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Intervention de Dominique Argoud

Réunion du 26 janvier 2011 à 10h00
Commission des affaires sociales

Dominique Argoud, sociologue et professeur à l'université de Paris XII, président du comité Personnes âgées de la Fondation de France :

Il n'est pas inintéressant de remettre les débats relatifs à la dépendance en perspective avec la sociologie des politiques sociales, sur laquelle je travaille en tant qu'universitaire. La question de la dépendance est prise en compte dans les territoires, où j'accompagne des équipes dans le cadre de mes fonctions au comité Personnes âgées de la Fondation de France. Je tenais, en préambule, à souligner cette articulation entre réflexions nationales et attentes locales.

C'est parce que notre système de protection sociale est encore très majoritairement « bismarckien », autrement dit de type assurantiel, que le problème de la dépendance se pose avec autant d'acuité depuis plusieurs années en France, comme dans les autres pays d'Europe du même type, où il faut apporter une réponse nouvelle à un risque nouveau et où il ne suffit pas, comme dans les pays « beveridgiens », d'étendre le système existant.

Faute d'avoir utilisé à cette fin l'allocation compensatrice pour tierce personne deux options s'offrent désormais à nous : repenser totalement l'ensemble de notre système de protection sociale, ce qui serait compliqué et très lourd et qui n'est pas à l'ordre du jour, même si nous nous interrogeons sur d'autres types de risques sociaux ; ou bien conserver la logique assurantielle collective, tout en en ajustant le périmètre, compte tenu de l'état des dépenses publiques, et en procédant, le cas échéant, à une externalisation.

En France, nous n'avons ni consensus – comme celui qui a accompagné la création de la sécurité sociale au lendemain de la Seconde guerre mondiale – ni acteur fort, capable d'indiquer la direction à suivre. C'est pourquoi nous combinons les interventions des différents acteurs, tandis que se cristallisent les oppositions entre public et privé, assurance et assistance, local et national.

Dans ce contexte, je veux insister sur trois enjeux fondamentaux.

D'abord, le piège serait de créer un système très hybride, fruit d'un compromis entre des logiques extrêmement diverses et peu lisible par les personnes concernées. Même si le risque dépendance ne concernera pas l'ensemble de la population, loin s'en faut, celle-ci est d'autant plus angoissée qu'elle a du mal à se projeter dans l'avenir.

Ensuite, on observe une individualisation dans toutes les politiques sociales, qui s'appuient de plus en plus sur le « libre choix », au risque de remettre en cause les fondements mêmes de la solidarité, l'assurance individuelle étant l'aboutissement logique de cette tendance. Or, le risque dépendance concernant davantage certains individus, il conviendrait de nuancer ce « libre choix » par la personnalisation des prestations, apte selon moi à répondre aux impératifs de solidarité collective.

Le troisième enjeu – le plus important, quand bien même notre débat porte essentiellement sur la dépendance – tient à la place de la vieillesse dans la société. Nous le savons : la problématique sociale de demain sera non pas la dépendance – qui ne concernera guère que 7 % des plus de 60 ans et 15 % des plus de 80 ans –, mais l'existence d'une population âgée, plus ou moins valide, souffrant d'isolement social et familial, et vivant dans un habitat inadapté. C'est bien cette question qui est posée sur le terrain, en particulier par les élus. Or, dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires, la tendance inéluctable – constatée pour d'autres prestations – consiste à resserrer la solidarité publique sur les cas les plus lourds, ce qui va à l'encontre de l'objectif de revalorisation de l'image de la vieillesse affiché par les schémas gérontologiques et les plans nationaux, et conduit à négliger la prévention. Aujourd'hui, l'insuffisance de réflexion sur le vieillissement en général amène les individus à se raccrocher à un idéal de jeunesse et contribue à creuser le fossé entre cette réflexion et celle sur la dépendance.

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