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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 21 juillet 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état :

Plusieurs députés se sont interrogés sur les raisons de légiférer en ce domaine. Même si, en tant que responsables politiques, il nous appartient d'essayer de changer la réalité quand elle ne convient pas, cette réalité s'impose à nous. Internet, à cet égard, est un phénomène dont nous devons tenir compte. Il existe des dizaines de milliers de sites de jeux en ligne, et des centaines de milliers de Français jouent des milliards d'euros dans des conditions non contrôlées.

Or toute tentative de verrouillage se heurte à une réalité juridique fragile, car les tribunaux renvoient systématiquement vers des questions préjudicielles qui n'ont pas encore été tranchées. Nous sommes en outre mis en garde par des procédures d'avis motivé, la dernière nous reprochant de ne pas respecter l'article 49 du Traité. La pire des choses serait donc de ne rien faire.

Certains voudraient se satisfaire du système actuel : deux monopoles biens connus, maîtrisés, qui alimentent l'économie d'un côté, l'État de l'autre. Mais le monde a changé : les murailles que l'on pourrait être tenté d'ériger seront systématiquement contournées.

Nous estimons qu'un jeu maîtrisé, organisé dans des conditions décidées par le législateur, est un phénomène acceptable. À cet égard, je ne partage pas l'avis de Mme Delaunay. Notre ambition est de réformer l'ensemble du système de jeu en France et d'en organiser l'ouverture de façon maîtrisée. De toute façon, même si l'on considère que la meilleure attitude consiste à tout verrouiller, ce ne serait techniquement pas possible.

Ce texte est donc nécessaire, car il vise à adapter notre système de jeux à des médias nouveaux.

À cette occasion, des moyens importants sont consacrés à la lutte contre l'addiction. C'est d'ailleurs la priorité du texte : maîtriser le jeu et éviter les problèmes de délinquance – notamment la fraude et le blanchiment –, mais aussi de dépendance. Et sur ces deux aspects, nous proposons des solutions qui, sans doute, peuvent être améliorées.

Vous nous reprochez, monsieur Gorce, d'avoir agi sous la pression. C'est vrai : nous avons agi sous la pression des associations familiales, qui ne veulent pas voir des enfants accéder à certains sites sans aucun contrôle, du monde sportif, qui en a assez de voir certains sites bafouer l'éthique du sport, et du monde hippique, qui craint la fragilisation de ses ressources. Nous avons tenu compte de leurs remarques, ainsi que de celles des nombreux médecins que nous avons consultés.

Charles de Courson se demande si le niveau des prélèvements n'est pas trop élevé. Dans ce domaine, il n'existe aucune vérité absolue. Nous cherchons à combiner les effets du taux de fiscalité et du plafonnement à 85 % du taux de retour au joueur. Il existe en effet un lien très fort entre addiction et taux de retour : moins on rend de l'argent aux joueurs, moins ils sont nombreux. Ce plafonnement est aussi un moyen de lutter contre le blanchiment.

Vous avez cité l'exemple de l'Italie. Il est vrai qu'elle a modifié le taux de sa fiscalité, mais c'est l'ensemble de son système qui devrait être revu – même si ce pays dispose de très bons moyens techniques pour mettre un terme à l'activité des sites illégaux. Il ne faut pas se limiter au seul problème du niveau de prélèvement.

Il est vrai que la fiscalité est probablement trop élevée pour le poker : au niveau de la marge de l'opérateur, voire au-delà. Alors que le poker en ligne attire de nombreux jeunes, ce fait risque de contribuer au maintien d'une très puissante offre illégale, mais nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.

Le droit de propriété est une autre avancée du projet de loi. Il me paraît sain d'accorder ce droit à ceux qui construisent des événements sportifs – même s'il faut éviter que son utilisation ne donne lieu à des dérives. La Commission européenne trouve cette notion intéressante, et le dossier est très suivi par les autres États. Sans doute faudra-t-il regarder comment seront répartis les fruits de ce droit de propriété, mais il appartient aux filières elles-mêmes d'adopter leurs propres méthodes de répartition. L'État ne doit pas se mêler de tout.

Ce sont en fait les opérateurs qui sont contre le droit de propriété, parce qu'il représente pour eux un coût supplémentaire. Mais un tel droit, suffisamment encadré, serait bénéfique pour le mouvement sportif.

Faut-il séparer les fonctions d'organisateur et d'opérateur ? Certainement : c'est une question de déontologie. Mais j'observe que le PMU est organisateur de jeux, et qu'il n'est pas très éloigné des opérateurs. Cela n'a pas posé de problème particulier. Par ailleurs, l'organisateur d'un événement sportif ne peut pas être opérateur de jeux pour cet événement, mais on ne peut pas l'empêcher de l'être pour un événement auquel il ne participe pas.

Nous devons avoir une vision globale des dispositifs de lutte contre la fraude. Or le premier moyen de lutte n'est pas d'ordre juridique ou policier : il consiste à faire entrer dans la légalité des opérateurs importants, qui ont pignon sur rue, afin qu'ils organisent les paris selon un cahier des charges dont le respect sera contrôlé par l'ARJEL. Le fait qu'ils soient autorisés à faire de la publicité leur permettra moins d'attirer de nouveaux joueurs que de prendre des parts de marchés au détriment de leurs concurrents illégaux qui, eux, n'y auront pas accès et sortiront donc affaiblis de la compétition. S'y ajoutent, ensuite, la possibilité de bloquer les transactions financières, le blocage par le fournisseur d'accès, notamment. La lutte contre la fraude n'est efficace que dans son ensemble : un seul dispositif ne suffit pas.

Je trouve vos propos excessifs mais je partage votre état d'esprit, madame Delaunay. Le Gouvernement se soucie également des aspects sanitaires de la question. Vous vous situez néanmoins à un tel niveau qu'il faudrait tout interdire ! On peut prendre plaisir au jeu sans tomber dans l'addiction. Celle-ci se traite non seulement par des dispositifs d'ordre général, mais aussi par des dispositifs spéciaux pour lesquels nous prévoyons des financements indépendants des organisateurs de paris.

Je pense comme Nicolas Perruchot qu'il existe un réel lien entre le TRJ et la dépendance. Nous avons à cet égard lancé une grande étude consacrée à l'addictologie.

Quant aux paradoxes que Jérôme Cahuzac a maniés au sujet de ce texte, ils démontrent son agilité intellectuelle mais ils ne correspondent pas à la réalité. Nous sommes en face d'une situation qui rend nécessaire une évolution de notre droit. Du reste, les autres États nous observent. Tout le monde tâtonne. Ceux qui ont décidé d'une interdiction totale se voient complètement contournés. Ce sujet n'est pas un sujet comme les autres : il a trait à notre ordre intellectuel, à notre sens de la justice, à notre ordre social. À mon sens, le texte constitue une bonne réponse à la situation actuelle.

Nous vous communiquerons les chiffres des plaintes déposées, monsieur Gorce. Il est à noter que plusieurs dirigeants ont été placés en garde à vue. Ç'a été un élément lourd à gérer vis-à-vis de la Commission. Les tribunaux français ne veulent pas prendre position, ils renvoient à l'Europe, et leurs décisions vont dans tous les sens. Aujourd'hui, le droit n'est pas dit. Laisser la situation pourrir serait inacceptable car cela se ferait au détriment des plus faibles.

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