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Intervention de Claude Greff

Réunion du 9 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Greff :

Cet article, qui porte sur la transplantation d'organes entre personnes vivantes, a été longuement débattu en commission. Beaucoup étaient pour, d'autres y étaient moins favorables. Je voudrais réaffirmer ma position.

Il existe aujourd'hui en France une pénurie considérable de greffons pour la transplantation rénale, et les greffes de rein représentent environ 8 % des transplantations, contre près de 40 % dans d'autres pays. En 2009, seules 2 826 transplantations rénales ont pu être effectuées, alors que plus de 10 000 personnes sont en attente de rein.

Il faut donc aller plus loin que le cercle familial. Pour éviter tout débordement, de fortes restrictions ont été décidées. Au-delà de la famille nucléaire, les nouvelles situations familiales de vie commune ont été prises en considération, sous réserve d'un vécu commun de deux ans. Tout le monde n'a pas forcément une grande famille, ni des liens très étroits avec elle. Un vieil adage dit qu'on choisit ses amis, pas sa famille. Mais quels amis ? C'est là qu'est la nuance. Il ne s'agit certainement pas des fameux « amis » de Facebook, ni d'amis de passage, mais seulement d'amis proches, avec qui l'on a un lien affectif étroit, stable, et je souhaite y ajouter « avéré ».

Je veux mieux encadrer la notion de don entre proches. Lorsque je propose de prévoir un lien « avéré », c'est dans le cadre d'une saisine du tribunal de grande instance, d'un magistrat, voire du procureur de la République.

Pourquoi refuser à un ami le droit de s'engager au profit d'une personne qui lui est chère ? Quand un malade est en dialyse, quand il attend une greffe car il ne peut pas avoir de donneur compatible dans sa famille, pourquoi ne pas tenir compte de certaines familles qui ne sont plus « nucléaires » mais recomposées, avec des demi-frères et des demi-soeurs ? Il faut prendre tout cela en considération.

Naturellement, il convient aussi de se montrer attentif et vigilant quant au risque de marchandisation au sein même de la famille, risque qui peut évidemment exister. Il peut même y avoir des pressions psychologiques, voire des culpabilisations.

Notre dispositif de contrôle actuel n'est pas négligeable, puisque le donneur est informé par un comité d'experts des risques qu'il encourt et que son consentement doit être exprimé devant le président du tribunal de grande instance.

Tout cela me permet de dire à ceux qui souhaitent la suppression de cet article que le danger n'est pas où ils le croient.

Le dispositif actuel de contrôle offre de solides garanties. Ayons confiance en la probité de nos magistrats, car les fausses déclarations seront lourdes de conséquences. Les nombreux pays européens qui ont autorisé le don entre amis proches n'ont pas observé de dérives majeures.

Naturellement, certains invoqueront les risques potentiels pour le donneur, mais la médecine, dans notre pays, a toujours eu pour principe premier de ne pas nuire au patient, et toutes les études montrent que les personnes ayant donné un rein n'ont pas eu, par la suite, plus de problèmes que la moyenne de la population. De toute façon, la transplantation est précédée de nombreux tests et examens sur le donneur. Donner un rein n'est pas un acte anodin, mais, dans la très grande majorité des cas, un acte généreux, qui rend le donneur fier d'avoir fait un beau geste. La société doit le valoriser, et le Parlement doit autoriser une personne ayant un lien affectif étroit, stable, et avéré, à faire ce don de rein.

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