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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 13 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Médias

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je veux dire mon étonnement de devoir voter aujourd'hui un budget de l'audiovisuel public anticipant largement le débat et le vote sur le projet de loi portant sur la réforme de l'audiovisuel public. Nous devons voter la création d'un fonds de concours financier d'avances à l'audiovisuel anticipant la suppression de la publicité sur les grandes chaînes de télévision publique. Et cela, au mépris du débat qui traverse notre pays sur ces enjeux : depuis de nombreux mois, salariés et usagers manifestent leur inquiétude. Nombre de propositions alternatives pour assurer l'avenir et le développement du service public sont avancées sans être étudiées. La moindre des choses serait que la représentation nationale puisse réellement s'en saisir avant même que le débat ne soit refermé.

Hélas, ce projet de budget confirme bien les orientations du rapport de la commission Copé, comme celui sur les médias et le numérique. Vous organisez le sous-financement chronique du service public de l'audiovisuel. Cela aboutira à une baisse de qualité pour les usagers, à des suppressions de postes et à un moindre financement de la création.

Les contreparties envisagées à la suppression de la publicité ne sont ni suffisantes – il manque au moins 150 millions d'euros – ni satisfaisantes, car, soumises au vote chaque année, elles constitueront une ressource précaire pour le service public. Cruel aveu, Mme la ministre a elle-même déclaré en commission élargie, qu'« il n'était pas impensable de connaître un déficit ». Et l'on sait combien les déficits servent de justificatifs à tous les allégements possibles de dépenses et d'investissements.

Comment penser que votre objectif serait véritablement de libérer la télévision publique du diktat de la publicité, d'accroître la diversité et la qualité des émissions, alors que vous programmez, dans le même temps, son asphyxie financière ? Ce n'est pas crédible, monsieur le ministre. Ce qui l'est malheureusement plus, c'est qu'en plaçant le service public dans une situation financière intenable, on pourra mieux justifier, ensuite, sa vente progressive à la découpe, sa livraison aux appétits des grands groupes de médias privés. Car ce sont bien ces derniers qui sont sujets de toutes vos attentions, monsieur le ministre. Le Président de la République n'a laissé aucune ambiguïté sur ce point lors de son discours, le 25 juin dernier, à l'occasion de la publication du rapport Copé. Je cite ses propos : « Mon souhait, c'est que les groupes d'audiovisuel privés soient puissants. »

Avec une telle conception, le service public ne peut que devenir un régime d'exception, quand la règle sera l'industrie du temps de cerveau humain disponible et la course aux profits. Chacun sait ici quelle aubaine représente la manne publicitaire libérée pour les grandes chaînes privées hertziennes : un cadeau de près de 400 millions d'euros. Et le gâteau devrait par ailleurs s'agrandir sous l'impulsion de la directive « Télévision sans frontières » : encore et toujours plus de pub sur nos écrans, encore et toujours plus de profits pour Lagardère, Bouygues ou Bolloré !

Mais ces nouveaux cadeaux ne semblent pas suffire. Et, pour vous, la marche à suivre est claire : faire sauter toutes les dispositions législatives qui permettaient d'interdire les monopoles sur l'information, limiter un tant soit peu la concentration dans les médias.

Mais les roitelets des médias voient grand : ils veulent maintenant des empires médiatiques et vous leur servez de marchepied. Sans doute, nous direz-vous, pour le plus grand bien de la diversité de la création et du pluralisme de l'information. Les forces vives qui portent aujourd'hui ce pluralisme, cette créativité, ne semblent pas vous mobiliser. Je pense, bien sûr, au service public dont j'ai parlé tout à l'heure. Je pense aussi à la presse indépendante, qui fait face à des difficultés immenses pour continuer à jouer son rôle dans la vie démocratique de notre pays. Je pense également aux médias à but non lucratif, qui éprouvent les mêmes difficultés pour trouver à se financer ou tout simplement à accéder aux canaux de diffusion que sont notamment l'ADSL, la fibre optique et la TNT Je pense à l'AFP, notoirement sous-financée, et dont il vous est devenu insupportable qu'elle puisse échapper plus longtemps au privé.

Tous ont besoin d'une action publique d'ampleur pour assurer leur développement et jouer leur rôle. Tous ont besoin de financements publics qu'en ces temps de crise financière mondiale, on distribue au vent des banques et des institutions financières.

À l'évidence, ce projet de budget veut mettre le service public de l'audiovisuel et les médias indépendants – dont L'Humanité, merci, monsieur Rochebloine ! – au régime sec. C'est pourquoi les députés communistes voteront résolument contre et continueront de s'impliquer dans toutes les initiatives qui permettront de faire échec aux réformes en cours sur les médias et de dessiner une alternative à leur marchandisation.

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