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Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 2 novembre 2009 à 21h00
Commission élargie des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et des finances

Brice Hortefeux :

ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Messieurs les présidents, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, merci de me donner l'occasion de m'exprimer pour la première fois devant vous, dans le cadre de mes fonctions actuelles. Et, comme l'a dit le vice-président Voisin, c'est la première fois aussi que cette mission est examinée depuis la loi sur le rapprochement entre la police et la gendarmerie du mois d'août.

Tout d'abord, nous devons tenir compte du contexte budgétaire et financier, comme vous l'avez souligné, les uns et les autres. Quatre considérations me paraissent essentielles.

Premièrement, le cadre fixé par la loi de programmation des finances publiques pour 2009-2011 offre une visibilité sur trois ans et nous oblige à respecter année après année un plafond de dépenses. Pour l'année 2010, il a été fixé à 24 milliards d'euros pour nos cinq missions : sécurité, sécurité civile, administration générale, outre-mer et relations avec les collectivités territoriales. Et c'est exactement la somme qui figure dans le projet de loi de finances. Le Gouvernement a donc respecté le cadre défini dans la loi de programmation.

Deuxièmement, la révision générale des politiques publiques – même si Mme Batho la déplore, le Gouvernement la revendique – en vertu de laquelle le départ d'un fonctionnaire sur deux ne sera pas compensé. Le ministère de l'intérieur n'entend pas déroger à la règle commune. Ce sont donc 2 632 postes qui seront supprimés dans la police et la gendarmerie. Plutôt que de subir cette contrainte, nous avons tout intérêt à mettre en oeuvre des mesures de rationalisation afin d'optimiser notre potentiel opérationnel.

Troisième donnée : la LOPPSI 2. Je l'ai reportée quand j'ai pris mes fonctions fin juin-début juillet. Et j'entends, en collaboration très étroite avec la Commission des lois, la muscler dans sa partie normative. Je souhaite qu'elle soit discutée dès le début de l'année devant le Parlement. En réponse au président Warsmann, j'indique que le projet de loi de finances respecte exactement, s'agissant de la police, la tranche 2010 de la LOPPSI, soit 133 millions d'euros de crédits de paiement « fléchés » vers la modernisation technologique, l'équipement et la logistique.

La LOPPSI, c'est aussi le logement et l'action sociale avec un peu plus de 23 millions d'euros qui serviront à la création de 100 places de crèche et à la construction de 1 000 logements supplémentaires pour les fonctionnaires. Pour la gendarmerie, 111 millions d'euros seront destinés en 2010 au développement de la police scientifique et au renforcement des moyens techniques : lecture automatisée des plaques d'immatriculation et moyens de lutte contre la cybercriminalité.

Quatrième donnée : le rattachement de la gendarmerie nationale sous commandement unique au ministère de l'intérieur. Très concrètement, cela signifie, monsieur le vice-président Voisin, que désormais 34 % du personnel du ministère proviennent de la gendarmerie. Mais ce rattachement ne remet en cause ni les missions confiées à la gendarmerie, ni la répartition territoriale des compétences, ni encore le maillage territorial de la gendarmerie. Les élus locaux, que vous êtes quasiment tous, y sont très attentifs car la gendarmerie sait très bien gérer ses relations avec eux. J'ai d'ailleurs senti chez Jean-Christophe Lagarde une pointe de regret… Mais 95 % du territoire national sont couverts par la gendarmerie. Il faut donc rechercher en permanence des rapprochements et des mutualisations, en particulier autour des pôles d'excellence, comme l'a demandé votre rapporteur spécial, dans le respect du fonctionnement de chacune des deux institutions. Ce sera aussi l'occasion, monsieur Moyne-Bressand, de se pencher sur les procédures et d'aller dans le sens de ce que préconise la Cour des comptes.

En ce qui concerne les résultats sur le terrain, la tendance est, il est vrai, à une légère augmentation de la délinquance depuis mars dernier. Cependant, cette évolution a été cassée dès le mois de septembre, qu'il s'agisse de la délinquance générale ou de la délinquance de proximité. Pour autant, les derniers chiffres ne sont pas satisfaisants puisque, en septembre, la tendance ne s'est pas inversée. À titre d'exemple, le nombre de cambriolages qui avait augmenté en août de 7,6 % a augmenté moins vite : de 5 %. Le taux d'élucidation est resté constant, autour de 38 %. Je vous rappelle qu'il était, il y a dix ans, de 25 %. C'est dire les progrès qui ont été accomplis. Les faits de criminalité organisée ont baissé au mois de septembre de 5,5 %. Les vols d'automobiles ont très légèrement diminué – de 0,41 %. On constate donc que la hausse s'est interrompue au mois de septembre et les premières indications concernant le mois d'octobre confirment une évolution positive. Il appartiendra à l'Observatoire national de la délinquance de rendre les chiffres publics et au ministère de l'intérieur d'en tirer toutes les conséquences. En tout état de cause, j'ai la conviction d'une évolution positive dès le mois d'octobre.

Dans un tel contexte, quelle est la politique que j'entends mener ? Le premier objectif, c'est une évidence biblique, est de faire baisser durablement la délinquance. Telle est la mission que j'ai reçue du Président de la République. Face aux nouvelles formes de la délinquance, nous devons nous adapter. Que Mme Batho m'excuse, mais les résultats en la matière ne dépendent pas exclusivement des effectifs. C'est aussi une question d'organisation et de modernisation. Nous prenons donc des mesures immédiates et structurelles.

Ainsi, nous avons mis en place des cellules anti-cambriolage. Nous avons constaté que l'opération Tranquillité vacances durant la période estivale donnait des résultats spectaculaires. Chez les foyers concernés, le taux de cambriolage est de 0,4 % ; autrement dit négligeable. Ces cellules consistent en équipes mixtes police-gendarmerie qui exploitent des données recueillies localement. On en compte aujourd'hui quatre-vingt-seize au niveau départemental, et dix au niveau régional.

Le cambriolage, parce qu'il est une forme de viol de l'intimité personnelle et familiale, frappe à juste titre l'opinion. Aussi avons-nous réagi très rapidement à la hausse, cet été, de 12 % à 13 % du nombre de cambriolages de résidences principales en décidant dès le mois de septembre la mise en place des cellules anti-cambriolages : dès le mois d'octobre la quasi-totalité des départements était couverte.

Pour combattre les bandes violentes, des groupes spéciaux d'investigation ont été mis en place dans les trente-quatre départements les plus touchés par le phénomène de la violence urbaine – essentiellement les départements de la petite et de la grande couronne. Il faut toutefois demeurer vigilant car ce phénomène peut s'étendre. Nous avons constitué, en vue de prévenir les risques d'atteinte à la sécurité publique, une base de données qui, conçue comme un outil anti-bandes, nous permettra de mieux identifier les fauteurs de troubles et donc de mieux interpeller ceux qui agissent notamment dans les transports en commun et les quartiers sensibles.

Quant à la police d'agglomération, monsieur le président Warsmann, nous travaillons à son extension à Lille, Lyon et Marseille, en concertation avec les élus locaux – je me suis rendu récemment à Lyon à cet effet. Nous n'excluons pas du reste d'étendre ce dispositif à d'autres métropoles à partir de 2010. Par ailleurs, la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupe et la protection des personnes chargées d'une mission de service public, déjà adoptée par l'Assemblée et qui sera examinée par le Sénat le 18 novembre, renforcera notre arsenal législatif en la matière puisque, désormais, le fait d'appartenir à une bande violente constituera en soi un délit.

S'agissant de la drogue, je rappelle que 40 % des jeunes de dix-sept ans ont vraisemblablement déjà consommé une forme de stupéfiant, ce qui, non seulement, est une source d'inquiétude pour leurs parents, mais alimente, de plus, une économie souterraine très lucrative puisque son chiffre d'affaires est estimé entre 1,7 et 2 milliards d'euros.

C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de lutter désormais avec la même vigueur contre les petits et contre les gros trafiquants : il n'y a pas, d'un côté, le combat glorieux contre les grands réseaux et, de l'autre, celui, plus obscur, contre le trafic au quotidien. C'est dans cet esprit que nous avons déjà lancé dans certaines communes du département de la Seine-Saint-Denis, notamment à Drancy, des opérations, que nous allons poursuivre, de déstabilisation et d'insécurisation des petits trafiquants. En partenariat avec les élus locaux, des opérations ciblées, qui seront parfois spectaculaires, auront lieu très régulièrement, non seulement à Saint-Denis, mais également à Saint-Ouen ou à Drancy. Je regrette l'absence, ce soir, de M. Patrick Braouezec, que j'ai reçu, à la suite du décès de deux trafiquants, avec Mme Jacqueline Rouillon, le maire de Saint-Ouen, et M. Bruno Le Roux, car, je tiens à le souligner, je partage totalement son analyse selon laquelle, s'il est vrai qu'on ne saurait éradiquer le trafic de drogue en donnant un coup de pied dans la fourmilière, cela permet en revanche de disperser celle-ci et de gagner du temps avant qu'elle ne se reconstitue, le plus souvent affaiblie. Cette politique permet donc de progresser dans la lutte contre les trafiquants.

Il convient également de ne pas oublier les opérations de contrôle et de sécurisation dans les établissements scolaires, à leurs abords immédiats et sur les voies d'accès. En effet, si le trafic a lieu à la fois à l'intérieur des établissements et à leur proximité immédiate, le deal se fait surtout sur une couronne un peu plus large – à trois ou quatre cents mètres de ces établissements.

Alors que, sur les routes, le nombre des tués avait diminué de manière spectaculaire entre 2002 et 2008 – de 44 % –, il a de nouveau augmenté au mois de septembre, de 17,7 %, ce qui a obligé les ministres chargés de ce dossier, qu'il s'agisse du ministre de l'écologie, du secrétaire d'État chargé des transports ou du ministre de l'intérieur, à « monter au créneau » ce week-end et à mener des opérations ciblées, lesquelles ont eu un effet positif puisque le week-end de la Toussaint a, semble-t-il, été moins meurtrier cette année que l'an passé. Je me suis prêté moi-même à ces opérations, notamment sur les routes départementales, qui totalisent 63 % des tués contre moins de 6 % pour les autoroutes – et cela ne fait que renforcer là le rôle de la gendarmerie, la nuit et en fin de semaine.

Je rappelle pour mémoire le plan départemental de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes, présenté par le Premier ministre à Villeneuve-la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine. La gendarmerie, de son côté, développera une police des territoires. Quant au budget, stable par rapport à l'année dernière, il s'élèvera à 16,4 milliards d'euros pour la mission « Sécurité », les charges de personnels absorbant, ce qui est normal, 85 % des crédits – soit quelque 14 milliards d'euros pour 242 945 emplois de policiers et de gendarmes.

En raison de la révision générale des politiques publiques, le plafond d'emplois sera géré de manière aussi optimale que possible. Un important effort de recrutement sera réalisé en 2010. S'agissant de la police nationale, après l'agitation du mois d'août consécutive à l'injustice faite à certains futurs cadets qu'on ne souhaitait plus recruter, j'ai obtenu du Président de la République l'autorisation de recruter 900 gardiens, 900 cadets et 600 adjoints de sécurité. En complément de ces recrutements tous achevés à ce jour, 4 240 incorporations seront effectuées en 2010 dans la police nationale : 1 500 gardiens de la paix, 700 adjoints de sécurité et 900 cadets, ainsi que 1 000 personnels administratifs, techniques et scientifiques. Le nombre d'emplois vacants et de départs à la retraite étant plus important dans la gendarmerie que dans la police, j'ai obtenu, toujours au mois d'août, l'autorisation de procéder à des recrutements supplémentaires – de 820 sous-officiers et de 1 080 gendarmes adjoints volontaires. Les recrutements prévus dans la gendarmerie en 2010 s'élèveront donc à quelque 6 500.

Monsieur le président de la Commission des lois, vous avez évoqué la salle d'audience de Roissy : le projet, pour lequel 2 millions d'euros avaient été budgétés, a été, fort heureusement, déprogrammé par le ministère de l'intérieur en 2008 – j'étais alors ministre de l'immigration – en raison de la décision de la Cour de cassation d'avril 2008 déclarant illégale l'installation d'une salle d'audience dans l'enceinte d'un centre de rétention administratif. J'ai demandé la tenue d'une réunion sur le sujet au garde des sceaux et au ministre de l'immigration car je n'ai pas l'intention d'investir de nouveau en vain dans un projet qui semble très mal parti puisqu'il suppose un préalable : que magistrats et avocats acceptent d'utiliser une telle salle. Or nous en sommes loin !

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