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Intervention de Cristiana Muscardini

Réunion du 9 octobre 2007 à 17h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Cristiana Muscardini :

Je m'efforcerai de répondre avec le plus de précision possible aux questions que, légitimement, la représentation nationale se pose. Au préalable, il convient de clarifier les rôles respectifs de l'État et de la Caisse des dépôts et consignations.

La Caisse des dépôts a-t-elle, dans cette affaire, agi à la demande des services de l'État ? La CDC a elle-même répondu clairement à cette question, d'abord par la voix de M. Dominique Marcel lors de la séance de la commission de surveillance du 12 juillet 2006, puis par de nombreux communiqués : la réponse est non. Je confirme que ce n'est pas à la demande de la direction du Trésor et des services de l'État que la Caisse est intervenue.

Par le passé, cela a pu arriver. Ce fut par exemple le cas pour le dossier Alsthom : l'intervention effectuée à la demande de l'État avait été formalisée par un échange de lettres. Autant que je me souvienne, la Caisse des dépôts avait demandé à l'État des garanties. Il n'y a rien de tel ici.

La Caisse a-t-elle alors été autorisée par la commission de surveillance à acheter les titres d'EADS ? La réponse est encore négative. C'est une information et non une autorisation qui est requise. Dans le cas d'espèce, la commission intervient le 26 d'avril, soit plusieurs semaines après l'achèvement de la transaction. Cette pratique est conforme, en particulier, à l'article L 518-11 du code monétaire et financier.

Dernière question : la Caisse des dépôts a-t-elle cherché, au-delà de ce que requièrent les textes, à entrer en contact avec les services de l'État pour recueillir leur avis ou leur approbation ? Encore une fois, la réponse de la CDC, que je suis aujourd'hui en mesure de confirmer, est négative.

On peut alors s'étonner, comme l'a fait l'Agence France Presse, que l'État soit resté silencieux lors de la réunion de la commission de surveillance du 26 avril. Il aurait fallu cependant, pour que le représentant de l'État soit en mesure de s'exprimer ce jour-là, qu'il y ait un dossier et que des questions soient posées sur ce dossier. Or aucun dossier n'a été envoyé aux membres de la commission de surveillance, dont l'approbation n'a pas été sollicitée.

Dès lors, une ambiguïté peut être relevée : pourquoi la commission de surveillance est-elle toujours saisie a posteriori ? Ne vaudrait-il pas mieux qu'elle le soit a priori ? Quel sens peut avoir la présentation de tels investissements par la CDC ? La question a été soulevée et, à mon sens, résolue à l'occasion de l'opération Club Méditerranée-Accor en 2004. Le représentant de la direction du Trésor – la personne qui siégeait également lors de la séance du 26 avril – avait alors demandé si la commission de surveillance était censée approuver l'opération.

Le procès-verbal le confirme : « En réponse à Mme Barbat-Layani, s'enquérant du rôle de la commission de surveillance par rapport à cette communication, M. Mayer indique qu'il ne sollicite pas l'avis de la commission et qu'il s'agit strictement d'un point d'information. » En d'autres termes, il n'y a pas à prendre la parole puisqu'il ne s'agit que d'information. Au demeurant, le représentant de l'État ne s'est pas davantage interrogé sur cet investissement que sur les multiples investissements réalisés par la Caisse durant les cinq dernières années : Eutelsat, Veolia et tant d'autres. Dans tous les cas, l'information de la commission de surveillance est intervenue a posteriori.

Quoi qu'il en soit, le représentant de l'État ne devait-il pas s'interroger sur la pertinence de l'investissement dont il était ainsi informé ? Une nouvelle fois, la réponse est claire : aucun des éléments dont il disposait ne pouvait l'amener à tirer de telles conclusions. La transaction s'est faite à un cours de l'ordre de 32,60 euros, inférieur au plus haut de 35 euros atteint quelques semaines auparavant, mais aussi à l'objectif de 34 euros fixé par les analystes financiers. Aucune des informations publiques de marché ne pouvait inciter une personne raisonnablement informée à s'interroger sur la valeur du titre.

On pourra objecter que le représentant de la direction du Trésor aurait pu avoir des informations en provenance de l'APE. C'est sans compter l'existence d'une muraille de Chine : l'APE a précisément été créée pour éviter qu'il y ait confusion entre des intérêts qui ont vocation à rester séparés. Cela est particulièrement vrai s'agissant de la Caisse des dépôts. Souvent, l'État est dans le rôle du vendeur et la Caisse des dépôts dans celui de l'acheteur : pour les autoroutes ou pour la SEMMARIS, elle a été candidate, et ce dans le cadre de procédures d'appel d'offres ouvert, comme M. Bezard pourra le confirmer. On ne peut imaginer qu'il y ait communication entre ces deux parties. De même, aucune information provenant de l'APE n'était détenue par le service de la direction du Trésor chargé de la tutelle de la Caisse. Je revendique l'existence de cette séparation stricte entre différents services de l'État car elle est conforme aux exigences de bonne gouvernance.

On pourra enfin nous demander pourquoi nous ne nous sommes pas interrogés sur la procédure de saisine a posteriori et pour information de la commission de surveillance. La réponse est que cette procédure est conforme au droit actuel régissant la Caisse des dépôts. Chaque fois que le Trésor a évoqué le sujet en commission de surveillance, il lui a été clairement signifié qu'il outrepassait les textes en demandant une information préalable. Nous ne nous sommes pas contentés de cette réponse : à plusieurs reprises, nous avons fait état de nos interrogations et de nos doutes face à ce dispositif. Je tiens à la disposition de la commission un recueil de notes relatives à la gouvernance de la Caisse des dépôts : dans chacune d'entre elles, il est demandé que ce dispositif, dans lequel le directeur général de la Caisse décide seul, sans approbation préalable ni de la commission de surveillance ni du Trésor ni de toute autre personnalité extérieure, soit modifié, car il nous paraît porteur de nombreux risques.

Ainsi, le 22 juin 2004, mon prédécesseur écrivait : « La presse s'est fait l'écho le 11 juin dernier de la participation de la Caisse des dépôts et consignations à l'opération de rachat du Club Méditerranée par Accor. Mes services, pas plus que la commission de surveillance de la caisse des dépôts, pourtant réunie le 9 juin dernier, n'ont été informés de cette opération. Il s'agit d'un nouvel exemple de dysfonctionnement de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignation, qu'il devient urgent de réformer. »

Le Président Didier Migaud : Avant de donner la parole à M. Bruno Bezard, je veux revenir sur la « muraille de Chine » que vous avez évoquée, monsieur le directeur général.

L'Agence des participations de l'État relève de la direction générale du Trésor et de la politique économique. Lorsque l'APE adresse une note au ministre de l'Économie et des finances, est-il possible que vous n'ayez pas connaissance de son contenu ? On peut également supposer que le directeur général de l'APE rencontre le ministre. De telles rencontres se font-elles en tête à tête ou le directeur général du Trésor est-il convié ? La « muraille de Chine » peut se concevoir, mais comment cela se traduit-il dans les faits ?

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