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Intervention de François de Rugy

Réunion du 18 décembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

… et je vous sais gré de vos remerciements.

Sur la forme, nous sommes étonnés que ni votre collègue de l'économie ni celui du budget n'aient daigné être présents aujourd'hui, pas plus qu'ils ne l'étaient lors de l'examen de la loi de finances rectificative. Malheureusement, cela devient une habitude.

Sur le fond, je le répète, il n'y a pas de baguette magique, et le budget accuse toujours une hausse inquiétante du déficit supérieur à 40 milliards d'euros. Nous ne sommes pas sur la voie de l'assainissement budgétaire, pourtant promis, avec une sorte de schizophrénie politique, par le Gouvernement et le Président de la République.

Depuis le début de cette législature, nous sommes étonnés de toutes les annonces faites par le Président de la République. Il donne, d'une certaine façon, l'impression d'être toujours en campagne électorale et de ne pas avoir endossé ses nouvelles fonctions exécutives. Chaque jour ou presque, des mesures sont annoncées. Mais elles ne sont pas financées et nous voyons mal comment elles pourront concrètement être mises en place, qu'il s'agisse du Grenelle de l'environnement ou du Grenelle de l'insertion dont on nous parle.

En revanche, un certain nombre de mesures ont bien été mises en oeuvre cet été dans le cadre du fameux projet TEPA, et elles continuent à nous coûter cher. Nous avions déjà formulé ces remarques lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances. Malheureusement, nos critiques sont toujours d'actualité. Je suis tenté de dire qu'entre-temps – et nous ne pouvons tous que le regretter – la situation économique de la France s'est encore dégradée.

Vous avez fait voter la « vraie loi de finances » au mois de juillet avec des cadeaux fiscaux de près de 15 milliards d'euros.

Nous ne sommes pas partisans de l'orthodoxie financière à tout crin. Le problème n'est pas tant d'avoir des dépenses nouvelles, ni d'avoir un budget en déficit ; l'équilibre des finances publiques n'est pas un objectif en soi. Mais vous ne creusez pas le déficit pour réaliser des investissements dans les transports, le logement, l'éducation, la santé, qui serviraient à l'ensemble des Français. Ces investissements permettraient peut-être demain, sinon une relance, du moins une redynamisation de l'économie générale, et donc éventuellement des recettes supplémentaires. Mais ce n'est, hélas !, pas le cas.

Certes, vous allez, à l'instar de vos collègues de l'économie et du budget, défendre les cadeaux fiscaux votés au mois de juillet dernier en soulignant qu'ils ne concernent pas uniquement les hauts revenus ou les gros patrimoines. Pourtant, un certain nombre de mesures de la loi TEPA sont uniquement ciblées sur ces catégories, comme le bouclier fiscal.

Je rappelle les chiffres de Bercy, qui ne peuvent être contestés : mille contribuables, sur plusieurs dizaines de millions de contribuables français, recevront un « chèque-cadeau » dont le montant pourra s'élever à plusieurs dizaines de milliers d'euros, voire, dans certains cas, à 250 000 euros. Vous comprendrez que beaucoup de Français estiment, comme nous, que c'est indécent.

Le plus grave dans ces mesures, c'est qu'elles sapent l'idée même de solidarité, qui fonde notre pacte social. Elles rendent insupportable de vous voir ensuite faire les poches des Français les plus modestes et les plus âgés. Un exemple parmi les plus lamentables est la suppression de l'exonération de redevance audiovisuelle dont bénéficiaient les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans non imposables : tout cela pour économiser cinquante millions d'euros. Mais le rapporteur général du budget nous a bien expliqué qu'en période de tension budgétaire, dont vous êtes responsable, l'État en est à cinquante millions d'euros près. Autrement dit, vous n'hésitez pas à prélever cinquante millions d'euros sur les plus modestes alors que vous avez distribué, sans la moindre gêne, sans la moindre honte près d'un milliard d'euros au titre du bouclier fiscal, lequel, en année pleine et en effets cumulés coûtera près d'un milliard d'euros l'année prochaine.

Vos autres cadeaux fiscaux sont tout aussi contestables, car ils aboutissent à diviser les Français, à les dresser les uns contre les autres. Il en est ainsi de la mesure sur les heures supplémentaires, que vous brandissez lorsque nous dénonçons les cadeaux fiscaux destinés aux plus riches. Il est vrai que les plus riches ne sont pas payés en heures supplémentaires ; ce n'est pas leur problème. Il s'agit d'améliorer le pouvoir d'achat des Français, dites-vous. Parlons-en ! Comment les salariés à qui on ne propose pas d'heures supplémentaires profiteraient-ils de ce dispositif ? Comment en bénéficieront les salariés employés à temps partiel, souvent imposé ? La plupart des temps partiels sont, en effet, subis. Si cette mesure s'adressait à tous les Français, vous ne l'auriez pas choisie. Et je ne parle bien sûr ni des chômeurs ni des retraités, qui ne risquent pas d'en voir la couleur !

Comment pouvez-vous vous focaliser sur les heures supplémentaires alors que les entreprises françaises doivent faire face – c'est une réalité incontestable – à un ralentissement général de l'activité économique ? Comment peuvent-elles proposer des heures supplémentaires à leurs salariés quand leur carnet de commandes ne le permet pas ?

À cela s'ajoute ce que les chefs d'entreprise disent de plus en plus ouvertement : votre frénésie législative sur le temps de travail rend les choses ingérables. Je vous renvoie à la une du journal Le Monde qui titre aujourd'hui : « Le paiement des RTT tourne à la pagaille. » On ne saurait dire les choses plus clairement. Et si vous discutiez avec les chefs d'entreprise, vous sauriez qu'ils s'inquiètent de l'insécurité juridique qui entoure de plus en plus leurs relations avec les employés. Là, vous en rajoutez une couche, si je puis dire, avec des dispositifs de plus en plus illisibles.

Nous avons l'impression que ces mesures relèvent uniquement d'une idéologie, chimiquement pure, – peut-être pas la vôtre, monsieur Santini, mais celles de vos collègues qui sautent comme des cabris sur leur siège en scandant : « Le travail ! Le travail ! Le travail ! » (Sourires) comme si les Français sortaient d'une période de longues vacances, comme si leur productivité avait baissé, alors que c'est l'exact contraire. Votre objectif est purement politique : aussi bien avec les heures supplémentaires qu'avec les RTT récupérables ou monétisables – on ne sait plus trop comment les appeler –, vous visez à supprimer sans le dire – car une bonne politique ne se fait jamais sans une dose d'hypocrisie – les 35 heures. Mais idéologie et économie font rarement bon ménage, ce que l'on ne peut que constater puisque les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Il en va, malheureusement, de même pour le logement. Là encore, vous accordez des cadeaux fiscaux pour favoriser l'accession à la propriété, comme s'il fallait faire de la France un pays de propriétaires, comme si la France ne pouvait tolérer les locataires. Pourtant, l'idéologie ne devrait pas avoir cours en cette matière. Le comble, c'est que votre dispositif de cadeau fiscal ne profite ni aux locataires, qui ne peuvent accéder à la propriété car ils n'ont pas les moyens de souscrire un emprunt, ni à ceux qui sont en cours d'acquisition d'un logement et qui se sont endettés pour vingt, vingt-cinq, trente ans, quand ce n'est pas plus, sous la pression d'un certain nombre d'établissements bancaires. Sans compter, et c'est la cerise sur le gâteau, si je puis dire, que cette mesure va contribuer à faire repartir les prix de l'immobilier à la hausse à un moment où ils semblaient s'être stabilisés et avaient même baissé dans certains endroits.

De plus, votre texte ne prévoit aucune mesure volontariste d'encadrement des prix des loyers. Je profite de cette occasion pour dire un mot sur la dernière mesure Sarkozy – car, de fait, il décide de tout – vous ne me contredirez pas ce point, monsieur le secrétaire d'État –, même si c'est vexant pour les membres du Gouvernement.

Bref, M. Sarkozy a indiqué qu'il fallait indexer les loyers non plus sur le coût de la construction, mais sur l'inflation. Mais cette modification ne changera rien, ou presque. Elle n'effacera pas les années de hausse que les locataires ont eues à subir. Ensuite, l'inflation est quasiment aussi élevée que la hausse du coût de la construction. Après cinq ans et demi de gouvernement UMP, vous réussissez à combiner stagnation économique et inflation, déficit budgétaire et déficit du commerce extérieur. En réalité, vous combinez injustice fiscale et sociale et inefficacité économique : quel tour de force ! Cela mériterait d'être salué, si les Français n'en faisaient pas les frais. Car vous ne prévoyez rien pour le plus grand nombre des salariés, pour les retraités. On attend toujours les mesures en faveur des petites retraites. Vous ne faites rien de sérieux, de concret pour les classes moyennes : rien en matière de réforme fiscale, plus juste, car on sait qu'à bien des égards, la fiscalité française est injuste. Rien non plus dans le domaine de la fiscalité écologique alors que le Grenelle de l'environnement est passé par là.

Quant à la fiscalité locale, c'est l'un des grands dadas, si je puis dire, de votre collègue Éric Woerth, par ailleurs maire d'une commune qui n'a pas trop de difficultés économiques. Il ne cesse de répéter que les collectivités locales investissent trop. Un comble, alors que l'État n'a plus les moyens d'investir ! Nous en avons tous fait l'expérience dans nos villes. Dans ma circonscription, il est arrivé que des travaux prévus pour trois ans aient duré six ans car ils ont été purement et simplement suspendus au milieu de l'année pour reprendre l'année suivante parce que l'État n'avait plus les moyens de les payer.

Heureusement que les collectivités locales soutiennent l'investissement public, utile à tous. Et si jamais, nos concitoyens en jugeaient autrement, ils le feront savoir lors des prochaines élections municipales. Mais pour l'heure, ce sont des investissements utiles au plus grand nombre. Or, en dépit du désengagement de l'État, vous formez le projet de taper dans la caisse des collectivités locales – M. Woerth le rappelle régulièrement – en leur allouant une dotation globale de fonctionnement dont l'augmentation est inférieure à celle de l'inflation, ce qui privera les collectivités locales de moyens d'action, au moment où elles sont en première ligne pour faire face aux besoins des Français.

Tout cela, nous l'avions déjà dénoncé en juillet lors de l'examen du projet TEPA, le paquet de cadeaux fiscaux, puis en octobre, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances. Vous nous répondiez alors que le « choc de confiance » se transformerait en « choc de croissance ». C'est sans doute la théorie du choc des mots, à défaut du choc des photos !

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