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Intervention de Michèle Delaunay

Réunion du 21 juillet 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Je ne m'exprimerai sur ce texte qu'au titre de la santé sociale, en regrettant que la Commission des affaires sociales, à laquelle j'appartiens, n'ait pas été consultée pour avis.

Pour le médecin que je suis, les problèmes d'addiction sont depuis longtemps un sujet d'intérêt et d'inquiétude. La littérature scientifique sur ce sujet est très vaste, mais elle est univoque dans tous les pays.

Monsieur le ministre, présenter ce texte comme une manière de réduire le jeu pathologique est une erreur, car la première méthode pour réduire cette addiction particulière est d'en limiter l'offre – vous l'avez d'ailleurs démontré vous-même en indiquant que le nombre de joueurs augmentait avec l'apparition de nouveaux sites. Il en va de même pour les machines à sous, et je rappelle à ce propos que, lorsque je vous ai interpellé en vue de la réduction des plages horaires d'utilisation de ces machines, vous m'avez répondu, ou fait répondre, lors d'une séance de questions orales sans débat, que cette limitation était inutile, compte tenu de l'apparition prochaine des jeux en ligne. Vous saviez donc que le texte que nous examinerions ne limiterait pas les risques d'addiction.

Pour ce qui est de l'argument selon lequel votre texte permettrait de lutter contre les sites illégaux, nous ne savons que trop, au fond de nos consciences, que ces sites ont les mêmes bénéficiaires que ceux qui vont être légalisés. Les sites illégaux ne se tariront que si les sites légaux sont plus profitables. Même si les gains diminuent, les opérateurs comptent, grâce à la publicité et à l'épidémie prévisible de joueurs, sur des profits plus importants.

Le deuxième régulateur de l'addiction est la connaissance immédiate des pertes possibles. Nous présenterons des amendements tendant à ce que le joueur en soit informé à chaque instant, en inscrivant par exemple sur les machines, comme en Australie, au lieu des gains exceptionnels réalisés, les pertes qui s'y sont accumulées. Aucun des opérateurs, pourtant si prompts à déclarer qu'ils veulent limiter le jeu pathologique, n'a mis en place un tel système.

Le troisième régulateur consiste, comme l'a rappelé M. de Courson, à limiter les mises. Nous devrons également examiner cette possibilité.

En matière de protection des joueurs, on constate plutôt que ces derniers sont laissés dans les mains des opérateurs. Comment celui qui bénéficie des jeux pathologiques en limiterait-il le risque ?

Quant aux revenus fiscaux pour l'État, la question est la même que pour le tabac : sait-on ce que coûtent les soins, les laboratoires de recherche, les services entiers aujourd'hui consacrés à l'addictologie ? Combien coûte la vie détruite d'une personne qui, parce qu'elle ne se sentait pas bien, a risqué, pendant quelques semaines, tout ce qu'elle avait dans des jeux imprudents ? L'une de nos demandes sera donc que la recherche, le soin et la prévention soient confiés à des mains indépendantes, relevant des organismes de santé, et non aux opérateurs de jeux.

La diffusion quasi épidémique qui se prépare risque de provoquer un basculement de la société aussi important que celui qu'a causé l'introduction de l'usure, dont la forme la plus évoluée est le capitalisme.

Enfin, c'est très récemment que nous avons commencé à nous demander dans quel état nous rendrions la planète. Face à l'augmentation des troubles addictifs qui accompagne la mise en place simultanée d'une société « des jeux et du pain » à l'échelle planétaire et d'une élite censée la réglementer, un jour prochain viendra où nous nous demanderons dans quel état nous rendrons l'Homme. N'oublions pas l'écologie « humaine » !

Qui sont donc les véritables bénéficiaires de ce texte ?

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