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Intervention de Pascale Crozon

Réunion du 5 octobre 2010 à 22h00
Immigration intégration et nationalité — Article 23

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Cet article introduit deux dispositifs, l'ordre de quitter le territoire sans délai et l'interdiction de retour. Il montre, monsieur le ministre, que vous ne savez pas lire les directives européennes que vous prétendez transposer (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP) ou, plutôt, que vous vous en saisissez pour justifier l'extension du pouvoir de l'autorité administrative, avec le risque d'arbitraire que cela comporte.

La capacité ouverte aux États de proposer des délais de retour inférieurs au droit commun dans un certain nombre de cas limitatifs et motivés devient, dans votre texte, la possibilité d'appliquer ce traitement à toutes les personnes présentes sur le territoire de façon irrégulière, sans exception, puisque, selon vous, ne pas ou ne plus disposer de titre de séjour constitue en soi un risque de fuite. Il s'agit là d'un renversement de la charge de la preuve : l'administration pourra se contenter de motiver la procédure qu'elle engage par le seul constat de la présence irrégulière, tandis que c'est à l'étranger qu'il appartiendra de démontrer l'existence de circonstances particulières pour prouver qu'il n'était pas sur le point de fuir.

Monsieur le ministre, avec cette disposition, vous généralisez la suspicion. À vos yeux, tout étranger qui se retrouverait sans titre de séjour serait quelqu'un qui aspire à la clandestinité pour échapper chaque jour aux forces de police. Mais des circonstances particulières, je peux vous en citer des dizaines, et mes collègues le pourraient aussi. Il s'agit de gens que j'ai reçus dans ma permanence : c'est la jeune femme qui a épousé un Français qui la trompe et la jette à la rue ; c'est le jeune diplômé dont l'autorisation de séjour pour trouver un emploi arrive à expiration alors que le contrat n'est pas définitivement signé ; c'est cet étranger atteint de poliomyélite auquel on signifie, après neuf ans de présence en France pour des raisons médicales, qu'il peut désormais être soigné dans son pays – sans parler des nombreux déboutés du droit d'asile qui, d'évidence, n'accepteront jamais d'être renvoyés dans leur pays.

Monsieur le ministre, aucun d'entre eux ne vient me voir pour me demander de l'aider à se cacher ; tous, parce qu'ils estiment que leur vie familiale ou professionnelle se construit en France, depuis souvent de longues années, viennent me voir pour les aider à faire valoir leur droit au séjour.

L'interdiction de retour relève d'une même logique ; j'y reviendrai lors de l'examen des amendements.

Vous cédez à la tentation de transformer tout irrégulier en clandestin, à seule fin de réduire ses droits. Nous nous y refusons. Ayons plutôt confiance dans le discernement de la justice administrative pour statuer dans un délai approprié et sur la base des éléments qu'on aura pris le temps de rassembler.

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