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Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 18 novembre 2009 à 15h00
Réduction du risque de récidive criminelle — Article 4, amendement 69

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou :

Je voudrais à mon tour demander à mes collègues de bien réfléchir à ce que nous a dit Mme la garde des sceaux tout à l'heure. Nous sommes tous évidemment horrifiés par le caractère dramatique et insupportable des crimes commis. Nous réagissons tous de la même façon, tout simplement parce que nous sommes des êtres humains. Ce qui nous occupe ici, c'est de chercher les meilleurs moyens d'éviter la récidive. Personne ne peut imaginer que nous puissions avoir la moindre indulgence pour le genre de crime dont nous parlons.

Mais, une fois que cela est dit, et sans revenir sur les principes de la rétention de sûreté – j'ai dit ce que j'avais à dire au moment de la loi de février 2008 –, je crois que nous devons tout de même garder une certaine mesure dans les dispositions que nous votons. Non seulement, comme Mme la garde des sceaux l'a rappelé, et comme vient de le dire Dominique Raimbourg, il y a déjà dans le texte des dispositions qui entrent dans cette logique – qui n'est pas la nôtre – et permettent d'exercer la surveillance de sûreté, mais, de surcroît, il faut quand même être attentif à la décision du Conseil constitutionnel qui justifie le texte de loi que nous examinons aujourd'hui.

Le Conseil constitutionnel a précisé que « la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté doivent respecter le principe, résultant des articles 9 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire », et que les atteintes portées à la liberté d'aller et de venir et au respect de la liberté individuelle « doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif de prévention poursuivi ».

Mme la garde des sceaux a fait allusion à ces considérants tout à l'heure. Je crois, mes chers collègues, que vous devriez y porter une attention toute particulière.

Mais je voudrais moi aussi revenir sur la logique qui anime notre rapporteur et qu'il a très bien exposée tout à l'heure. Faisons attention aux risques de dérive et de surenchère. Non seulement, comme vient de le rappeler Dominique Raimbourg, les cas de Francis Evrard et de l'auteur du meurtre de Milly-la-Forêt ne sont pas concernés par ce texte, mais vous trouverez toujours un cas qui justifiera une surenchère particulière. Et là, le risque de dérive est terrible. Que se passera-t-il, monsieur Garraud, quand une personne aura été condamnée à huit ans de réclusion et que vous estimerez nécessaire de lui appliquer la surveillance de sûreté ? Cette escalade est indéfinie. Il y aura des pressions continuelles sur les juges. Rappelons-nous quand même ce qui s'est passé au moment de l'affaire d'Outreau. Si nous avons eu quatorze innocents mis en détention provisoire, pour une durée de trois ans en moyenne, et dont l'un est mort en prison, c'est parce que l'ensemble des magistrats et l'ensemble de la société étaient soumis à des pressions terribles, phénoménales. Si les juges avaient pris la décision de ne pas mettre ces personnes en détention provisoire, ils auraient encouru un opprobre et même une vindicte considérables. Faisons attention, donc, à ce que nous votons. Je dois dire d'ailleurs qu'à voir ces amendements on se demande : « Jusqu'où cette escalade peut-elle nous mener ? »

Nous devons nous rappeler en permanence que le droit pénal est quelque chose de très important, mais que s'agissant des cas auxquels nous nous intéressons – et à juste titre –, nous voyons bien qu'il nous faut aller vers une combinaison de mesures, à la fois pénales, psychiatriques et sociales. Je m'étonne d'ailleurs une fois de plus, madame la garde des sceaux, que vous soyez seule à ce banc. Car, après tout, la présence de Mme Bachelot, ministre de la santé, serait aussi nécessaire.

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