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Intervention de Didier Robert

Réunion du 6 avril 2009 à 21h30
Développement économique des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Robert :

Nous sommes à un moment particulier de l'histoire des départements et des territoires d'outre-mer : un moment où les attentes et les interrogations de nos populations s'expriment dans la rue, dans la douleur et parfois dans la violence ; un moment où, au plan national aussi, les incompréhensions sont de plus en plus marquées.

Plus de soixante ans après la départementalisation, nous atteignons la fin d'une période au cours de laquelle un certain nombre d'avancées institutionnelles, économiques et sociales ont été réalisées. Cela étant, nous sommes aussi arrivés au temps de l'essoufflement d'un système. Nul doute que la dynamique économique existe outre-mer, mais elle ne suffit pas à masquer une réalité sociale difficile dans l'ensemble de nos régions. Chômage, précarité, retard de développement constituent encore bien trop souvent le quotidien de nos populations. À cet égard, je dénonce une fois de plus le regard trompeur – et parfois condescendant – porté sur des îles de farniente et de soleil, sur des territoires qui, de surcroît, coûteraient cher à la France. Cette situation ne correspond pas à ce que nous vivons chaque jour. Elle ne correspond pas à ce que nous sommes.

Nous sommes fiers de notre appartenance à la France, fiers de partager une même communauté de destin, fiers de donner à notre pays – et, j'ose le dire, de lui donner bien plus qu'il ne nous donne parfois. La France, contrairement à d'autres grandes puissances, n'est pas qu'un simple territoire historique, recroquevillé sur lui-même, qui aborde le monde le dos tourné, marqué par la peur d'une mondialisation pourtant inéluctable.

Notre pays est aussi à un tournant de son histoire : être présent et ambitieux pour tout le XXIe siècle ou oublié des grands enjeux. Les outre-mer sont aujourd'hui un formidable trait d'union entre le passé et l'avenir, le lieu d'un choix entre le conservatisme et le progrès, entre la frilosité et le courage. Oser l'outre-mer aujourd'hui, c'est pour notre pays en accepter une vision différente, c'est pour les territoires ultramarins rompre avec un passé parfois douloureux.

À mon sens, la nouvelle loi pour le développement économique des outre-mer s'inscrit délibérément dans cette perspective. Il s'agit là d'une étape essentielle, qui devra rapidement être complétée par un dispositif tout aussi ambitieux de cohésion sociale. C'est un texte attendu, un vrai texte fondateur pour tout l'outre-mer.

Certes, il intervient dans le contexte difficile d'une crise économique sans précédent, dont nous ne mesurons pas encore sûrement toutes les conséquences. Cette crise est vécue avec davantage encore de difficultés dans nos départements et territoires, compte tenu de la fragilité de leurs économies.

Je voudrais vous témoigner mon soutien, monsieur le secrétaire d'État , dans la démarche qui est la vôtre après les fortes turbulences de ces dernières semaines, et saluer ici la qualité de votre écoute et la juste prise en compte de nos réalités.

La gravité de la situation outre-mer et l'ambition commune que nous devons partager font que l'heure n'est plus au diagnostic, au constat ou à un énième état des lieux que nous connaissons tous, mais bien à l'action. Le monde économique et l'ensemble des acteurs du développement ont besoin avant tout d'être rassurés et de disposer une fois pour toutes de la lisibilité suffisante afin de dépasser cette crise et de mieux construire pour demain.

Pour la première fois dans l'histoire de l'outre-mer, notre assemblée aura à se prononcer sur un texte de loi qui scelle les bases d'une véritable stratégie de développement à long terme. Une telle démarche permet d'identifier très clairement les secteurs prioritaires sur lesquels seront concentrés tous les efforts dans les années à venir.

Il s'agit là d'une révolution, ou tout au moins d'une véritable rupture avec une vision dépassée du développement des outre-mer, une vision qui consistait à vouloir tout faire en même temps et, partant, à toujours finir par tout faire de manière approximative et désordonnée, avec un résultat final insuffisant.

Toute l'originalité et toute la force de ce texte repose sur la création, souhaitée par le Président de la République, des zones franches globales d'activités. Cette initiative donnera une perspective et une ambition d'ensemble aux économies d'outre-mer tout en apportant une réponse nécessaire à l'aménagement équilibré de chacun des territoires concernés.

Toutes les micro-économies du monde qui ont réussi le pari du développement économique, ont fait le choix délibéré d'une stratégie reposant sur la dynamique des secteurs clefs. À différentes échelles, l'Irlande s'est concentrée sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, Singapour sur les activités de port franc ou encore l'île Maurice sur le tourisme. Pour la première fois, l'architecture générale d'un projet de loi répond à cette logique. Je ne peux que m'en féliciter.

De même, en matière de logement, ce texte prend en compte les effets contestables de la défiscalisation, notamment la flambée irrationnelle du coût du foncier. La volonté, désormais inscrite dans la loi, de réorienter une partie importante de ces mesures en faveur du logement social tout en maintenant les dispositifs au profit des primo-accédants constitue sans nul doute la réponse la mieux adaptée aux réalités locales.

Enfin, je ne peux que me réjouir des premières mesures proposées en ce qui concerne la continuité territoriale, laquelle demeure une des conditions du développement, mais aussi et surtout de l'ouverture de nos territoires sur le monde. Le fonds de continuité territoriale devrait nous permettre de donner une force véritable à nos politiques de mobilité, dont il faut bien reconnaître qu'elles étaient, jusqu'à présent, en panne de volonté et d'inspiration. Néanmoins, je continue de plaider pour une prise en compte particulière de certains secteurs d'activité – je pense en particulier au petit commerce de proximité ou au transport routier. Si nous voulons que ce texte produise tous ses effets, il faut accepter d'intégrer dans ce projet de loi ces secteurs d'activité en élargissant le champ d'application de la zone franche à leur profit.

Par ailleurs, je voudrais remercier mes collègues de la commission des finances, et tout particulièrement son rapporteur, Gaël Yanno, qui ont bien voulu accepter l'amendement que nous avons déposé, René-Paul Victoria, Gabrielle Louis-Carabin et moi-même – une proposition sur laquelle Patrick Lebreton nous a rejoints. Cet amendement vise à élargir le champ d'application des zones franches globales d'activités aux micro-entreprises. À La Réunion, ce sont plus de 2 000 très petites entreprises qui pourront bénéficier de ces nouvelles dispositions.

Pour aller plus loin et dans le même esprit, je proposerai un amendement qui vise à créer un crédit d'impôt en faveur des petites et moyennes entreprises adhérentes aux structures d'accompagnement de projets innovants, tels que les pôles de compétitivité.

Pour ma part, monsieur le secrétaire d'État, c'est de manière déterminée, engagée et volontaire que je voterai en faveur de cette loi pour le développement économique des outre-mer. Mais, je l'ai dit, il s'agit d'une première étape et notre démarche doit nous amener bien plus loin.

Les états généraux, voulus par le Président de la République, seront l'occasion offerte d'une expression et d'une appropriation de l'avenir de nos territoires par leurs populations. C'est la première fois, en effet, qu'une consultation aussi large est menée dans tout l'outre-mer français. C'est une occasion unique pour les Réunionnais et l'ensemble des ultramarins de dire et de formaliser leur vision du développement de leur territoire dans toute leur dimension.

En ce qui me concerne, je souhaite que l'éducation au sens large, l'école de la République, de la maternelle à l'université, devienne la priorité numéro un pour la Réunion. De même, nous ne pouvons plus faire l'économie d'une grande loi de cohésion sociale, pour laquelle je me bats depuis plusieurs mois maintenant. La question des emplois aidés, de l'insertion, de la formation des jeunes, des retraites et des minima sociaux, du pouvoir d'achat, est aussi au coeur de nos préoccupations. Dans notre département, l'accompagnement des plus fragiles et des personnes en difficulté doit être une obligation de tous les instants.

Je souhaite que cette loi pour le développement économique ouvre une nouvelle ère dans les relations entre la République et les outre-mer. Nous avons, pour chacun d'entre nous, à prendre nos responsabilités. Nous devons réussir le pari de demain, celui qui allie efficacité économique, respect du développement durable et prise en compte de la dimension humaine.

Vous avez su, monsieur le secrétaire d'État, montrer pragmatisme et audace dans l'élaboration de ce projet de loi. C'est bien pour cela que je voudrais, chers collègues, que nous arrêtions de bouder notre satisfaction devant un texte consensuel qui répond pleinement à son objectif de cohérence économique. Nous attendons tous beaucoup de Paris, mais nous devons aussi savoir nous rassembler, au-delà de nos divergences politiques, pour construire et aller de l'avant dans le sens de l'intérêt général : dire non lorsqu'il le faut, mais aussi marquer notre approbation lorsque nous sommes compris et entendus. C'est aussi cela la force d'une rupture positive.

Une ambition économique, des états généraux que nous devons réussir, une grande loi de cohésion sociale : voilà le sens de la marche que nous pourrions emprunter tous ensemble pour la grandeur des outre-mer, pour la grandeur de la France.

« Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès », affirmait Nelson Mandela lors de son discours d'investiture, le 10 mai 1994. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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