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Intervention de Annick Girardin

Réunion du 7 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce budget a beau s'afficher en hausse, cette annonce est plus que discutable. Avec 1,88 milliard d'euros en crédits de paiement pour cette mission, le constat est plus clair que jamais : ce montant est largement insuffisant au regard des retards et besoins d'infrastructures notamment de nos territoires.

Je ne suis pas là pour polémiquer sur les chiffres, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État. Je préfère vous rappeler ce que nous attendons véritablement de l'État. Malgré la campagne de stigmatisation d'un outre-mer prétendument profiteur et sur-aidé, qui n'a pas manqué de jouer en faveur des réformes que vous nous avez imposées et que vous continuez d'imposer à travers ce projet de loi de finances, laissez-moi vous affirmer et vous réaffirmer que l'outre-mer ne veut absolument pas d'un État guichet de banque. C'est d'un État partenaire que nous avons besoin. Chaque euro dépensé par l'État outre-mer doit être un euro dynamique. Il doit être mis au service de notre avenir, de l'emploi et de la concrétisation des espoirs légitimes que nous avons pour nos pays.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, le tournant qui doit s'opérer dans les mois à venir devra se mener sur plusieurs fronts avec l'accompagnement de l'État à chaque étape. Avant toute chose, il est indispensable de mener un travail pour établir la vérité des prix et des coûts de la vie dans chaque territoire d'outre-mer, pour que les dispositifs collent enfin aux réalités de la cherté de la vie sur le terrain, notamment en ce qui concerne les petites retraites et les minima sociaux. Aujourd'hui, les observatoires des prix ne fonctionnent pas. Alors, trouvons ensemble une autre solution ou rendons-les plus efficaces.

Par ailleurs, trop de prestations sociales et familiales sont toujours absentes de l'archipel, même si, cette année, les familles de Saint-Pierre-et-Miquelon toucheront pour la première fois la prime de rentrée scolaire, plus de trente ans après les autres familles de France. Je n'accepte pas que des oublis rédactionnels du Gouvernement ou du législateur puissent priver, pendant des décennies, les habitants de l'archipel de prestations aussi essentielles que l'aide personnalisée au logement, l'allocation de parent isolé, l'allocation journalière de présence parentale ou les prêts à taux zéro. Je m'arrête, car la liste serait trop longue.

Je vous invite donc solennellement, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, à remettre à plat, par exemple à l'occasion de la future loi de programme, toutes les dispositions sociales qui existent, par exemple dans le domaine de la santé, afin que les familles et les retraités de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient enfin des mêmes droits que tous les autres Français. N'est-ce pas une simple question d'équité, valeur si chère au Gouvernement quand il s'agit de justifier ses réformes ?

La question majeure du statut national et européen de l'archipel, et de l'organisation institutionnelle locale doit également être posée. Là encore, l'État doit nous donner les moyens d'y réfléchir, afin de créer les conditions d'un développement harmonieux et cohérent.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, celui-ci est en panne. Il n'aura pas lieu tant que nos prix ne seront pas concurrentiels dans la région, ce qui suppose le désenclavement et la mise en place d'une vraie continuité territoriale. Certes, nous avons obtenu que la future loi de programme prévoie une aide aux importations et aux exportations, mais il est essentiel pour Saint-Pierre-et-Miquelon que ce dispositif s'étende à tous les produits provenant de métropole ou destinés à y parvenir. À l'occasion de la réforme, actuellement en cours, de notre desserte maritime, n'est-il pas temps d'aller plus loin, et d'admettre que, pour une collectivité aussi petite, aussi isolée et dépendant autant de ses importations, la délégation de service public n'est pas la solution, et qu'un véritable service public de desserte maritime est indispensable ?

Et que dire de nos infrastructures ? L'état des routes est désastreux. Les équipements des ports, d'intérêt national, de Saint-Pierrre comme de Miquelon, qui faisaient jadis la gloire de la France en Amérique du nord, sont désormais – vous l'avez constaté, monsieur le secrétaire d'État – autant de ruines et de blocs de ciment fissuré. Or une grande part des secteurs de développement qui créeront demain des emplois – le tourisme, la pêche, l'aquaculture, les activités d'avitaillement, l'industrie des hydrocarbures, le transbordement ou la plaisance – dépendent des ports.

Nous disposons, certes, d'un aéroport moderne, mais à quoi nous sert-il ? Symptôme d'un mal plus profond, la piste est trop courte pour remplir correctement l'objectif de désenclavement et de développement économique fixé – ou du moins affiché – lors de sa réalisation. Le fonds exceptionnel d'investissement, qui sera créé par la loi-programme, est une excellente initiative, mais les 16 millions d'euros prévus en crédits de paiement ne suffiront même pas à réhabiliter les ports de l'archipel. Ce constat nous ramène brutalement à la réalité.

Si le Gouvernement veut vraiment que Saint-Pierre-et-Miquelon se développe dans son contexte régional, il est grand temps de passer des paroles aux actes. Avant mai 2009, la France doit impérativement déposer la lettre d'intention nécessaire pour préserver ses droits souverains devant la commission des limites du plateau continental de l'ONU, et ouvrir des négociations gagnant-gagnant avec le Canada. Elle doit aussi montrer fermement sa volonté d'obtenir de nos voisins les accords dont dépend le développement de nos activités – cabotage maritime ou aérien, pleine intégration de l'archipel aux circuits et à la promotion touristiques –, ainsi que la renégociation des quotas de pêche.

Vous savez que des perspectives existent. Depuis un an et demi, je vous adresse régulièrement des notes détaillées pour vous les présenter. Des porteurs de projets réalistes et ambitieux existent bel et bien, qui escomptent un développement réel. Or l'accompagnement de l'État leur fait aujourd'hui défaut, alors qu'ils méritent d'être soutenus. Si le Gouvernement veut que les milieux économiques investissent, il doit leur donner les moyens concrets de surmonter certains handicaps structurels, et s'engager à rester à leurs côtés. Telle n'est pas l'impression qu'ils ressentent actuellement. Échaudés par les suppressions et les stigmatisations, ils tardent à investir, faute d'un engagement fort de l'État, par exemple sur le dossier du plateau continental, et les familles sous pression hésitent à consommer.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous devons travailler ensemble pour sortir l'archipel de cet attentisme. Ce message est un appel réaliste et concret, qui espère une réponse pragmatique et une volonté d'accompagnement réelle de la part de l'État. Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon y seront attentifs.

Permettez-moi enfin de regretter que Mme Jeanny Marc, députée de la Guadeloupe, n'ait pas pu intervenir pour des raisons personnelles. En son nom, je vous remettrai le texte de l'intervention qu'elle aurait aimé prononcer devant vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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