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Intervention de Patricia Lemoyne de Forges

Réunion du 7 juillet 2010 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Patricia Lemoyne de Forges, présidente de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, ACNUSA :

Nous travaillons avec la Direction générale de l'aviation civile de façon quasi quotidienne et nous nous réunissons en plénière chaque mois – c'est à ces réunions que me rejoignent, puisque je suis la seule à travailler à temps plein, les autres membres de l'Autorité, nommés en fonction de leurs compétences : acousticien, spécialiste du sommeil, pilote, spécialiste de la navigation aérienne… Nous sommes donc en interaction permanente.

Nos relations avec Aéroports de Paris sont bonnes, mais moins fréquentes. Peut-être ADP, depuis qu'il a changé de statut, se sent-il moins directement préoccupé par les riverains. Mais le partage des compétences entre ADP et la DGAC pour ce qui concerne les plaintes des riverains n'est pas très clair. La réunion plénière de septembre a pour objet de déterminer qui doit répondre aux riverains et dans quelles conditions, sachant que ce n'est qu'ensuite que l'Autorité intervient, si les réponses ne satisfont pas les riverains.

Nos nouvelles compétences doivent prendre effet quatre mois après la publication de la loi. Pour les exercer, il faudra d'abord nommer deux membres supplémentaires – nous serons dix au lieu de huit – compétents en matière d'émissions atmosphériques et d'impact de l'activité aéroportuaire sur l'environnement. Nous espérons donc que ces nominations ainsi que le recrutement de l'ingénieur auront lieu à l'automne, mais je ne pense pas que l'Autorité puisse se saisir vraiment du sujet avant début 2011. Pour l'instant, nous sommes un peu dans l'incertitude.

Pour ce qui est des sanctions, il n'y a rien de spécifique dans la loi Grenelle II. En revanche, la loi de 1999 autorise l'Autorité à en prononcer dès lors qu'un arrêté ministériel prévoit des restrictions. Ainsi, les avions sont sanctionnés lorsqu'ils dévient des volumes de protection environnementale qui sont définis pour les aéroports parisiens, ou s'ils ne respectent pas les types d'approche à vue ou les trajectoires prévus pour certaines plateformes provinciales. Dès lors que le Gouvernement estimera nécessaire de prendre un texte, peut-être d'ailleurs sur la base de nos recommandations, nous pourrons intervenir. Nous préconisons par exemple la limitation des APU, ces moteurs auxiliaires de l'avion qui fournissent l'électricité et la climatisation lors des escales, qui font du bruit et qui polluent. Certaines plateformes sont équipées d'installations à 400 hertz, qui permettent aux avions de se brancher directement, mais pas toutes. L'Autorité les incite à réaliser cet investissement, bien sûr coûteux. Bref, si des textes sont pris, l'Autorité sera compétente pour en sanctionner le non-respect.

En ce qui concerne le produit des amendes, il faut distinguer le montant prononcé – décision administrative susceptible d'un recours contentieux à l'origine devant le Conseil d'État, depuis le 1eravril devant le tribunal administratif de Paris – et le recouvrement. Pour les compagnies basées en France, il n'y a pas de problème, compte tenu de toutes les voies fiscales de recouvrement. C'est pour les compagnies étrangères qu'a été voté le pouvoir d'immobilisation, mais le texte initial ne disait pas quelle était « l'autorité administrative de l'État » compétente pour déclencher la procédure. La loi précise maintenant qu'il s'agit de l'ACNUSA. L'Autorité peut donc saisir le juge judiciaire afin d'immobiliser un avion sur une plateforme. Pour l'instant, elle n'a pas encore mis ce pouvoir en oeuvre. En effet, il faut commencer par élaborer un dossier très complet, exposant notamment toutes les démarches entreprises par les trésoreries auprès de la compagnie. À l'étranger, il n'y a aucune voie d'exécution forcée : le recouvrement ne peut passer que par des discussions plus ou moins amiables, et des procédés parfois un peu hors normes. Il arrive que des compagnies promettent de s'acquitter de leurs amendes ou proposent un échéancier, mais certaines ont des « ardoises » assez lourdes. Il faut donc présenter au juge un dossier complet, montrant que toutes les diligences ont été faites sans que l'on ait réussi pour autant à recouvrer cet argent. Je pense que nous nous servirons de cette possibilité avant la fin de 2010. C'est alors que nous pourrons vraiment en mesurer l'impact. Le simple fait de pouvoir écrire à la compagnie que son appareil pourra être immobilisé si elle ne paye pas produit déjà des effets, mais ceux-ci ne dureront pas longtemps si la menace n'est pas mise à exécution !

Pour ce qui est des vols de nuit, il va de soi qu'on ne peut pas obliger une compagnie aérienne à renouveler sa flotte dans l'année ! Notre recommandation fixe donc l'horizon à 2014. L'idée est d'inciter les compagnies à renouveler leur flotte et à utiliser leurs avions les plus performants la nuit. Nos dernières données datant de 2007, nous avons commandé une étude pour savoir, compagnie par compagnie, quel type d'appareil vole la nuit. Notre rôle s'arrête à ces éléments objectifs. Au-delà, nous perdons la main et c'est à la DGAC qu'il appartient de faire preuve de persuasion face aux compagnies.

Une autre piste de progrès possible, pour les vols de nuit, est la descente continue. Certaines plateformes ne l'ont pas encore instituée – Bordeaux vient de se lancer – et ce n'est en outre pas toujours possible. Actuellement, afin d'intercepter l'ILS (Instrument Landing System), c'est-à-dire la balise qui permet d'arriver jusqu'à l'aéroport, les avions procèdent par paliers pour réduire leur vitesse. La descente continue, au contraire, est une pente lisse, réglée par le pilote et qui commence assez loin, sur autorisation du contrôle qui n'intervient plus ensuite. Elle devient impossible dès que l'on est précédé par un aéronef plus lent, et donc dès que le trafic est important. Le choix entre environnement et capacité se pose : si l'on décide de généraliser la descente continue, il faut limiter le trafic ! C'est pourquoi cette méthode n'est pas employée dans la journée à l'aéroport Charles-de-Gaulle. Elle a été expérimentée en premier lieu à Marseille, où cela fonctionne très bien, et est fréquemment utilisée à Orly. Tout le monde y gagne : le pilote est plus libre, la compagnie fait des économies de kérosène, ce qui induit moins de rejets de CO2, et le gain moyen en matière de bruit – avant la balise, parce que rien ne change après – est de 3 décibels, et peut aller jusqu'à 6 ou 7. L'intérêt de cette méthode est donc loin d'être négligeable. Si elle pouvait être employée la nuit à Charles-de-Gaulle, quand il y a moins de trafic, et couplée à un renouvellement de la flotte, l'amélioration pour les survolés serait incontestable. Elle est incompatible avec une forte capacité, mais je rappelle que le prochain protocole de la DGAC parlera, dans cet ordre, de sécurité, d'environnement et de capacité !

L'étude DEBATS doit durer six ans pour être réellement utile. D'autres études ponctuelles ont été faites, qui montrent des effets sur l'attention ou sur le sommeil, par exemple, mais aucune n'est scientifiquement incontestable. Seule une étude de long terme permettra de fournir de bons résultats.

L'Autorité a toujours défendu un respect strict des règles d'urbanisation des zones de plans d'exposition au bruit et l'absence de constructions en zone C autre que celles prévues par le code de l'urbanisme. Nous sommes conscients des difficultés que cela représente pour certaines communes, notamment en région parisienne, qui ont besoin de logements. Il faut trouver un juste équilibre, au cas par cas. Mais il n'est pas question pour nous de changer les règles du jeu : si l'on considère vraiment que la pollution sonore et atmosphérique n'est pas bonne pour la santé, il ne faut pas y exposer de nouvelles populations !

Enfin, pour ce qui est des hélicoptères, le décret passe devant le Conseil d'État, en section des travaux publics, le 20 juillet. On ne l'attendait que depuis dix-huit ans ! La difficulté était de définir des zones à forte densité de population, et un compromis a été obtenu. Ce décret-cadre devrait être suivi par des arrêtés ministériels et préfectoraux. C'est l'Autorité qui est compétente pour sanctionner la violation des arrêtés ministériels, qui concernent les plateformes les plus importantes. La gendarmerie du transport aérien l'est pour la violation des arrêtés préfectoraux. Les sanctions de l'ACNUSA peuvent aller jusqu'à 20 000 euros, la moyenne se situant entre 12 000 et 15 000.

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