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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 18 décembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il nous faut donc voter – ou pas – le budget qui nous est présenté.

En principe, le vote du budget dans un pays démocratique, avec un Parlement qui fonctionne bien, est l'acte politique essentiel puisqu'il détermine la politique qui sera conduite l'année suivante et qu'il oriente très fortement les politiques menées par la suite.

Avons-nous vraiment respecté cette obligation démocratique lors de l'examen du présent budget et nous apprêtons-nous à sacrifier à ce qui est plus qu'une tradition, un devoir, en exprimant tout à l'heure un vote qui sera probablement favorable d'un côté de l'hémicycle et défavorable de l'autre ?

Sincèrement, on peut en douter. Il était normal d'en attendre qu'il tire les conséquences du vote du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat adopté cet été. Or il n'en est rien.

Ce projet, qui coûte tout de même 15 milliards d'euros, n'est pas financé. Il n'est gagé par aucune économie. En réalité, il sera payé en partie par la dette dès cette année et pendant les années suivantes, pour un résultat pour le moins contestable.

Il eût été normal que le budget tire les conséquences des dispositions votées cet été. Or il n'en tire aucune. C'est peut-être le défaut majeur de ce budget et, je le crains, de ceux qui suivront. Nous sommes nombreux à penser que ces 15 milliards dépensés, alors même que nous ne les avions pas, grèveront lourdement année après année, et pendant tout le quinquennat, les finances publiques de notre pays.

Mais il y a pire : ce n'est plus dans cet hémicycle mais par voie de presse que nous apprenons que des parlementaires ou des ministres proposent telle ou telle mesure, dont le coût est rarement neutre, en tout cas sans les propositions de recettes correspondantes.

L'illustration fut flagrante ces dernières vingt-quatre heures. Nous avons appris que les fonctionnaires avaient été reçus par des membres du Gouvernement – ce qui est normal – mais que, si un désaccord avait soldé cette première rencontre, le Gouvernement avait proposé qu'un effort soit fait dès cette année pour 17 à 20 % d'entre eux. Que je sache, cet effort sera aussi budgétaire. Or le budget qui nous est soumis ne le prévoit en rien.

Et si un accord finit par être conclu, ce que l'on peut souhaiter, comment sera-t-il financé ? Une fois encore, par la dette !

Autre exemple : nous avons appris, toujours par voie de presse, que des amendements au projet de loi relatif au pouvoir d'achat que nous allons discuter tout à l'heure avaient été déposés par des parlementaires, et qu'ils visaient à aligner le rachat des jours de récupération de temps de travail sur le régime des heures supplémentaires adopté cet été. Voilà des propositions qui sont loin d'être anodines et dont le coût est considérable. Si ces amendements sont adoptés, comment le surcoût sera-t-il financé ? Une fois encore, par la dette !

Certains de nos collègues parlent de plus de 5 milliards d'euros en année pleine pour la fonction publique. Cela finit par faire beaucoup pour un pays dont le Premier ministre disait il y a quelques mois qu'il était en faillite et dont le Président de la République disait il y a dix jours que les caisses étaient vides. Comment ces 5 milliards seront-ils donc financés ? Comme d'habitude, par la dette !

Et l'on veut nous faire croire que le déficit de l'État sera maintenu à 40 milliards ! Mais il s'apprête à exploser, tout comme celui de la sécurité sociale car, si les fonctionnaires de la fonction publique hospitalière sont traités comme ceux de la fonction publique d'État, les hôpitaux publics, qui, d'ores et déjà, cumulent un déficit de plus de 500 millions d'euros, et qui n'ont pas le premier euro vaillant pour racheter, comme vous le dites vous-mêmes, ces jours de récupération du temps de travail, devront donc, eux aussi, s'endetter. Qui paiera ? Tout le monde !

Car notre pays ne peut plus continuer à s'endetter comme il le fait maintenant depuis 2002. Je rappelle qu'il y a cinq ou six ans, il était en train de se désendetter alors que, depuis, le stock de dette a augmenté de 8 points de PIB. Mme Lagarde et M. Woerth s'étaient solennellement engagés à y mettre un terme. Or nous savons que cet engagement ne sera pas non plus tenu.

On peut continuer à s'endetter, mais comme il est peu probable que l'inflation vienne rogner cette dette – et l'on peut faire confiance, malheureusement, aux banques centrales –, il faudra donc payer en levant des impôts. Et c'est cela en réalité qu'annonce ce budget : des impôts nouveaux pour l'année prochaine.

Rassurez-vous, mes chers collègues de la majorité qui êtes candidats à des élections municipales ou cantonales de mars prochain, ces augmentations d'impôts n'interviendront pas avant cette date. En revanche, il est fort probable qu'elles se feront après, en tout cas avant le mois de juin, mois au cours duquel notre pays doit prendre la présidence de l'Union européenne. Il est impossible que le Président de la République puisse avoir une quelconque autorité sur ses collègues Chefs d'État et de Gouvernement si les finances de notre pays vont à la dérive.

Voilà quelques raisons de douter de la pertinence de ce budget et qui m'incitent à le repousser.

Circonstance aggravante : il est fondé sur une inflation inférieure à 2 % – tout indique qu'elle sera supérieure –, sur une parité entre l'euro et le dollar qui n'a plus rigoureusement aucun rapport avec ce qu'est la réalité dès aujourd'hui et pas davantage avec ce qu'elle sera l'année prochaine, et sur un prix du baril de pétrole bien inférieur à son niveau actuel. Surtout, une autre très grave erreur a été de sous-estimer la crise du marché hypothécaire. Plus aucune banque n'ose aujourd'hui prêter à une autre, et si nous n'avons pas connu de crise majeure du crédit, non seulement dans notre pays mais également en Europe et dans le monde, c'est tout simplement parce que les banques centrales procèdent à des injections massives de liquidités financières pour continuer à solvabiliser le marché. Mais celles-ci ne pourront pas continuer ainsi indéfiniment.

Oui, ce projet de budget méconnaît des dépenses considérables qui s'apprêtent à être votées dans cette enceinte dans quelque temps ; il est fondé sur des paramètres économiques qui, d'ores et déjà, sont obsolètes ; il ignore la crise du crédit hypothécaire qui va entraîner une crise financière gravissime partout dans le monde, et on ne voit pas en quoi notre pays pourrait être épargné.

Tout cela ne facilite pas le respect des promesses qui ont été faites. Les retraités, et notamment ceux qui touchent les plus basses pensions, espéraient voir celles-ci revalorisées le plus vite possible. Ils attendront l'année prochaine – et il y a fort à parier qu'ils attendront encore longtemps.

On peut le regretter car nous connaissons tous des retraités de l'agriculture, du commerce ou de l'artisanat qui, avec 600, 700, 800 ou 900 euros par mois, pas davantage le plus souvent, doivent faire face à l'inflation des prix des produits de première nécessité ou de biens indispensables. Il devient effectivement de plus en plus difficile de se nourrir, de se loger, de se chauffer et même de se déplacer. Ce projet de budget ne répond en rien à ces difficultés. En réalité, il abandonne des catégories entières de nos concitoyens à une situation économique de plus en plus pénible.

Vous l'avez compris, mes chers collègues, il paraît difficile au groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de voter un projet de budget fondé sur des paramètres économiques obsolètes, qui ne tient pas compte de dépenses qui semblent d'ores et déjà décidées et, surtout, qui ignore à ce point des promesses en lesquelles pourtant une majorité de Français avait cru. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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