptabilité publique dont j'ignore, monsieur le ministre, si elle a été élaborée par vos services.

Quoi qu'il en soit, la Cour des comptes estime les impayés à 720 millions d'euros au titre de l'outre-mer. Cela fait beaucoup, mais moins que pour la défense nationale dont les impayés s'élèvent à 2,6 milliards d'euros. Comme l'a souligné Charles de Courson, le montant total des impayés s'élève à 7,3 milliards d'euros, somme qui devra être imputée sur le budget 2008.

J'en viens aux recettes exceptionnelles dont chacun sait qu'elles ne dureront pas toujours. Du reste, vous l'avez reconnu devant la commission des finances, monsieur le ministre : votre stock de fusils à un coup finira par s'épuiser un jour.

Du côté des recettes exceptionnelles, celles de la COFACE s'élèvent à 400 millions d'euros ; et si ces sommes sont remontées vers l'État, c'était moins d'ailleurs pour respecter les règles prudentielles de cet organisme que parce que l'État avait besoin de cet argent...

Même mouvement du côté d'Autoroutes de France, pour un peu plus de 900 millions d'euros – en fait, le reliquat du produit de la privatisation des autoroutes, la Cour des comptes est formelle sur ce point – sous forme d'acompte sur dividendes pour l'année 2008. Je constate avec regret que le décalage s'étant produit une année, il se prolongera régulièrement année après année – ce qui n'est pas pour autant satisfaisant.

On note encore cette recette exceptionnelle d'EDF qui s'élève à 3,7 milliards d'euros. Au total, la cession de 2,5 % du capital d'EDF aboutit à ce que notre pays a perdu 160 millions d'euros en raison d'une chronologie qui ne fut pas celle qu'en bonne gestion il eût fallu avoir, le président de la République ayant annoncé l'opération avant qu'elle ne soit réalisée. 160 millions d'euros, c'est presque le prix d'un avion d'occasion – comme vous aurez bientôt à faire un chèque, je pense que cette comparaison vous parlera – qui permettra à notre Président de voyager tranquillement et de ne pas laisser libre cours à cette frénésie de communication qui, en l'espèce, aura coûté un peu d'argent à notre pays. Je n'ai entendu aucune voix battant en brèche la théorie selon laquelle cette annonce prématurée a eu pour conséquence un produit inférieur à celui que nous pouvions espérer. Les universités méritaient un peu mieux que cela.

Ce qui me gêne dans cette loi de règlement, ce sont surtout les comptes qui n'y figurent pas. S'agissant des 5,1 milliards d'euros de remboursement de dette à l'égard de la sécurité sociale, je suis plutôt d'accord avec votre analyse, monsieur le ministre, qui n'est pas celle de la Cour des comptes : ce n'est pas au titre de 2007 qu'il aurait fallu budgéter cette somme, puisque, comme l'indiquait Michel Bouvard, certaines dettes sont très antérieures. Celui-ci faisait référence au FOREC. Je me suis permis de lui rappeler qu'il y avait aussi le plan textile. En revanche, et précisément au nom de ce raisonnement, il aurait fallu intégrer les 2,5 milliards d'euros de reconstitution de la dette de l'État à l'égard du régime général de la sécurité sociale. Ce chiffre aurait dû être imputé sur le solde budgétaire, aggravant d'autant le déficit de la sécurité sociale qui n'est donc plus de 38,4 milliards d'euros, mais de 38,4 milliards d'euros plus 2,5 milliards, ce à quoi il convient de rajouter 145 millions d'euros au titre des autres régimes.

Vous avez également autorisé au Crédit foncier de France un déficit de 623 millions d'euros afin de financer le remboursement aux banques des primes dues au titre de la liquidation des plans épargne logement.

Au total, un peu moins de 3,3 milliards d'euros qui, ajoutés aux 38,4 milliards, aboutissent à un déficit budgétaire de près de 42 milliards d'euros. Il n'y a donc pas d'amélioration par rapport à 2006, monsieur le ministre, mais plutôt une aggravation. Il n'y a plus de solde primaire ni de déficit stabilisant. En 2007, nous avons payé les charges courantes et contribué au remboursement de la dette et de nos intérêts en nous endettant davantage encore. La situation n'est donc pas satisfaisante.

Par ailleurs, la loi de finances initiale avait prévu que la caisse de la dette publique rachèterait pour 8 milliards d'euros d'emprunts en 2007. Or il n'en a rien été puisque les 5,1 milliards dont je viens de parler ne peuvent être comptabilisés à ce titre. Au demeurant, vous avez dû vous résoudre à en prendre acte sur la demande insistante de la Cour des comptes qui, je crois, a eu raison de le faire.

En ne rachetant pas de dette en 2007 alors que les taux d'intérêt étaient plus intéressants qu'ils ne le seront en 2008 et peut-être les années suivantes, vous n'avez pas fait preuve d'une bonne gestion. Vous alourdissez la charge financière et budgétaire de notre pays, ce qui ne simplifiera pas votre tâche, loin s'en faut.

Monsieur le ministre, la situation ne s'améliore donc pas. C'est d'autant plus inquiétant que, comme l'ont souligné tant le rapporteur général du budget que certains de nos collègues, la croissance a finalement été conforme à vos prévisions. Du reste, comme d'autres députés de l'opposition, je dois faire amende honorable : nous n'avions pas cru que la croissance atteindrait 2,2 % en 2007. Mais précisément, avec une telle croissance, la dégradation des comptes publics est d'autant plus inquiétante : le déficit budgétaire passe à 2,7 % du PIB et le stock de la dette publique s'aggrave alors que la croissance est conforme à la moyenne des dix dernières années.

Monsieur le ministre, les débats qui ont eu lieu ces six derniers mois ont été intéressants, à la fois sur les politiques publiques à mener en termes de prélèvements obligatoires comme à celles en termes de temps de travail.

La réduction du temps de travail fait l'objet des foudres vigoureuses de la majorité et du Président de la République. Le « travailler plus pour gagner plus » fut un slogan particulièrement efficace sur le plan politique – la composition de notre assemblée en témoigne. Mais entre une efficacité politique et une réalité économique, entre la conviction le soir d'un vote et la gestion pendant cinq ans, il y a souvent un long chemin à parcourir – toutes les majorités au demeurant en ont fait l'expérience. Il faut en finir avec cette question, d'autant qu'il n'y a pas de quoi s'indigner quand on regarde les chiffres qui sont cités en modèle.

Ainsi, en France, la durée moyenne du temps de travail est de plus de 39 heures, contre à peine plus de 36 heures aux États-Unis.

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