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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 4 décembre 2007 à 21h35
Ratification de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Comme vous n'avez pas lu le texte, vous ne savez pas que c'est la vérité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne vous énervez donc pas si vite : je dispose d'une demi-heure pour défendre cette motion de renvoi en commission.

Vous vous apprêtez, du côté de la majorité présidentielle, à ratifier un texte élaboré en coulisses, hors de tout débat parlementaire, pour la simple raison que le Gouvernement a jugé bon, sous la précédente législature, d'user et d'abuser de la technique des ordonnances, avec l'appui d'une majorité pour le moins complaisante, quelques semaines seulement avant l'élection présidentielle. Cette banalisation de la procédure des ordonnances fait question.

Nous avons maintes fois eu l'occasion de dénoncer une procédure qui contribue à l'abaissement du Parlement. Dans une démocratie parlementaire, la sagesse voudrait en effet que l'on réserve le recours aux ordonnances aux seules dispositions que motive la plus extrême urgence.

On ne peut soutenir sérieusement l'idée selon laquelle le travail de recodification d'un texte législatif relève d'une simple opération de toilettage administratif.

Il ne suffît pas que l'habilitation prescrive, selon la formule usuelle, que « les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance, sous la seule réserve de modifications qui seraient rendues nécessaires », pour que le législateur puisse s'exonérer de ses responsabilités.

Sans doute personne n'est-il précisément au clair aujourd'hui sur ce que recouvre la notion de droit constant. Il est possible d'affirmer, en revanche, que l'exercice de recodification n'est jamais neutre, qu'il emprunte toujours la voie d'une modification de l'état du droit et, à ce titre, pose clairement la question de l'étendue des pouvoirs conférés au Gouvernement dans cette entreprise.

La recodification du droit du travail nous offre une parfaite illustration de ces dérives.

Nous avions, au départ, une habilitation de portée limitée, visant à procéder à « l'adaptation de la partie législative du code du travail afin d'y inclure des dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées » et à remédier aux éventuelles « erreurs ou insuffisances de codification ». Nous trouvons, à l'arrivée, un texte dont les articles ont été réécrits, disloqués, déplacés dans des chapitres ou sections distincts, un texte profondément remanié qui non seulement crée une situation manifeste d'insécurité juridique, mais porte en outre, de manière plus préoccupante encore, les stigmates d'un programme politique : le vôtre. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous condamnons avec la plus grande fermeté le tour de passe-passe qui a consisté à instrumentaliser la recodification pour modifier en profondeur l'économie générale du code du travail, un texte d'une importance pourtant fondamentale dans la vie de la cité et de l'entreprise, un texte cher aux salariés de notre pays qui ont pu y voir s'inscrire, au fil des décennies, le fruit de leurs luttes. Nous n'acceptons pas que le fait du prince gouverne la rédaction d'un code. Nous n'acceptons pas davantage, comme l'a dénoncé à juste titre le professeur Bernard Teyssié, que d'obscurs rédacteurs se soient vu confier le privilège exorbitant de faire prévaloir leurs préférences personnelles sur la volonté du législateur ou sur le pouvoir du juge, rayant d'un trait de plume telle ou telle disposition, retenant ou rejetant à leur gré telle ou telle jurisprudence. Nous ne pouvons cautionner de telles pratiques, quelles qu'en soient les orientations politiques, pour autant que celles-ci échappent à tout réel contrôle démocratique.

Qu'on ne vienne pas nous dire que nous avons le pouvoir d'exercer ce contrôle aujourd'hui. Vous savez comme moi que les ratifications d'ordonnance ne sont guère propices au débat de fond, à une discussion approfondie de leur contenu, notamment lorsqu'il s'agit de débattre en quelques heures d'un code entier. C'est l'un des motifs essentiels pour lequel nous demandons, a minima, que le texte soit renvoyé en commission. Humblement, je dois vous dire que si nous n'avions pas bénéficié de l'apport extraordinaire du travail mené pendant des mois par les inspecteurs du travail, toutes organisations syndicales confondues, et par le Syndicat de la magistrature, qui nous ont éclairés sur les questions qui les préoccupent et qui sont leurs missions quotidiennes, nous aurions eu du mal à traiter de ce texte parce que – hormis vous qui connaissez tout, monsieur le ministre –…

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