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Intervention de Alain Finkielkraut

Réunion du 24 juin 2008 à 17h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Alain Finkielkraut :

Sans doute était-ce naïveté de ma part, mais je ne m'attendais pas, ici, à devoir encore me justifier de cet entretien accordé à Haaretz. Ces propos sont irrattrapables compte tenu de ce que sont l'antiracisme dogmatique et mes propres ennemis – y compris en Israël, puisque selon certains d'entre eux, la vraie guerre n'oppose pas Israéliens et Palestiniens mais Israéliens démocrates et colons, auxquels ils m'associent : quoi que je dise ou fasse, ces propos me seront toujours imputés. Ainsi, il n'a pas moins fallu de deux cars de CRS pour assurer ma protection lors d'une conférence que j'ai donnée à Bourg-la-Reine ! J'ai dit au magistrat instructeur de Nanterre que je ne reconnaissais pas les phrases qui m'ont été attribuées : je n'ai pas relu cet entretien d'Haaretz dont la version française a été traduite d'une version anglaise elle-même traduite de l'hébreu. J'ai obtenu un non-lieu. Je vous le répète : je ne reconnais pas cet entretien. J'ai demandé un droit de réponse au Monde suite à la parution d'un article consacré à mes dires supposés. Ma réponse s'intitulait « Ce que j'assume » ; Le Monde en a fait : « J'assume ». J'y ai déclaré que je ne serrerai pas la main de l'auteur de ces phrases. J'ai par ailleurs mis des guillemets au mot « sauvages » qui ne fait pas partie de mon vocabulaire mais que l'on trouve en revanche chez la plupart des auteurs des Lumières. J'avais alors voulu faire référence au versant missionnaire du projet colonisateur.

Au lendemain des émeutes de 2005, j'ai voulu dire que le seul moyen de tendre la main aux émeutiers était de leur donner des repères et non de leur tendre le miroir complaisant de la victimisation ou de la révolte. J'ai expliqué que, selon leur logique, j'aurais eu, moi, toutes les raisons de foutre le feu ! Mon père a été déporté depuis la France ! Ses parents, qui se rendaient en zone libre, ont été livrés par leur passeur ! J'ai essayé de dire, simplement, que les émeutiers ne peuvent arguer d'une situation comparable. C'est la logique de l'excuse qui retarde l'intégration au lieu de la favoriser. Cessez, je vous prie, de me réduire à cet entretien que je n'ai en rien contrôlé. Je n'ai jamais dit : « Ils ne sont pas malheureux, ils sont musulmans » ou « Les barbares sont à nos portes ».

S'agissant de l'équipe de France de football, enfin, j'ai répété vingt-cinq fois que ce n'était qu'une allusion au rire de mon père, d'origine polonaise, se demandant dans les années soixante où étaient les joueurs Français, entre Kissovski et Copachevski ! Si j'avais eu quelque droit de regard sur cet entretien, cette petite blague innocente et bête aurait disparu, croyez-le bien.

Je vous en supplie : critiquez les propos que je signe, mais ne me renvoyez pas sans cesse à ce texte qui ne me ressemble pas ! J'ai toujours dit que le racisme anti-noir recèle une atroce spécificité : le complexe de supériorité du raciste à l'endroit de ceux qui ne seraient pas entrés dans la civilisation. S'il fallait établir une hiérarchie des racismes, je placerai presque celui-ci au plus haut niveau.

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