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Intervention de Michel Diefenbacher

Réunion du 24 mars 2010 à 21h30
Réforme du crédit à la consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Diefenbacher :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte est à la fois nécessaire et urgent. Il transpose une directive européenne qui doit entrer dans notre droit avant le 11 juin prochain. Il moralise le crédit à la consommation, qui a connu ces dernières années des dérives inacceptables.

Ce texte est difficile, car il doit concilier des nécessités contraires : protéger les consommateurs sans les exclure de l'accès au crédit ; contraindre les prêteurs sans les empêcher de travailler ; maîtriser l'endettement privé sans compromettre la consommation si nécessaire à la reprise économique.

Il fallait donc trouver un juste équilibre. Et pour l'essentiel, le texte y parvient. Je tiens, madame la ministre, à vous en féliciter.

Qu'il me soit toutefois permis de soulever un point particulier, qui me paraît pouvoir comporter des conséquences que ni le Gouvernement ni le législateur ne peuvent souhaiter. Il s'agit de la responsabilité qui serait désormais confiée au prêteur de vérifier la solvabilité de l'emprunteur. Le projet déposé par le Gouvernement prévoyait l'obligation pour le prêteur de communiquer à l'emprunteur les éléments lui permettant de s'assurer que le crédit demandé est adapté à ses besoins, de mener une étude de sa solvabilité, et, pour les opérations conclues sur le lieu de vente, de lui délivrer une fiche d'information. Le prêteur devait en outre, le cas échéant, mettre en garde l'emprunteur contre un risque d'endettement excessif.

Les amendements adoptés par le Sénat modifient profondément ce dispositif, au risque, me semble-t-il, de compromettre le délicat équilibre auquel le Gouvernement était arrivé entre les responsabilités respectives du prêteur et de l'emprunteur.

D'abord, il appartiendrait désormais au prêteur, non plus d'évaluer mais de « vérifier » la solvabilité de l'emprunteur. Cette rédaction, qui va d'ailleurs au-delà de la directive européenne, me paraît soulever une difficulté majeure. Alors que l'appréciation de la solvabilité d'un emprunteur comporte inévitablement une part de subjectivité, la vérification est au contraire une notion objective. Dès lors, que devient l'appréciation discrétionnaire, traditionnellement reconnue au prêteur ? Pourra-t-il refuser un prêt s'il n'est pas en mesure d'établir objectivement l'insolvabilité du demandeur ? Et qu'adviendra-t-il si le prêt est accordé et que l'emprunteur est en définitive insolvable ? Le juge n'en déduira-t-il pas que la vérification a été imparfaite, et que donc la responsabilité du prêteur se trouve ipso facto engagée ? N'y a-t-il pas là le risque d'enfermer les organismes de prêt dans un dilemme en fait impossible, et donc de les inciter à un attentisme qui serait préjudiciable à la fois à leur activité, aux besoins des ménages et au soutien de la conjoncture ?

Par ailleurs, la rédaction du Sénat prévoit que, lorsque le contrat est conclu sur le lieu de vente, une fiche d'information sur les ressources et les charges de l'emprunteur doit être établie. Cette fiche, authentifiée, doit être également signée par l'emprunteur. La rédaction ajoute que seules les informations figurant dans la fiche, corroborées par des justificatifs, peuvent être opposées à l'emprunteur de bonne foi. En d'autres termes, les autres informations, celles qui ne figureraient pas sur la fiche et qui ne seraient pas assorties de justificatifs, ne lui seraient pas opposables, même si elles sont signées par lui.

Ce dispositif me paraît soulever bien des difficultés. Un client souhaitant souscrire un crédit sur le lieu de vente ne disposera jamais de tous les justificatifs nécessaires. Le prêteur ne pourra donc jamais assumer pleinement la fonction qui lui est assignée par la loi. Et l'emprunteur, sachant que sa propre signature ne lui sera jamais opposée, peut être incité à des comportements peu responsables.

La responsabilisation, à la fois des prêteurs et des emprunteurs, est, me semble-t-il, au coeur même de la réforme que propose le Gouvernement. Je souhaite donc, madame la ministre, que, sur ce point, la rédaction du Sénat puisse être rediscutée. Je crois sincèrement que le stricte logique voudrait que l'on en revienne à un dispositif plus proche de celui initialement prévu par le Gouvernement.

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