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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 26 juin 2008 à 15h00
Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, beaucoup vient déjà d'être dit sur ce Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qu'il s'agisse de la méthode ou du fond.

Personne n'a contesté la nécessité d'une remise en perspective de notre politique de défense et de sécurité, à partir d'une analyse actualisée du contexte stratégique, pour définir, en fonction des différents types de menaces auxquelles nous pourrions être confrontés, une nouvelle posture globale de défense et de sécurité, nationale et européenne, afin d'être en mesure d'opérer les choix de doctrine qui en découlent pour chacune des fonctions stratégiques.

Mais nos débats ont aussi montré que cette réflexion aurait gagné à associer plus largement en amont la représentation nationale, l'argument selon lequel elle ne l'aurait pas été par le passé dans des démarches de ce type ne pouvant constituer une excuse au fait qu'elle l'ait été aussi parcimonieusement pour cet exercice.

D'autant que ce travail de remise en perspective de notre politique de défense et de sécurité se croise avec la revue générale des politiques publiques, dont nous aurons finalement très peu débattu, et avec une revue de programmes dont nous n'avons pas même eu à connaître ici.

Sans parler de la remise en perspective de notre politique étrangère, de notre positionnement dans la construction européenne – et notamment de l'Europe de la défense – ou du retour annoncé de la France dans la structure intégrée de l'OTAN, dont les incidences sur les choix qui nous occupent sont majeures et engagent notre pays à long terme.

Mais en cet instant, et compte tenu du temps qui m'est compté, j'évoquerai seulement trois points qui me tiennent à coeur et sur lesquels j'ai eu à travailler, au sein de la commission de la défense nationale et des forces armées, dans cette assemblée, ou dans le département de Charente, dont je suis l'élu.

Celui des équipements neufs, tout d'abord. La priorité donnée au renseignement et à l'anticipation, qui devrait engager des efforts financiers significatifs – je pense en particulier aux systèmes de drones –, comme la nécessité de renouveler des équipements majeurs pour nos forces, pour une meilleure protection de nos militaires mais aussi pour le transport aérien stratégique et l'aéromobilité, qui souffrent d'un important déficit capacitaire, nous placent face à des choix difficiles.

Eu égard aux contraintes budgétaires qui sont les nôtres et à la nécessité absolue d'optimiser en permanence la ressource disponible, il nous faut tout à la fois assumer une revue de programmes sans complaisance et étudier toutes les solutions susceptibles de dégager les marges de manoeuvre indispensables pour atteindre les objectifs définis dans les délais fixés.

C'est ainsi que, s'agissant de l'information et de la communication, par exemple, nous pourrions examiner la possibilité d'acquérir des capacités sur des satellites de communication civils, et pourquoi pas dans le cadre d'un pool de télécommunications européen. De même, en ce qui concerne le transport aérien stratégique, nous pourrions examiner la possibilité de conclure des contrats de services avec des avionneurs civils, qui peuvent offrir les garanties attendues en termes de droit d'usage, par un dispositif adapté de préemption, comme de pilotage, avec des équipages militaires, en opérations.

Et ce que je viens de dire pour l'air et l'espace, ou la terre, vaut également pour la marine, à la condition que nous soyons à même d'avoir un dialogue compétitif entre la défense – direction générale de l'armement, état-major des armées –, le budget et les industriels, ou les sociétés de services.

Ce dialogue, et ce sera mon deuxième point, vaut aussi pour le maintien en condition opérationnelle, MCO, l'externalisation, qui n'est pas et ne sera jamais la panacée, restant un outil dont nous pouvons faire le meilleur usage, comme c'est aujourd'hui le cas sur la base aérienne 709 de Cognac-Châteaubernard pour l'entretien des Epsilon, mais également la location de Grob 120, d'entraîneurs et de simulateurs, ce qui a permis à cette base de se renforcer comme pôle de formation – son coeur de métier – et en même temps de développer un pôle de maintenance aéronautique.

Là encore, nous pouvons aller plus loin, comme l'ont fait nos amis allemands pour leurs flottes aériennes, en recherchant les possibilités de mise en commun de moyens militaires et civils sur une externalisation du MCO, ce qui permettrait de garantir le maintien des compétences et des savoir-faire au sein même de nos forces, indispensable à la continuité du service en projection. De même, dans ce créneau du MCO, nous devons progresser avec le réseau des PME-PMI de défense, susceptibles d'apporter en direct, et plus seulement comme sous ou co-traitants des majors, une qualité de prestations, y compris pour des systèmes complexes, à des conditions économiques plus favorables, tout en participant à l'aménagement et au développement de nos territoires où elles sont créatrices de richesses et d'emplois. Parce qu'il s'agit là de moyens susceptibles de permettre à l'État de lisser les bosses budgétaires, et aux industriels d'éviter les à-coups des grands programmes.

Enfin, et ce sera mon troisième point, je suis inquiet quant au maintien de notre base industrielle et technologique de défense, nationale et européenne, pour laquelle il nous faut consentir les efforts nécessaires en termes de recherche, de capacités d'ingénierie, mais également de production, ce qui nécessite d'agir de façon résolue contre les doublonnages pour préserver nos pôles d'excellence, d'oeuvrer aux rapprochements nécessaires, tant nationaux qu'européens ; je pense en particulier au secteur munitionnaire.

Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais apporter au débat, en cet instant, au sujet de ce Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui va devoir trouver sa première concrétisation dans la loi de programmation militaire dont nous débattrons à l'automne. Mais encore faut-il que le Gouvernement accepte de reconnaître le rôle du Parlement, en l'associant pleinement aux choix qui devront être faits, au suivi de leur mise en oeuvre et à leur évaluation. Une occasion à ne pas manquer, tant il est vrai que la réforme qui s'engage, j'ai eu l'occasion de le dire à cette tribune le 17 avril dernier, ne doit pas être subie par la communauté de défense – personnels militaires et civils –, pas plus que par les industriels ou les collectivités territoriales concernés. La réforme ne doit pas davantage être consentie, mais doit être bien partagée, y compris par chacun de nos concitoyens, ce qui passe par sa légitimation au sein même de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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