Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Renaud Gauquelin

Réunion du 29 septembre 2009 à 16h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Renaud Gauquelin, maire de Rillieux-la-Pape :

Merci, Monsieur le président, d'avoir ouvert ce débat qui s'imposait. Je partage l'essentiel de ce qui vient d'être dit, mais pas les conclusions.

Rillieux-la-Pape, ville de 30 000 habitants de 70 origines différentes, connaît très peu de problèmes liés au port de la burqa : je crois connaître deux femmes qui la portent, ce qui est beaucoup moins que sur le marché de Vénissieux. En revanche, depuis quelques années, des problèmes croissants se posent, comme dans les villes comparables, en matière de cantines scolaires, d'accès aux piscines, de soins à la clinique – ce qui est préoccupant – et, parfois, de respect de la loi par les fonctionnaires eux-mêmes. Récemment, j'ai, en effet, dû rappeler à l'ordre une fonctionnaire d'origine musulmane, mais aussi une fonctionnaire catholique qui portait une croix – aussi choquante à mes yeux – pendant son temps de travail.

Notre position est claire – et je m'exprime aussi au nom de mon équipe municipale avec laquelle j'ai échangé à plusieurs reprises sur ce sujet ces derniers temps – : le Coran n'indique en rien que la burqa est un signe religieux. Certains pays, comme l'Arabie saoudite, l'Afghanistan ou le Pakistan, en ont simplement fait une interprétation ponctuelle et récente pour en justifier la pratique. Il est évident que cette pratique remet en cause le droit des femmes sur le territoire français ! Il s'agit d'une régression considérable en peu de temps, après tous les longs combats qu'ont été le vote des femmes, l'avortement et la contraception.

Des signes symétriques n'existent pas à l'égard des hommes ! Et ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est le comportement des hommes à l'égard des femmes.

À mon avis, certaines femmes sont volontaires, d'autres ne le sont pas, mais dans la majorité des cas, il est impossible de le savoir parce que l'expression n'est pas libre dans ce domaine.

Faut-il légiférer ? Je suis tout à fait d'accord avec mes collègues : ne laissons pas aux maires la responsabilité de prendre des arrêtés municipaux en la matière, car cela reviendrait à diviser la République française en 36 000 territoires, donc à égratigner sérieusement la laïcité !

C'est vrai : légiférer risque de jeter ces femmes dans les bras des intégristes les plus intégristes, de les stigmatiser, les victimiser. Il ne faut pas sous-estimer cela. En outre, il est légitime de se demander comment sera appliquée la loi. Nous, les maires, rencontrons déjà nombre de difficultés pour faire appliquer certaines lois au quotidien, ne serait-ce que celle sur les chiens dangereux ! Néanmoins, je penche pour une loi, pour trois raisons.

En premier lieu, la laïcité est inscrite dans notre Constitution et il est normal que la loi soit en conformité avec cette dernière.

Ensuite, le droit des femmes est également inscrit dans notre loi fondamentale. Par conséquent, rappeler par la loi le droit des femmes à se soigner dans des conditions identiques, à pratiquer du sport, à sourire en présence de tout le monde me paraît légitime. Comment peut-on communiquer sans sourire, sans pleurer, sans montrer la réaction de sa peau à ce que dit l'autre ? Voilà des choses de bases qu'il ne faudrait pas oublier.

La dernière raison, et non des moindres, tient en ces interrogations : sans une loi, quel signe donnerions-nous aux femmes du monde entier qui se battent dans leur pays pour que leurs filles – qui n'ont pas accès à la scolarité comme les garçons – puissent se rendre dans des écoles non coraniques ou des écoles tout court ? Quel signe donnerions-nous aux femmes qui se battent en Iran pour un minimum de droits, aux femmes qui demandent à conduire en Arabie Saoudite ? Quel signe enverrions-nous à toutes celles qui vivent dans des pays de confession islamique qui, contrairement à d'autres, évoluent malheureusement dans le mauvais sens ? Ne pas légiférer ne reviendrait-il pas à abandonner un grand nombre de femmes, de jeunes filles, de fillettes sur cette planète en leur disant : c'est désespérant, mais c'est ainsi, le monde va en reculant ?

Pour toutes ces raisons, et malgré les obstacles que j'ai cités, je pense qu'il faut légiférer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion