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Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 29 septembre 2010 à 16h15
Commission des affaires étrangères

Pierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Je le ressens avec beaucoup d'acuité auprès de nos concitoyens, chez qui ce scepticisme se renforce. C'est bien pourquoi je suis inquiet et pourquoi je dis sans relâche à mes amis qui sont à Bruxelles et à Strasbourg, dans ce monde qui est celui de la Commission et du Parlement européen, qui fonctionne sans majorité droite-gauche, qu'il faut faire très attention aux réalités nationales. À défaut, on risque de fabriquer d'un côté une Europe lointaine et de l'autre des nations sceptiques si ce n'est sensibles aux tentations antieuropéennes, voire xénophobes et populistes : regardez certains résultats électoraux récents et la façon dont certains gouvernements sont aujourd'hui composés, la crise économique n'explique pas tout !

Oui, monsieur le président, j'entends le scepticisme, ici comme dans la population : quand on ne règle pas un problème comme celui des Roms dans nos rues, les gens se demandent tout simplement à quoi nous servons et si c'est cela l'Europe ! Si je me tourne vers la Commission et vers le gouvernement roumain pour dire qu'il faut que ces personnes soient intégrées correctement dans leur pays – car elles sont porteuses d'un passeport roumain – c'est tout simplement parce qu'il s'agit là de l'application concrète du traité, qui ne prévoit en rien la libre circulation et la libre installation de n'importe qui n'importe où, aux frais du pays d'accueil.

Au total, les Français « paient » chaque année à l'Europe cinq milliards d'euros – sept milliards en 2013 ! Ce solde net entre ce que la France reçoit du budget européen et ce qu'elle verse est, en quelque sorte, notre droit d'adhésion à ce que j'appelle l'« european express gold platinum »… C'est de l'argent que l'on prend aux contribuables français et que l'on donne le plus souvent à l'autre bout de l'Europe, précisément pour fabriquer de la cohésion. On veut donc que cet argent soit effectivement dépensé, et tel n'est pas le cas aujourd'hui puisque, sur sept ans, le Fonds social européen versé à la Roumanie n'est programmé qu'à hauteur de 38 millions d'euros pour aider les populations Roms, qui comptent près de 2,5 millions de Roms en Roumanie. Je me réjouis donc que la Commission ait aujourd'hui décidé de s'intéresser à cela. Il est grand temps car il est extrêmement préoccupant que des mouvements internes de populations soient provoqués par l'hétérogénéité des systèmes sociaux : il ne faudrait pas qu'à l'immigration extérieure inquiétante pour nos pays s'ajoute une immigration intérieure au fil des prestations sociales.

Je sais que ce sentiment est partagé en France au-delà des considérations politiques : la justice a été saisie de demandes de démantèlement émanant de maires de gauche comme de droite.

Il faut faire très attention à ne pas perdre l'adhésion des peuples. Pour ma part, je pense chaque jour aux 55 % de Français qui ont dit non lors du référendum. La France est la patrie des droits de l'homme. Le peuple français est généreux, mais il demande tout simplement que l'on applique le traité.

M. Boucheron, vous avez émis une opinion personnelle, je ne ferai aucun commentaire. S'agissant de la coopération structurelle permanente, vous me demandez si l'on avance en matière de défense européenne. Cela se jouera largement en novembre prochain, entre la France et le Royaume-Uni. Mais il y a quand même des domaines où cela fonctionne : avec Atalante, on va voir que l'Union est capable de mener ensemble – et mieux que l'OTAN – une opération militaire sérieuse. Ce qu'il faut, c'est un minimum de moyens et de volonté, tout en sachant qu'il n'est pas possible que les 27 États soient intéressés par une opération dans la corne de l'Afrique ou en Antarctique et qu'il faut donc un système assez souple.

Il convient également que nous survivions à une année de contrainte budgétaire, en préservant le coeur de métier de nos systèmes d'armes ainsi que la convergence. Je crois que c'est possible et que, à partir de là, nous continuerons à disposer de forces qui permettent à l'Europe de peser lors de crises. Je n'enterrerai pas ce sujet : il faut faire un travail de pédagogie en direction d'un certain nombre d'États membres où, je le regrette, les questions de défense ne sont tout simplement plus d'actualité. Pour ma part, je souhaiterais qu'un prochain Conseil européen soit exclusivement consacré à la sécurité de l'Europe, et que l'on se demande au moins si elle est aujourd'hui garantie. Faute d'éduquer les peuples, on risque d'avoir des tropismes locaux, des peurs locales ou régionales mais pas de conception générale de la sécurité du continent.

Nous aurons l'occasion de revenir bientôt sur la question des mineurs isolés puisque la ratification de la convention viendra enfin le 7 octobre prochain devant l'Assemblée nationale, après son examen par le Sénat. Le choix était simple : laisser ces enfants dans la rue ou essayer de monter un système de protection juridique avec le juge des enfants. Voilà ce qui est fait. Il y a déjà longtemps que nous avons institué des mécanismes de coopération, nous les renforçons encore. Nous disposons désormais non plus de quatre mais de dix policiers roumains ainsi que d'un juge pour nous aider à démanteler les réseaux de ces trafiquants qui exploitent des enfants et qui ont de magnifiques villas, à Timisoara ou ailleurs. Cette aide nous est précieuse pour remonter les filières car ceux que nous voyons mendier dans nos rues et dans nos quartiers commerçants n'arrivent pas là par l'opération du Saint-Esprit ; ils sont déposés le matin et ramassés le soir par des réseaux organisés. Il serait d'ailleurs bon que le gouvernement roumain marque son intérêt pour le mandat d'arrêt européen, nous permette de saisir les biens des trafiquants, coopère davantage avec Europol et Eurojust. Il y a tant de choses à faire ; il n'y a pas de fatalité qui condamne ces enfants à être dans nos rues !

Je ne puis imaginer que la phrase de Pierre Manent puisse vouloir dire que l'Europe ne doit pas exister, pour que la Chine, l'Inde et tous les autres existent à sa place.

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