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Intervention de Armand Jung

Réunion du 14 décembre 2010 à 21h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArmand Jung :

L'une des parties de votre projet de loi, monsieur le ministre, concerne le permis à points et la sécurité routière, et c'est sur ce thème que je voudrais m'exprimer car il n'a pas tellement été abordé aujourd'hui.

Dans quel monde vivons-nous ? Un monde dans lequel les victimes de la route seraient non plus les accidentés ou les morts, mais ceux à qui l'on retire des points sur leur permis !

Nous assistons à une véritable inversion des logiques et des valeurs. J'ai pu le constater lors du récent Rallye de France, en Alsace, et pendant le dernier Mondial de l'automobile, à Paris, où l'on a assisté à la mise en scène de la voiture éternelle toute puissante et à l'apologie de la vitesse.

Plus grave encore, l'amendement du Sénat, que certaines associations ont qualifié de honteux, adopté le 10 septembre dernier, réduit les délais nécessaires pour reconstituer les points perdus sur les permis de conduire à la suite d'infractions routières.

Un tel amendement va à rencontre de toute politique de sécurité routière. Il est d'autant moins justifié qu'il ne concerne en réalité qu'une infime minorité de conducteurs ayant vu leur permis invalidé après avoir commis plusieurs infractions graves et mis en danger la vie d'autrui, car il n'y a pas de « petites infractions », comme l'ont souligné à juste titre nos collègues Dominique Raimbourg et Lionel Tardy en commission.

Lors du conseil restreint de la sécurité routière du 21 décembre 2007, le Président de la République a énoncé un objectif ambitieux et unanimement salué : passer sous la barre des 3 000 morts sur les routes d'ici à 2012. En tant que co-président du groupe d'études sur la sécurité routière à l'Assemblée nationale, j'ai interpellé par écrit Nicolas Sarkozy le 23 octobre 2009 pour insister sur la nécessité de poursuivre et d'accentuer les efforts en matière de sécurité routière.

En effet, le moment est peut-être venu de mettre en place des mesures nouvelles et innovantes pour inverser cette tendance dramatique et tenir l'objectif fixé en 2007. Les actions de prévention et de sensibilisation des usagers de la route ne suffisent plus. C'est la raison pour laquelle j'ai formulé quelques axes de réflexion, mais je n'ai malheureusement pas eu de réponse officielle, ni de la part de l'Élysée ni de la vôtre, monsieur le ministre.

Il faudrait ainsi expérimenter les limiteurs de vitesse et notamment les limiteurs intelligents, mettre en place un système national d'alerte en cas de recrudescence du nombre de tués sur les routes, notamment dans certaines circonstances et à certaines périodes de l'année, renforcer les pouvoirs et les moyens d'action de la délégation interministérielle à la sécurité routière en la dotant d'un statut juridique et moral plus ambitieux.

J'aimerais vous soumettre d'autres pistes de réflexion à approfondir, notamment la mise en place systématique des boîtes noires dans les voitures – nous saurons ainsi que la vitesse est la première cause de tous les accidents de la route –, l'interdiction totale de tous les gadgets dans l'habitacle des véhicules, la généralisation de l'affichage numérique de la vitesse sur le tableau de bord pour remplacer les aiguilles, qui sont plus difficiles à lire, l'allumage obligatoire des feux pendant la journée, l'essai ayant avorté à la suite de pressions.

À la place de ces différentes pistes, vous nous proposez une réforme à la baisse du permis à points, ce que je ne peux pas accepter. Depuis que je suis parlementaire, je n'ai jamais assisté à un tel déferlement de lobbies opposés au permis à points qui est pourtant l'un des piliers de la sécurité routière, avec le port obligatoire de la ceinture de sécurité.

Je voudrais simplement vous signaler également l'existence, à travers tout le pays, de comités de victimes de la route, qui se radicalisent et réclament justice pour toutes les victimes de la route. Ces comités déplorent que les personnes responsables d'accidents de la route ayant fait une ou plusieurs victimes ne soient pas plus sévèrement jugés. Je vous laisse le soin de leur répondre.

La route est encore longue pour une route plus sûre. Ne remettons pas en cause des acquis importants en matière de sécurité routière ! Ne sacrifions pas le permis à points sur l'autel des promesses électorales et des lobbies ! Monsieur le ministre, ne touchez pas au permis à points, c'est l'un des socles de notre sécurité sur la route ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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