Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 20 janvier 2011 à 9h30
Garde à vue — Article 7, amendement 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Manifestement, le Gouvernement et une partie de la majorité avancent avec des chaussures de plomb : vous êtes obligés de légiférer mais vous faites une réforme a minima. Or vous devriez y réfléchir à deux fois avant de repousser l'amendement de M. Raimbourg.

D'abord, pourquoi inventer un système ne prévoyant aucun recours contre la décision du procureur de la République – puisque c'est à lui que vous donnez cette responsabilité – de différer la présence de l'avocat pour une durée ne pouvant excéder douze heures ? Ce n'est pas rien de donner un tel pouvoir au parquet sans recours possible. Je vous souhaite bonne chance : vous créez, avec ce texte qui touche aux libertés individuelles fondamentales, aux libertés publiques, une décision insusceptible de recours – ce qui est rare dans notre droit.

Ensuite, un subtil raisonnement, par lequel vous tentez d'échapper aux décisions de la Cour européenne de justice, vous permet de distinguer un procureur chargé de l'enquête et un procureur partie au procès, en fait réuni dans la même personne, la même institution. Là encore, je vous souhaite bonne chance : ce type de raisonnement ne peut valoir que dans les réunions internes à l'UMP et, ici, qu'auprès de députés astreints à la solidarité majoritaire.

Évidemment, à ce stade, vous soulignez que la Cour n'a pas invalidé un tel raisonnement – certes, puisque personne n'a encore osé lui présenter un dispositif aussi extraordinaire –, mais lorsqu'elle découvrira la manière par laquelle vous essayez de contourner les effets juridiques de son arrêt sur le statut du parquet, pour le coup, elle vous ramènera à des considérations un peu plus réalistes sur le fait qu'on peut difficilement établir la distinction que vous proposez – qui n'est du reste en vigueur dans aucun autre pays.

Quant à l'argument final de M. le ministre, selon lequel la décision en question est, dans d'autres pays, du ressort de la police, si vous souhaitez modifier la procédure pénale pour établir un système accusatoire, alors changez de logique et n'allez pas piocher de temps en temps dans cette autre logique pour échapper aux incohérences de votre texte.

Vous semblez éprouver une vraie difficulté à donner au procureur un pouvoir de décision touchant aux libertés publiques sans aucun recours possible. Surtout, vous niez l'évidence selon laquelle, si le procureur est bien un magistrat, vous ne pouvez pas lui donner ce pouvoir exorbitant puisqu'il est partie au procès, et selon laquelle vous ne pouvez pas distinguer dans le temps les deux rôles confiés à la même institution. Cette question n'a jamais été tranchée et quand elle sera soumise à la Cour européenne, vous serez contraints de reprendre votre copie puisque vous êtes en train de nier des droits essentiels prévus par la Convention européenne des droits de l'homme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion