Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Catherine Vautrin

Réunion du 14 décembre 2010 à 21h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Vautrin :

La sécurité, nous le savons tous, tient bien sûr une place prépondérante dans les préoccupations majeures de nos concitoyens.

Je l'ai déjà affirmé en première lecture, monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez apporte des réponses concrètes. Pour autant, je voudrais appeler votre attention sur deux sujets.

Le premier est un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur dans notre pays : l'usurpation d'identité. Chaque année, en France, plus de 210 000 Français seraient confrontés à cette criminalité discrète, qui connaît une croissance de plus de 40 % par an. C'est un phénomène plus important que les cambriolages à domicile et que les vols d'automobile. Pourtant, il n'existe pas de législation spécifique pour lutter contre ces actes malveillants et souvent très traumatisants pour les victimes. Le coût global pour la société est très élevé. On évoque un total de presque 4 milliards d'euros.

Dans l'article 2 de votre projet de loi, vous aviez prévu de créer une infraction relative à l'usurpation d'identité numérique face au développement du phénomène du hacking. Il s'agissait d'une initiative particulièrement intéressante qui, depuis, a été élargie. Il semblait en effet nécessaire de ne pas se limiter aux usurpations d'identité numérique puisqu'elles ne représentent qu'une partie infime des faits d'usurpation. Contrairement à ce que l'on pourrait penser à l'heure du net, le principal vecteur d'usurpation est encore le document papier.

C'est pourquoi, lors de la discussion du projet de loi en séance publique, notre assemblée avait apporté quelques précisions à la rédaction de cet article, et vous aviez été favorable à notre proposition d'élargir le champ de ce nouveau délit à l'ensemble des hypothèses de la vie quotidienne dans lesquelles l'identité d'une personne peut être usurpée afin de porter atteinte à sa tranquillité, à celle d'autrui, à son honneur ou à sa considération.

Le Sénat, à l'initiative de sa commission des lois, a apporté une série de modifications à la rédaction de l'article 2 du projet de loi.

La commission a tout d'abord adopté un amendement tendant à insérer le nouveau délit non pas dans la partie du code pénal consacrée aux violences aux personnes, mais dans celle consacrée aux atteintes à la personnalité et à la vie privée. Le dispositif se trouve donc désormais inséré dans un nouvel article 226-4-1, à la suite des dispositions relatives à l'introduction ou au maintien dans le domicile d'autrui.

La commission a en outre adopté un amendement tendant à substituer le terme d'« usurper » à ceux de « faire usage » d'un nom ou de données personnelles afin que soit levée toute ambiguïté dans la caractérisation de l'infraction. Je comprends les préoccupations des uns et des autres au sujet d'internet : il ne s'agit pas d'incriminer la simple citation d'un nom sur un blog, qui peut d'ailleurs être poursuivie sur le chef de la diffamation.

Ces modifications renforcent incontestablement la lisibilité et la cohérence de l'incrimination nouvelle, dont le champ d'application n'est pas limité aux communications électroniques.

Monsieur le ministre, la performance de la sécurité intérieure passe aussi par une condamnation des délits : l'usurpation d'identité doit être reconnue pour pouvoir être sanctionnée.

Je voudrais également appeler votre attention sur la rectification d'actes d'état civil à la suite d'une usurpation d'identité, article introduit par le Sénat en séance publique. Cet article modifiait l'article 99 du code civil relatif aux rectifications des actes d'état civil. En l'état actuel du droit, l'article 99 dispose que ces rectifications sont ordonnées par le président du tribunal de grande instance.

Nos collègues sénateurs avaient envisagé que le procureur puisse saisir d'office le président du tribunal afin de rectifier l'acte d'état civil lorsqu'il était établi que sa rédaction résultait d'une usurpation.

Cette modification semblait à première vue combler un vide juridique, notre droit ne permettant pas d'obtenir automatiquement la restauration de l'intégrité de l'état civil des personnes victimes d'une usurpation.

Vous avez, monsieur le ministre, mis en place, au mois de mai dernier, une mission sur l'usurpation d'identité conjointe avec le ministère de la justice, dont les travaux devaient être remis avant la fin de l'année. Cela tombe bien, nous sommes à la mi-décembre, et il serait souhaitable que nous ayons connaissance de l'état d'avancement des travaux de cette mission dans le cadre de notre discussion. C'est d'ailleurs le sens de la réflexion de notre rapporteur, dont je salue la grande sagesse, qui a considéré à juste titre qu'avant de légiférer sur ce point, il convenait d'examiner l'état de ces travaux.

Je me permets donc d'insister, monsieur le ministre, sur le fait qu'il serait bon que nous sachions où en est ce fameux groupe de travail commun, et que vous puissiez voir comment donner réparation aux victimes qui ont encore sur leur état civil mention de l'usurpation. Je pense notamment au cas d'une femme qui n'a jamais été mariée, dont un mariage figure pourtant sur son état civil à la suite d'une usurpation et qui n'arrive pas à faire effacer ce mariage.

Un autre point qui me tient particulièrement à coeur concerne l'économie photographique de notre pays. On me dira que la distance entre l'économie photographique et la sécurité intérieure est grande. Or la loi de finances rectificative pour 2008 avait introduit la faculté pour les maires de communes équipées d'une station pour l'établissement de passeports biométriques, de renoncer au recueil de l'image numérisée du visage dans leur mairie, pour soutenir la réalisation de ces photos par les professionnels.

Je rappelle qu'il y a, dans notre pays, 9 000 professionnels de la photographie. Or la prise de vue de photographies d'identité en mairie a eu pour effet de créer les conditions d'une concurrence que la présidente de la Commission d'examen des pratiques commerciales se permet de qualifier de quelque peu déloyale. Les conséquences ne se sont d'ailleurs pas fait attendre puisqu'un certain nombre d'artisans photographes ont été conduits à licencier, d'autres à fermer leur exploitation. En outre, des industriels ont connu une baisse extrêmement importante de leur chiffre d'affaires.

Certains l'ont dit avant moi, et la formule est jolie : la photographie d'identité n'est pas une activité régalienne. Je crois que tout le monde en est convaincu dans cet hémicycle. Je sais, monsieur le ministre, que vous travaillez avec vos équipes pour trouver une solution à ce problème. Il faut rappeler que, sur les 2 000 maires de communes équipées de stations biométriques, 1 000 ont déjà annoncé qu'ils renonçaient au recueil de l'image en mairie pour soutenir l'activité des photographes. Avec Valérie Boyer, nous sommes un certain nombre à avoir signé un amendement ; nous pouvons aller encore plus loin, en le rectifiant ou en le sous-amendant.

Je tiens pour ma part à réaffirmer ma volonté que notre pays adopte, à l'instar d'autres États de l'Union européenne, un système de remise de photographies papier, qui fonctionne parfaitement, en établissant bien sûr des normes de sécurité et en intégrant les éléments biométriques nécessaires, afin que les passeports et autres documents de voyage présentent toutes les garanties de sécurité et que nous puissions en même temps maintenir une activité économique importante. C'est une mesure de bon sens sur laquelle nous pouvons nous retrouver facilement.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur mon soutien sur l'ensemble de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion