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Intervention de Lionnel Luca

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Débat et vote sur la déclaration du gouvernement relative à la politique étrangère

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionnel Luca :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, on ne peut que se réjouir du débat que nous avons aujourd'hui. Il permet en effet à chacun d'exprimer son avis y compris au sein de la majorité, même si la question de confiance, telle qu'elle est posée, oblige à assumer une décision qui peut susciter des doutes et des incertitudes.

Des doutes parce qu'elle dérange un consensus national qui s'est établi dans notre pays sur tout l'échiquier politique. Le silence assourdissant des anciens Présidents de la République, les remarques de trois des quatre derniers Premiers ministres en sont des exemples parmi d'autres. L'opposition elle-même, désormais pendue aux branches de la croix de Lorraine, et qui donne beaucoup de leçons de gaullisme, à remords, sans doute, serait plus crédible si elle s'engageait à revenir sur cette décision, ce qu'elle se garde bien de faire.

Des incertitudes parce que notre influence au sein de l'OTAN se mesure, non pas à un statut dans un commandement militaire intégré, mais d'abord à nos capacités militaires.

Quels que soient les postes attribués, ce sont les États-Unis, et eux seuls, qui détiennent l'essentiel de l'expertise et du pouvoir de décision en matière de réorganisation des forces et d'actualisation des doctrines militaires. Espérer influencer le processus de planification de défense est hardi parce que celle-ci est dictée par la doctrine d'emploi de l'armée américaine.

C'est Michel Barnier qui expliquait à Hubert Védrine qu'un jour, Condoleezza Rice lui avait dit que l'OTAN était l'instrument de l'influence des États-Unis en Europe, et qu'il n'était pas question de changer cet état de chose.

L'Européanisation de l'OTAN est donc un vrai défi quand on considère l'exemple britannique qui n'y a jamais réussi.

Des incertitudes parce que cette question risque de compromettre la volonté française de promouvoir une Europe de la défense dont la presque totalité des États de l'Union ne veut pas, puisqu'ils n'y consacrent guère de moyens du fait que l'OTAN, selon eux, y pourvoit.

La France n'a pu, pour le moment, obtenir la création d'un état-major de commandement permanent pour la politique européenne de sécurité et de défense, à laquelle se sont opposés les Britanniques. Sans cet état-major, la défense européenne n'a pas d'autonomie et dépend de la planification et des moyens collectifs de l'OTAN.

Rien n'indique que la nouvelle administration américaine – même si elle est plus aimable – ait décidé de renoncer aux privilèges de son leadership. Tout en promettant les plus larges consultations, le vice-président Joe Biden, vient de déclarer à Munich que « les USA agiraient en partenariat chaque fois qu'ils le pourraient mais seuls quand ils le devraient ».

L'OTAN suscite donc bien des interrogations chez les Européens : Avec qui et contre qui ? Jusqu'où et pour quel objectif ? La réponse, les Américains l'ont donnée dès le 12 décembre 1989, un mois après la chute du mur de Berlin, par la bouche de leur secrétaire d'État James Baker, qui affirmait que l'OTAN devait évoluer vers un rôle politique de plus en plus important et évoquait « une nouvelle Europe sur la base d'un nouvel Atlantisme ».

Après Ronald Reagan à l'ONU, le 7 décembre 1988, qui parlait de la « maison commune », c'est George Bush junior qui évoquait à Ljubljana, le 16 janvier 2001, « la grande alliance euroatlantique de San Francisco à Vladivostok », dont l'objectif inavoué était d'isoler la Chine. Cela peut expliquer l'expansionnisme de l'OTAN vers l'Est, au-delà de la Turquie, Turquie dont on voit mal dans ce contexte comment on pourrait lui interdire d'entrer dans l'Union européenne, au nom précisément de la nouvelle Europe de la défense.

En reprenant place dans la famille occidentale dont nous avons toujours fait partie, le risque est réel de recréer un nouveau bloc, une « Sainte Alliance » qui, depuis le 11 septembre 2001, a un nouvel adversaire : l'Islam radical utilisé trop abusivement par les États-Unis et face auquel l'administration Bush a été tentée de se comporter en « super GIGN », pour reprendre la formule d'Hubert Védrine.

C'est dire si la normalisation de la place de la France au sein de l'OTAN interpellera bon nombre d'États et surtout de peuples dans le monde, pour qui la France incarne toujours le refus de tous les hégémonismes.

Cependant, le vote sur lequel nous devons nous prononcer ne concerne pas que la réintégration de la France dans les commandements de l'OTAN,…

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