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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 15 septembre 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Elle ne fait guère baisser la délinquance, car il n'y a aucun fondement sérieux à l'affirmation selon laquelle l'efficacité d'une sanction dépendrait de sa sévérité ou de la souffrance qu'elle provoque. C'est dans les sociétés et les pays où les peines sont les plus cruelles que la criminalité est la plus développée. Vous ne pouvez donc pas trouver de corrélation entre l'augmentation du taux d'incarcération et la baisse du taux de délinquance. Votre politique démontre même l'inverse.

Elle n'empêche pas non plus la récidive, car rien ne démontre que les peines plus lourdes et, surtout, plus longues constituent un rempart efficace contre ce fléau. À l'inverse, toutes les études indiquent que l'enjeu essentiel est le suivi des condamnés dans et hors les murs de la prison. Cela suppose évidemment des moyens humains d'accompagnement psychologique et social.

Il faut donc changer de paradigme et chercher à rendre la prison utile. Car elle a une double mission : comme toutes les peines, elle est à la fois moyen de réparation pour les victimes et protection de la société. En cela, elle est un moyen de neutralisation des délinquants. Mais elle a aussi une fonction éducative : faire en sorte que les individus qui y sont momentanément enfermés retrouvent la liberté dans de meilleures conditions. Voilà pourquoi il ne faut pas faire des délinquants des victimes, mais les responsabiliser afin de les placer en position de préparer leur réinsertion.

C'est l'intérêt de la société, celui des victimes et des personnes détenues, car la privation de liberté ne s'accompagnerait plus de ces constantes atteintes à la dignité humaine dont les pouvoirs publics s'accommodent actuellement avec une confondante insouciance. C'est aussi l'intérêt des personnels qui remplissent une mission d'intérêt public dans des conditions de travail qui ne cessent ne se dégrader, en raison notamment de leur sous-effectif. Le mouvement de ce printemps a d'ailleurs démontré, s'il en était besoin, leur exaspération et leur détermination.

Le texte que vous nous proposez répond-il à cette ambition ? Hélas non.

Soulignons – car c'est révélateur – que l'image qu'il donne de la personne détenue est celle d'un homme, majeur, de nationalité française, pourvu d'un niveau adapté d'instruction et en bonne santé physique et psychique ; et malheur à celui ou à celle qui s'éloigne de ce profil type !

Est-il acceptable qu'un texte sur les prisons présenté en 2009 ne contienne aucune disposition relative aux détenus étrangers, alors même que ceux-ci représentent 20 % environ de la population carcérale du pays ?

Est-il recevable, de même, que ce texte se désintéresse totalement de ceux qui, sans être illettrés, n'en ont pas moins d'importants besoins en termes de formation – sachant que la commission nationale de suivi de l'enseignement en milieu pénitentiaire a évalué le taux de scolarisation en prison, pour l'année dernière, à 23 % seulement ?

Est-il concevable que ce texte fasse quasiment abstraction du problème posé par la détention des malades mentaux, alors que l'on connaît le jugement formulé par les organismes internationaux et nationaux sur l'état dramatique de la psychiatrie en milieu carcéral dans notre pays ?

Est-il supportable que ce texte reste quasiment muet sur la question cruciale de la prévention du suicide, alors même qu'au premier trimestre 2009quatre-vingt-deux détenus, dit-on, se sont donné la mort ? Et au problème du suicide de détenus s'ajoute celui du suicide des surveillants : à ma connaissance, quatorze d'entre eux se sont donné la mort.

Est-il excusable que ce texte ne propose aucune solution pour la dépendance en prison, alors que ces situations touchent un nombre croissant de personnes détenues, en raison du vieillissement de la population pénale, de la durée et de l'allongement des peines ?

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