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Intervention de Patrick Bongers

Réunion du 19 janvier 2011 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Patrick Bongers, président du comité professionnel des galeries d'art :

Propriétaire d'une galerie à Paris, je défends des artistes contemporains. Avant la deuxième guerre mondiale, puis jusqu'aux années 1960, tous les grands créateurs séjournaient à Paris et, un puits de création s'étant ainsi creusé, le monde entier venait ici se fournir en oeuvres d'art.

Aujourd'hui, Berlin a très nettement pris le pas en Europe, essentiellement en raison des possibilités que cette ville offre en locaux, d'atelier comme d'exposition. Vastes et nombreux, ils permettent aux artistes de travailler dans de bonnes conditions et d'attirer un public venant de toute l'Europe. Cela doit nous inciter à mener une réflexion sur les ateliers dont peuvent disposer les artistes à Paris et sur nos espaces d'exposition. L'expérience menée dans le treizième arrondissement parisien a montré que l'on peut, à partir de locaux existants, fédérer de dynamiques acteurs du marché et susciter un nouveau regard de l'étranger.

Les acteurs privés du marché de l'art jouent un rôle central, aussi bien pour la défense et le soutien de la création et des artistes que pour le développement du marché en essayant de positionner les oeuvres dans les lieux appropriés, institutions ou grandes collections privées. Notre marché est plus confidentiel, plus discret et moins lisible que celui des maisons de vente. Les dernières études réalisées par le comité des galeries d'art, il y a déjà un certain temps, faisaient pourtant apparaître que le marché privé des galeries représentait environ cinq fois celui des ventes publiques. Depuis lors, les choses ont sans doute quelque peu évolué dans le sens inverse de ce que j'aurais souhaité, c'est-à-dire plutôt en faveur des maisons de vente que des galeries. Nous demeurons cependant des acteurs très importants, et c'est incontestablement nous qui soutenons la création qui, demain, constituera le patrimoine artistique national.

Certes, toute fiscalité est ressentie comme pénalisante par les acteurs d'un marché, mais le fait est que le droit de suite tend à nous défavoriser par rapport à la concurrence étrangère. Étant en contact direct avec les artistes en exercice, je puis affirmer que ce droit a un effet dévastateur, car il affecte la revente des tableaux entrés dans nos stocks. Une galerie qui fait bien son travail et soutient les artistes mène une politique d'achat. Les tableaux qu'elle garde en stock étant taxés au terme de trois ans s'ils sont vendus plus de 10 000 euros, les galeries sont dissuadées d'acheter et préfèrent aujourd'hui prendre les oeuvres en dépôt. De ce fait, le soutien à la création ne peut être aussi dynamique et volontaire qu'il serait souhaitable. Nous espérons que les conclusions du rapport en préparation sur le droit de suite permettront de résoudre ce grave problème.

Les questions de TVA nous posent d'autres problèmes. Lorsqu'un galeriste achète une oeuvre à un artiste étranger vivant dans un pays non tiers, la taxe à l'importation est récupérable, mais elle est applicable au taux plein de 19,6 % lors de la vente. En revanche, si l'oeuvre est achetée à un artiste vivant dans un pays tiers, la TVA, applicable au taux réduit, n'est pas récupérable lors de l'importation, mais elle s'applique aussi au taux réduit lors de la revente ! Cela conduit à opérer des choix qui dépendent moins de la création elle-même que de l'endroit où elle se fait, ce qui n'est pas bon pour nos artistes et pour la défense de notre création.

Si l'on veut que la création française soit lisible à l'étranger, il faut d'abord la défendre en France. Le Palais de Tokyo, dans sa nouvelle version, devrait permettre de mieux exposer nos artistes, dont beaucoup, à cinquante ans, n'ont jamais bénéficié d'une exposition rétrospective, si bien que les collectionneurs qui se sont intéressés à eux ne peuvent pas faire le point sur leurs créations. Nous avons, de façon urgente, besoin d'un lieu où exposer ces artistes en milieu de carrière, et montrer ainsi aux collectionneurs français et étrangers que nous nous occupons de nos artistes. Si nous le faisons en France, il y a de meilleures chances que l'on s'intéresse à eux à l'étranger.

L'autre sujet qui nous préoccupe est la teneur de la directive « services », dont la proposition de loi du Sénat assure la transposition, avec la possibilité donnée aux maisons de ventes aux enchères de procéder de gré à gré, autrement dit d'exercer notre métier de marchand. C'est pour nous un problème considérable, mais nous n'avons pas grand espoir de modifier la tendance. Toutefois, dans la mesure où cette faculté sera ouverte aux maisons de vente, il nous semble logique que, dans le même esprit, les ventes publiques soient désormais régies par les règles commerciales communes, et en premier lieu que les enchères soient conclues toutes taxes comprises, comme le sont les prix dans les galeries. On comprend mal pourquoi, aujourd'hui, un acheteur ne connaît pas, au moment où tombe le marteau, le montant exact de ce qu'il devra payer. Il y a là une réflexion sérieuse à mener en faveur de la défense du consommateur.

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