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Intervention de Jacques Domergue

Réunion du 7 juillet 2010 à 10h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Domergue, rapporteur :

Je suis heureux de vous présenter aujourd'hui le fruit d'un travail de plus de cinq mois, sur un sujet qui ne doit pas être sous-estimé.

Notre pays compte aujourd'hui près de 750 000 auxiliaires médicaux. Non seulement leurs métiers constituent un gisement d'emplois considérable pour les générations actuelles comme pour les générations futures, mais ces professionnels sont amenés à jouer un rôle capital dans l'évolution de notre système de santé, à l'heure où l'on parle de nouvelle répartition des tâches entre professionnels, de réorganisation de l'offre de soins, de prise en charge de nouvelles pathologies dans un cadre financier, il faut le reconnaître, de plus en plus contraint.

Conscients de cette importance, nous avons pris l'initiative, Mme Catherine Lemorton et moi-même, de créer cette mission d'information sur la formation des auxiliaires médicaux. Pourquoi cette réflexion est-elle d'actualité ?

D'abord parce que la création d'une première année d'études commune aux études de santé à la rentrée 2010 – en application de la loi votée l'année dernière – va créer un véritable appel d'air. Les doyens de faculté de médecine nous alertent sur la hausse des effectifs – une augmentation de 10 % des inscriptions est attendue pour la L1 Santé – et leur difficulté à accueillir les étudiants dans des conditions acceptables, notamment pour les auxiliaires médicaux, parmi lesquels les futurs masseurs kinésithérapeutes, les ergothérapeutes ou encore les psychomotriciens, qui passent aujourd'hui par une première année de médecine pour intégrer leur institut de formation. Pour eux, il est urgent de trouver une solution alternative.

J'ajoute que la simplification de l'accès aux professions médicales a créé une attente chez les étudiants paramédicaux, qui veulent mettre fin à la sélection par l'information et par l'argent.

Ensuite parce que le mouvement d'harmonisation des études universitaires en Europe, dit « processus de Bologne » implique l'intégration au système licence-master-doctorat de l'ensemble des spécialités d'auxiliaire médical. Il s'agit d'une reconnaissance symbolique très attendue par les professionnels que nous avons rencontrés. Y renoncer serait isoler la France, et limiter la mobilité de nos étudiants et de nos futurs professionnels. Certes nous sommes en train de nous mettre à niveau. 2009 a vu la reconnaissance au grade de licence du diplôme d'État des infirmiers. Le ministère de la santé a annoncé l'attribution du grade de licence à l'ensemble des auxiliaires médicaux au plus tard à l'horizon 2015. Mais, avant de nous engager sur la voie de l'universitarisation de ces métiers, il nous faudra procéder à une révision complète du contenu des formations et de leur pilotage.

Enfin, un mouvement sans précédent anime les métiers de la santé.

Le vieillissement de la population, l'apparition de nouveaux enjeux de santé publique – telles la maladie d'Alzheimer ou la prise en charge de la dépendance –, mais aussi les prévisions démographiques médicales bouleversent le milieu professionnel de la santé. La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a pris acte de ces changements en autorisant les transferts de tâches entre professionnels. La formation des auxiliaires médicaux doit suivre ces évolutions, par le renforcement du cursus initial, par la création d'une culture commune entre professionnels de santé – à la faveur notamment du suivi d'une même première année universitaire –, par la reconnaissance de nouvelles compétences, voire par la création de nouveaux métiers.

Pour ces trois raisons, notre commission a créé, le 13 janvier 2010, la mission d'information relative à la formation des auxiliaires médicaux Nous avons procédé à plus de soixante auditions ou tables rondes comprenant l'ensemble des représentants des professionnels, les organisations étudiantes, de nombreux experts, les acteurs institutionnels concernés, que ce soit les régions, les Universités, ou les directions générales de l'offre de soins et de l'enseignement supérieur et de la recherche, et enfin la ministre de la santé et des sports.

Nous avons écouté beaucoup de propositions intéressantes, dont je pense avoir tiré une synthèse consensuelle, puisque le rapport a été adopté par l'ensemble des membres de la mission mercredi dernier, à l'exception d'une voix. Je souligne que nous nous sommes heurtés à une complexité que nous n'imaginions pas – beaucoup qualifient ces formations de véritable « maquis » – et dont nous restons tous encore abasourdis.

Que pouvons nous conclure de ces cinq mois de travaux ?

La première partie du présent rapport dresse l'état des lieux de la formation des auxiliaires médicaux en France, largement partagé par l'ensemble des professionnels auditionnés par la mission. Ce constat est assez alarmant : manque de lisibilité des cursus, manque de clarté du pilotage, manque d'équité du système de sélection.

Ce qui frappe d'abord, c'est l'hétérogénéité des cursus – dans la durée, la qualité du contenu, le statut des instituts de formation – qui s'observe non seulement d'une spécialité à l'autre mais également à l'intérieur de chaque spécialité, ce qui est véritablement incompréhensible. Certaines formations donnent lieu à la délivrance d'un diplôme d'État, (kinésithérapeutes, infirmiers, ergothérapeutes, pédicures-podologues, psychomotriciens), d'autres à une certification (orthophonistes, orthoptistes), d'autres enfin à un brevet de technicien supérieur ou à un diplôme universitaire (manipulateurs en électroradiologie médicale, opticien-lunetier, diététicien, technicien de laboratoire). Pour certaines spécialités, plusieurs diplômes ou titres donnent accès à l'exercice de la profession. Ainsi ce ne sont pas moins de dix diplômes différents qui donnent accès au métier de technicien de laboratoire ! Comment dans ce contexte les jeunes étudiants et leurs familles peuvent-ils s'y retrouver ?

Deuxième constat, les modalités d'accès aux formations sont peu lisibles – et ce manque de lisibilité est d'autant plus accentué que s'affirme parallèlement la lisibilité de la L1 Santé – et souvent inéquitables. Certaines formations recrutent par la première année de médecine, d'autres par concours direct, d'autres sur dossier. Les étudiants qui veulent entrer en formation d'orthophoniste, d'orthoptiste, ou même de kinésithérapeutes, doivent faire le tour de France des différents concours d'entrée dans les instituts, dont chacun est payant. Vous pouvez imaginer la dépense qu'ils doivent ainsi supporter ! Surtout l'entrée dans la formation ne se fait jamais directement après le bac, les élèves suivant souvent une à deux années de préparation dans des instituts privés coûteux. La sélection s'opère donc davantage par l'accès à l'information et par l'argent que par la qualité des étudiants.

Troisième constat, le contenu et les modalités de formation des auxiliaires médicaux sont inadaptés au regard de trois évolutions majeures : tout d'abord avec la pénurie annoncée de certains professionnels médicaux et paramédicaux, comme les infirmiers, il est urgent de renforcer l'attractivité des métiers, ce qui passe par des perspectives d'évolution de carrière, de réorientations ou de spécialisations que n'offre pas le système de formation des auxiliaires médicaux. Deuxième défi, la réorganisation des soins et le développement de la coopération entre professionnels de santé, consacrée par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, implique un renforcement du contenu et une « médicalisation » des cursus des auxiliaires médicaux ainsi que le développement d'une culture commune qui fait aujourd'hui défaut. Enfin, l'évolution des besoins de santé de la population nécessite le développement de nouvelles compétences pour les auxiliaires médicaux, en matière de prévention, de prise en charge du handicap ou des maladies chroniques invalidantes, ou encore de psychiatrie.

Dernier élément, la formation des auxiliaires médicaux n'est pas encore intégrée au système licence-master-doctorat, qui permet une véritable mobilité européenne des étudiants et des professionnels. Certes les études d'infirmier diplômé d'État ont été reconnues au grade de licence, ce qu'il faut saluer comme un progrès ; cependant la France ne peut pas s'isoler en maintenant un système de formation en décalage avec le reste des pays européens.

Sur la base de ce constat, la deuxième partie du présent rapport présente des pistes de réforme qui tendent à assurer une formation lisible et de meilleure qualité aux auxiliaires médicaux, à renforcer leur rôle auprès du corps médical, à améliorer le déroulement de leur carrière et à garantir l'égal accès des étudiants aux différents métiers concernés, au bénéfice de l'ensemble de nos concitoyens.

À court terme, la mission propose de revoir les modes de sélection en créant une L1 « paramédicale ».

Pour cela, nous avons étudié les avantages et inconvénients de trois options. La première option, prévoyant la création d'une licence complète regroupant tous les futurs professionnels de santé, est théoriquement intéressante mais ne correspond pas à la spécificité des métiers paramédicaux. La deuxième option, consistant à regrouper l'ensemble des futurs professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, au sein d'une première année commune, est impossible dans les faits, en raison des effectifs concernés, des différentiels de niveaux entre les étudiants et des moyens actuels des Universités. La troisième option consiste en la création d'une L1 « paramédicale » réservée aux auxiliaires médicaux. Cette option est privilégiée par la mission.

La mission préconise donc de mettre fin à la sélection des auxiliaires médicaux par le biais de la première année de médecine rendue impossible par la création de la première année d'études commune aux professionnels de santé en 2009.

Nous proposons une solution alternative : la création d'une L1 « paramédicale » comprenant l'ensemble des futurs auxiliaires médicaux à l'exception des étudiants en soins infirmiers qui continueraient à entrer dans leur formation directement après le bac.

Nous avons fait le choix de ne pas les intégrer à court terme pour plusieurs raisons. En effet, la majorité des étudiants en soins infirmiers entamant leur formation directement après le bac, les intégrer à la L1 « paramédicale » aurait pour effet de créer une barrière à l'entrée de la formation, en haussant excessivement le niveau de sélection et en allongeant la durée d'étude pour la moitié des étudiants, alors même que le pays a besoin d'un nombre croissant de professionnels. De plus, un passage obligatoire par l'université pourrait pénaliser les étudiants qui n'habitent pas dans les grandes villes et peuvent poursuivre des études aujourd'hui grâce à la proximité des instituts dont la dispersion sur le territoire répond aux besoins et à la situation de notre pays. Enfin, les universités sont encore incapables d'accueillir l'ensemble des candidats à l'entée dans la formation dans de bonnes conditions. Au demeurant, les étudiants en soins infirmiers rencontrés par la mission n'y tiennent pas. D'ici quelques années, l'intégration des études dans le système licence-master-doctorat devrait relever le niveau requis pour intégrer la formation. Il sera temps, alors, d'examiner l'opportunité de leur intégration à la L1 « paramédicale ».

Sur le modèle de la L1 Santé, à l'issue du semestre commun, les étudiants opteraient pour la formation qu'ils souhaitent intégrer, leur affectation entre spécialités et centres de formation dépendant de leur classement final. Je précise qu'il s'agira d'une année de sélection et non de formation, c'est-à-dire qu'elle n'aura pas pour effet d'allonger inutilement les études. Elle pourra cependant donner lieu à la validation de « crédits » d'enseignement, permettant aux étudiants n'ayant pas intégré une formation d'auxiliaire médical de se réorienter dans un autre cursus sans perdre une année.

À moyen terme, la mission préconise l'intégration au système licence-master-doctorat de l'ensemble des cursus des auxiliaires médicaux à la rentrée 2013.

Sur ce point, nous estimons que l'intégration au système licence-master-doctorat de la formation des auxiliaires médicaux doit suivre le modèle de la reconnaissance du grade de licence aux diplômés d'État en soins infirmiers mis en place à la rentrée 2009. Celui-ci a fait la preuve de son efficacité et est jugé positivement par les étudiants que nous avons reçus.

Dans cette perspective, la mission préconise quatre mesures : actualiser le contenu de l'ensemble des diplômes des auxiliaires médicaux en fonction des résultats de la redéfinition avant la fin 2011 ; transformer les diplômes donnant accès aux professions de manipulateur d'électroradiologie médicale, diététicien, opticien-lunetier, orthoprothésiste, orthopédiste orthésiste et technicien de laboratoire d'analyse biomédicale en diplôme d'État et en transférer la responsabilité au ministère de la santé et des sports ; engager une réflexion sur le nombre et la répartition des centres de formation ; enfin clarifier la responsabilité respective des ministères de l'éducation nationale, de la santé et des sports et de l'enseignement et de la recherche.

À long terme, il convient d'ouvrir les perspectives de carrière des auxiliaires médicaux en facilitant la poursuite d'études.

La mission propose pour cela de développer les passerelles entre les formations paramédicales et médicales, avec des dispenses de scolarité et de concours beaucoup plus larges qu'aujourd'hui ; mutualiser les enseignements entre formations paramédicales et médicales et créer à terme des instituts d'études paramédicales régionaux, conventionnés avec les universités, ce qui permettra aux professionnels d'avoir validé au cours de leur formation initiale des enseignements utiles pour la reprise d'études ; créer des licences de spécialisation reconnues par les employeurs et permettant d'acquérir une expertise ciblée dans un domaine médical ; renforcer le niveau master pour les auxiliaires médicaux, en créant de nouveaux masters transversaux selon les besoins de santé de la population et en attribuant un niveau master aux infirmiers anesthésistes, cadres de santé, puéricultrices et infirmiers de bloc opératoire.

La mission préconise enfin une application progressive de la réforme, en fonction du calendrier des travaux de redéfinition des diplômes en cours au ministère de la santé et la mise en place, dès maintenant, d'une concertation avec les représentants des étudiants et des professionnels, mais aussi des régions et des universités.

Je conclurai mon propos en vous indiquant que face au maquis actuel des formations paramédicales, nous avons souhaité clarifier le système, afin de le rendre plus lisible pour les lycéens souhaitant s'orienter dans cette voie et pour leurs familles.

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