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Intervention de Thierry Wickers

Réunion du 1er septembre 2010 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Thierry Wickers, président du Conseil national des barreaux :

Vous nous avez adressé un certain nombre de questions dans le but d'évaluer la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de la question prioritaire de constitutionnalité Il est assez rare d'évaluer un dispositif aussi rapidement après sa mise en oeuvre et je ne suis pas sûr que certaines décisions de jurisprudence n'aient pas conduit à hâter le processus. Reste que nous sommes encore dans une période transitoire. Même si un certain nombre de questions prioritaires de constitutionnalité étaient en quelque sorte latentes devant la Cour de cassation et le Conseil d'État, nous n'avons pas encore une vision précise et exhaustive de ce qui va se passer devant les juridictions de fond, où l'évolution se produit à un rythme différent. Il ne faut donc pas tirer des conclusions définitives du fait que le Conseil constitutionnel est aujourd'hui saisi avant tout de questions posées par les deux hautes juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif. On n'observerait sans doute pas ce phénomène si la première évaluation du dispositif avait été entreprise plus tard – ce qui ne signifie pas qu'une telle évaluation n'était pas nécessaire.

Vous nous demandez quelle est notre appréciation de la procédure mise en place pour l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité par les juridictions de fond, qu'elles relèvent du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Autant que l'on puisse en juger au bout de seulement quelques mois, cette procédure est globalement satisfaisante. Le dispositif mis en oeuvre permet d'identifier la question prioritaire de constitutionnalité et de la traiter rapidement, surtout il permet de dégager le traitement de cette question de celui du fond du dossier, tout en conservant à la procédure le caractère contradictoire auquel les avocats sont très attachés.

Toutefois, nous constatons sur le terrain que la procédure que vous avez fixée n'est pas toujours suivie par les juridictions de fond. Ainsi, nous observons, notamment dans les juridictions judiciaires, le développement d'une pratique consistant à joindre l'incident au fond, le juge refusant de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité pour traiter le litige de façon globale. Or une telle pratique est radicalement contraire à la lettre de la loi. Le texte lui-même – qui est parfaitement clair – n'est pas en cause : c'est la pratique des juridictions qu'il convient de faire évoluer. Il serait sans doute nécessaire que l'information ne s'arrête pas au magistrat référent de chaque juridiction, mais que le Conseil constitutionnel puisse avoir connaissance de toutes les questions prioritaires de constitutionnalité qui sont posées et de la façon dont elles sont mises en oeuvre sur le terrain. En effet, à long terme, le fonctionnement du dispositif dépendra de la façon dont les juridictions de fond, et pas seulement le Conseil d'État et la Cour de cassation, se saisiront des questions prioritaires de constitutionnalité.

Vous nous demandez également quels sont les honoraires pratiqués par les avocats pour une procédure de question prioritaire de constitutionnalité. Il serait surprenant de voir une profession communiquer ce qui me paraît relever d'une entente, c'est-à-dire un barème fixant une fourchette d'honoraires. Je ne sais si M. Le Prado a renouvelé cet exploit, mais pour l'avoir fait il y a quelques années, plusieurs barreaux ont été lourdement sanctionnés par l'ancienne DGCCRF. Or les règles n'ont pas changé depuis : la profession d'avocat est une profession libérale et elle n'a pas la possibilité d'imposer ou même de suggérer des tarifs sous peine d'être sanctionnée par l'Autorité de la concurrence. Je ne peux donc vous livrer d'éléments chiffrés. Les règles habituelles de fixation des honoraires s'appliquent à la question prioritaire de constitutionnalité. Ils dépendent notamment de la complexité de l'affaire et de la situation de fortune du client, y compris lorsqu'il bénéficie de l'aide juridictionnelle. En tout état de cause, la mise en oeuvre de la réforme est trop récente pour que l'on puisse faire des observations pertinentes en ce domaine.

Vous nous avez aussi interrogés sur ce que nous pensions du mécanisme de filtrage des demandes. Il est vrai que lorsque nous étions venus devant vous avant le vote de la loi organique, nous vous avions fait part de nos doutes et de nos inquiétudes sur le sujet. Il convient de bien distinguer le filtrage exercé par les juridictions de fond et celui effectué par la Cour de cassation et le Conseil d'État. Au niveau des juridictions de fond, tribunaux de première instance et cours d'appel, la présence d'un filtre était nécessaire pour éviter un déferlement de questions prioritaires de constitutionnalité. Le dispositif est satisfaisant : le filtre est opérationnel, et les critères retenus relativement simples. Je ne crois pas nécessaire de les modifier.

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