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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 7 juillet 2010 à 21h30
Dispositions relatives à la démocratie sociale — Rappels au règlement

Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

Je tiens tout d'abord à dire à M. Mallot que l'amendement auquel il a fait référence a été déposé ce matin. Sa distribution relève de l'Assemblée, non du Gouvernement.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter ce soir s'inscrit dans la continuité de la politique mise en oeuvre par le Gouvernement depuis 2007 pour renforcer le rôle des partenaires sociaux et la place de la négociation collective dans l'élaboration de notre droit social.

Nous croyons en une société qui donne au contrat tout l'espace nécessaire à côté de la loi et du règlement, car nous pensons que les règles discutées et élaborées par les acteurs eux-mêmes sont souvent plus durables et plus proches de leurs réalités, particulièrement dans l'entreprise.

Pour y parvenir, il est indispensable que les accords qui s'appliquent aux entreprises et aux salariés soient négociés par des acteurs dont la légitimité est renforcée et repose sur une large adhésion. C'est ce que nous avons fait avec la réforme, sans précédent depuis l'après-guerre, des règles de représentativité et de validité des accords issue de la loi du 20 août 2008. Désormais, à tous les niveaux, plus aucun accord ne devra pouvoir s'appliquer s'il n'a pas une légitimité électorale réelle résultant de l'adhésion des salariés.

Le projet de loi que je vous présente permet de franchir une nouvelle étape dans ce sens en complétant la rénovation de notre démocratie sociale. Il est dans la continuité de la loi du 20 août 2008. Il est indispensable pour que celle-ci puisse s'appliquer pleinement. Il pose des règles simples et souples, sans créer – et j'y insiste – de contraintes nouvelles pour les entreprises et fait confiance à la négociation collective.

Ce projet de loi était prévu dans la loi de 2008. Il vient donc logiquement la compléter. La loi de 2008 a profondément modernisé notre système de relations sociales, en substituant le critère de l'audience à la présomption irréfragable de représentativité qui subsistait depuis 1948. Ce sont désormais les salariés qui choisissent les représentants qui vont négocier en leur nom et signer des accords qui s'appliquent à eux. Ces mêmes accords ont désormais vocation à reposer sur une large assise. Ils ne peuvent être rejetés que de manière majoritaire par les syndicats de salariés non signataires. Cette règle s'applique dans les entreprises depuis 2008 et elle s'appliquera dès 2013 dans les branches et au niveau national interprofessionnel.

Toutefois, dans les entreprises de moins de onze salariés, il n'est pas obligatoire d'organiser des élections professionnelles. Par conséquent, la voix des salariés de ces entreprises n'est, pour l'heure, pas prise en compte pour mesurer la représentativité des organisations syndicales au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel, ainsi que pour la validité des accords conclus à ces niveaux.

Les partenaires sociaux signataires de la position commune du 9 avril 2008, c'est-à-dire le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT, avaient prévu de poser de nouveau la question des modalités spécifiques aux TPE permettant de renforcer le développement du dialogue social, en y associant au mieux les salariés concernés, ainsi que celle de l'élargissement du nombre de salariés bénéficiant d'une représentation collective.

Dès l'élaboration de la loi du 20 août 2008, le Gouvernement a identifié avec les partenaires sociaux la nécessité de prévoir un mécanisme spécifique pour les TPE. La loi du 20 août 2008 a donc prévu, dans son article 2, l'intervention d'une seconde loi pour les salariés des TPE. Les signataires de la position commune ont tous accepté le principe de cette seconde loi et ils ont d'ailleurs engagé des discussions. Ces discussions n'ont pas abouti à un accord et le Gouvernement le regrette, ainsi que je l'ai indiqué devant votre commission des affaires sociales. Cependant, le 20 janvier dernier, certains des partenaires sociaux – l'UPA et quatre syndicats de salariés – ont adressé au Gouvernement une lettre qui a constitué une base de travail importante.

Aujourd'hui, la réforme que je vous présente est urgente et indispensable.

Les salariés travaillant dans les TPE représentent plus de 20 % des salariés du secteur privé, soit 4 millions de personnes : c'est considérable. Les accords négociés, notamment au niveau des branches, s'appliquent aussi, bien évidemment, à ces salariés des TPE. Prenons des exemples concrets : les salaires minimums pour les opticiens ou la prévoyance pour des salariés de la boucherie sont négociés par des partenaires sociaux auxquels s'appliquent les règles de représentativité et de validité des accords.

En conséquence, le dispositif de mesure de la représentativité – c'est le coeur du texte – serait très fragile sur le plan juridique si aucune disposition ne permettait de prendre en compte la voix des salariés de ces entreprises.

Comment pourrait-on concevoir que certains salariés participent à la mesure de la représentativité de syndicats qui négocient des accords qui s'appliquent à eux, et pas d'autres ? Ce serait comme si les habitants des villes de moins de 2 000 habitants n'avaient pas le droit de voter aux élections nationales.

Des règles transitoires s'appliquent, faute, pour le moment, de pouvoir mesurer pleinement l'audience des syndicats de salariés au plan national ; ce sera le cas jusqu'en 2013. Les arrêtés qui dresseront, en 2013, la liste des syndicats représentatifs dans les branches et au plan national interprofessionnel doivent donc reposer impérativement sur des critères de mesure d'audience qui prennent en compte tous les salariés.

Un débat juridique a eu lieu : la loi de 2008 serait-elle menacée si nous ne la complétions pas ? Le Conseil d'État l'a écrit très clairement : il serait inconcevable d'avoir deux catégories de salariés, ceux dont la voix peut être prise en compte et les autres. Cette situation pourrait être contraire aux principes constitutionnels de participation et d'égalité et cela pourrait conduire à fragiliser toute la réforme si aucune mesure de l'audience ne visait aussi les salariés des TPE avant 2013.

Notre responsabilité est de préserver la réforme de la représentativité. Il faut donc adopter dès maintenant un projet de loi pour organiser une consultation électorale avant le début de l'année 2013, dresser les listes électorales avant la fin de l'année qui précède celle de la consultation et passer les marchés publics afférents.

La réforme que je vous présente est simple, pragmatique et fait confiance à la négociation collective.

En premier lieu, elle organise la mesure de l'audience des syndicats de salariés auprès des salariés des TPE. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics, et non de celle des entreprises, d'organiser cette mesure de l'audience. L'État organisera donc un scrutin auprès des 4 millions de salariés concernés, tous les quatre ans, à partir de l'automne 2012.

Ce scrutin, nous avons souhaité qu'il soit le plus souple et le plus simple possible. C'est la raison pour laquelle le projet de loi retient le vote électronique et le vote par correspondance. Non seulement ces modalités ne créent aucune contrainte nouvelle pour les entreprises, mais elles élargissent les possibilités qu'ont les salariés d'exprimer désormais leur opinion. Nous préférons qu'ils votent plutôt qu'ils ne s'abstiennent. Votre commission des affaires sociales a assoupli davantage encore le dispositif, en précisant que l'employeur n'aura en aucun cas l'obligation de mettre à disposition un matériel électronique pour le vote lorsqu'il n'en dispose pas.

Grâce à cette réforme, tous les syndicats qui peuvent présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles pourront mesurer leur audience auprès des salariés des TPE.

Par ailleurs, il s'agit d'une consultation sur des sigles syndicaux. Le Gouvernement a retenu cette modalité – qui a fait l'objet d'un débat, notamment avec les organisations syndicales –, car il a toujours refusé de créer et de rendre obligatoire une quelconque instance de représentation du personnel dans laquelle auraient nécessairement siégé des personnes élues sur des listes. Oui à la représentativité, non à la représentation dans ces toutes petites entreprises. Si la consultation porte sur des noms, la question se posera de la présence physique des personnes élues au sein d'une instance. Or une telle instance n'existe pas. Il est donc normal d'organiser une consultation sur des sigles, afin de respecter la forme des relations sociales au sein des TPE.

Dès lors que nous pourrons mesurer le poids électoral de chaque syndicat ainsi que les résultats électoraux issus des élections professionnelles, nous pourrons fonder l'audience des syndicats dans les branches et au niveau interprofessionnel sur une expression complète de tous les salariés. C'est ainsi que nous donnerons à la loi de 2008 toute sa portée.

Les sénateurs ont souhaité que le Haut conseil du dialogue social, créé par la loi du 20 août 2008, puisse être informé des modalités d'organisation de cette consultation, ce qui est effectivement pertinent.

Un mot sur le secteur agricole. Ce dernier dispose déjà d'un instrument de mesure de la représentativité grâce aux élections aux chambres d'agriculture. Les partenaires sociaux du secteur agricole nous ont fait part de leur attachement à ce système et nous les avons entendus. Les élections aux chambres d'agriculture seront donc pleinement prises en compte. Aucune autre consultation électorale ne sera nécessaire pour mesurer la représentativité des syndicats dans les secteurs agricoles concernés.

En second lieu, le projet de loi reporte de deux ans au plus les élections prud'homales. Il ne faudrait pas que cette mesure suscite des fantasmes. Ce report permet d'éviter que, la même année, nous disposions de résultats différents pour une même organisation syndicale en termes de représentativité et d'élections des juges. Il nous donne également le temps de la réflexion. Ainsi que je l'ai indiqué en commission, j'ai reçu, le 25 mai dernier, les conclusions du rapport Richard sur l'avenir des élections prud'homales qui formule des préconisations. Nous prendrons le temps d'étudier les pistes qu'il propose avec les partenaires sociaux. Il n'est pas question de revenir sur le scrutin prud'homal ; il s'agit de comprendre pourquoi l'abstention est si élevée et de faire en sorte que la représentativité au sein des instances prud'homales soit la plus forte possible. Nous en parlerons très ouvertement.

Les signataires de la lettre du 20 janvier 2010 ont demandé la mise en place de commissions paritaires régionales : le mot est lâché. Par ailleurs, des discussions sont en cours entre les partenaires sociaux sur les institutions représentatives du personnel.

Je voudrais rappeler que des commissions paritaires existent pour de nombreuses entreprises depuis la loi du 4 mai 2004. Elles ne peuvent être mises en place que par la négociation collective et n'existent donc que si les partenaires sociaux l'ont souhaité. Des commissions de ce type existent probablement dans vos départements, même si vous n'en avez jamais entendu parler. Y siègent le MEDEF, la CGPME et les organisations syndicales. Les partenaires sociaux ont la possibilité d'en mettre en place, sur la base de la loi de 2004, pour les très petites entreprises. Ces commissions ont de larges pouvoirs, dont celui de négocier ou de traiter des réclamations individuelles, et, grâce aux commissions de la loi de 2010, le Gouvernement souhaite mieux encadrer ces pouvoirs en créant des commissions spécifiques aux TPE.

La commission des affaires sociales a supprimé les dispositions du projet de loi relatives aux commissions paritaires spécifiques aux TPE. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le Gouvernement est respectueux du dialogue social. Trois organisations patronales, qui regroupent à elles seules la majorité des TPE, soutiennent une démarche de dialogue social dans le cadre de telles commissions ainsi que quatre des cinq organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. On ne peut pas dire que ce soit négligeable ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est également attentif aux préoccupations exprimées par un nombre important de parlementaires qui ne souhaitent pas, à juste titre, introduire de représentants syndicaux dans les toutes petites entreprises, afin de ne pas bouleverser la réalité et la proximité du dialogue social dans ces entreprises. Ce n'est pas et ce ne sera pas le projet du Gouvernement. Il n'y a donc pas lieu de fantasmer : le Gouvernement n'a pas pour projet d'intégrer des représentants syndicaux dans les TPE, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire.

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