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Intervention de Christian Paul

Réunion du 15 juillet 2009 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Madame la garde des Sceaux, vous avez dit qu'il convenait d'éviter que la loi perde son autorité. Or toutes les conditions sont réunies pour que les lois « HADOPI 1 » et « HADOPI 2 » se trouvent précisément dans ce cas.

Je ne reviendrai pas sur le long feuilleton qui occupe le Parlement plusieurs semaines par an depuis près de cinq ans, mais sur le caractère inapplicable, injuste et inquiétant de cette loi. C'est en outre une loi inefficace car on n'y traite pas de la question de la rémunération des artistes, alors qu'on devrait intervenir de façon ferme et régulatrice afin de soutenir la création.

Vous entendez, avec M. le rapporteur, construire une sorte de pare-feu autour de M. le ministre de la culture afin de promouvoir l'idée que cette loi vise seulement à organiser la répression et qu'il est inutile d'en revenir au débat de fond. Je note avec plaisir que M. Mitterrand n'est pas tombé dans ce piège, rappelant combien une vision globale de la situation était importante.

Nous aurons donc un nouveau débat général sur la protection des droits d'auteur et le financement de la création à l'âge numérique – que vous ne pourrez interdire, monsieur le rapporteur. Nous aurions souhaité que M. le ministre de la culture, à son arrivée rue de Valois, demande un moratoire sur l'application de cette loi, afin de se donner le temps de la réflexion. Nous espérons que du moins ce nouveau débat lui donnera l'occasion d'exprimer son point de vue.

Il n'y a eu, sur ce texte préparé dans la plus grande improvisation, aucune concertation ; les auditions qu'a menées le rapporteur l'ont été à huis clos, sans que les parlementaires de l'opposition y aient été conviés. Cela nous conforte dans l'idée que le débat national n'est pas mené de manière sérieuse.

Pourquoi un nouveau débat général ? Parce que le monde est en mouvement permanent : il est aujourd'hui question de mettre en oeuvre des licences globales privées, aux États-Unis mais aussi en France. Si tel devait être le cas, il nous faudrait en débattre. De la même manière, nous devrions d'ores et déjà discuter du « troisième volet » qui, comme l'a indiqué le ministre de la culture, devrait contenir des dispositions visant à protéger les droits d'auteur et à soutenir la création. Si une taxe sur les fournisseurs d'accès à internet devait être envisagée, il faudrait discuter des contreparties pour le public. La question des droits d'auteur n'est-elle pas affaire d'équilibre entre les droits des artistes, ceux des ayants droits et ceux du public ? Ce débat ne doit pas être escamoté par le seul transfert du texte de la rue de Valois vers la place Vendôme.

La gratuité de l'accès à la culture – laquelle, contrairement à ce qui a été dit trop souvent, peut aussi être un bien – n'implique pas l'absence de rémunération des créateurs. Nous ne sommes pas, quant à nous, des tenants du « laissez faire » et nous considérons qu'une régulation moderne permettant de financer la création – y compris lorsque l'usager bénéficie de la gratuité – constituerait non une dérive libertaire, mais une véritable conquête démocratique.

Pour ce qui est du respect de l'État de droit, je note que M. le rapporteur ne s'est pas départi de l'assurance dont il faisait preuve avant que le Conseil constitutionnel ne brandisse le carton rouge – à l'exemple, d'ailleurs, de ceux qui en 2006 soutenaient que la loi sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) règlerait tous les problèmes. L'opposition, elle, a gagné en crédibilité en pointant l'immobilisme gouvernemental et l'illusion sécuritaire qui lui est si chère.

Par ailleurs, pour savoir si cette loi est ou non applicable, je vous conseille d'écouter les mises en garde des experts de l'Institut national de recherche en informatique et automatique (INRIA) que vous persistez à ignorer.

De plus, nous sommes inquiets quant à votre projet de surveillance de la correspondance privée : je vous demande, en la matière, des éclaircissements précis, et la garantie que vous n'entendez pas surveiller les courriers électroniques et leurs pièces jointes.

Enfin, la presse a mentionné récemment un avis du Conseil d'État mettant en garde le Gouvernement, semble-t-il, sur les dangers de ce texte au regard de la Constitution et des libertés. Si cela est faux, il serait bon de rendre public cet avis – ne serait-ce que pour désamorcer certains de nos griefs ; si cela est vrai, rendez-le public derechef afin qu'il contribue à éclairer nos débats.

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