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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 11 mai 2011 à 12h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

Quel contraste avec le débat qui s'est déroulé la semaine dernière dans l'hémicycle au sujet de l'inscription de l'équilibre des finances publiques dans la Constitution ! Une telle réforme pourrait à la limite se justifier dans une période faste. Mais, dans une période de vaches maigres où l'on demande des efforts à tous les Français, elle me semble tout à fait incongrue.

Premièrement, elle n'est pas financée. Contrairement à ce que vous affirmez, vous n'avez aucun moyen de garantir la fiabilité des données censées justifier son équilibre. Alors que la suppression du bouclier fiscal rapportera 700 millions d'euros, le coût de la diminution de l'ISF sera de 1,7 milliard d'euros au minimum. La différence sera financée, une fois de plus, par la dette, donc par l'ensemble de la collectivité. La droite renie ainsi tous les arguments qu'elle s'efforce d'apporter à l'appui du bouclier fiscal depuis quatre ans.

Ce changement de pied aurait de quoi nous satisfaire s'il ne s'accompagnait d'un cadeau encore plus important aux gros patrimoines, en particulier à ceux qui dépassent les 16 millions d'euros. Pourquoi, en pleine crise des finances publiques, réduire à ce point le taux qui leur est applicable en le faisant passer de 1,8 à 0,5 % ? C'est une chose très choquante pour nos concitoyens et qui vous privera du gain politique que vous comptez tirer de la suppression du bouclier fiscal.

En outre, vous ne pouvez pas non plus garantir quel sera le coût des mesures de lissage.

Enfin, quel sera le financement de la réforme en 2011 ? Le bouclier fiscal continuera d'être dû aux contribuables qui en bénéficiaient alors que la baisse des taux leur sera d'ores et déjà appliquée, du moins pour la première tranche.

J'en viens maintenant à l'esprit de la réforme. Une fois encore, un très petit nombre de contribuables sont concernés. Le coup très fort que vous portez à l'ISF est un coup porté à un impôt extrêmement moderne. L'ISF n'est nullement « l'exception française » que vous dénoncez ou, s'il l'est, c'est par sa modernité même. L'impôt sur le patrimoine existe en effet dans d'autres pays européens et aux États-Unis, mais en général sous la forme d'un impôt foncier assis sur des valeurs cadastrales. En France, on sait que ces valeurs sont sujettes à caution. L'assiette de l'ISF, à la foi mobilière et immobilière, est calculée sur des valeurs de marché.

Bref, alors que nous avons besoin de recettes fiscales, vous portez un coup à un impôt moderne qui rapportait 4 milliards d'euros par an, et vous le justifiez par la nécessité de compenser l'erreur que vous avez commise avec le bouclier fiscal. Mais l'impôt de solidarité sur la fortune existait en 2007 ! Votre calcul visant à compenser la suppression de l'un par la réforme de l'autre ne tient pas. Nous n'avons pas les moyens de nous priver des recettes de l'ISF en faisant, une fois de plus, un cadeau aux patrimoines les plus importants !

Lorsque mes collègues de la majorité s'inquiètent de la santé des entreprises françaises, ils commettent une certaine confusion. Le parti socialiste, lui, défend les entreprises, mais il ne confond pas leur patrimoine avec celui des chefs d'entreprise ou de leur famille. La question de l'ISF se pose la plupart du temps au moment où l'entrepreneur part à la retraite et cède son entreprise. Donc cet impôt ne pénalise pas du tout l'activité en France. S'il avait fallu le réformer, ç'aurait dû être pour réduire les niches qui permettent à certains d'y échapper.

Dans mon département, les assujettis à l'ISF sont très peu nombreux. Or, lorsque vous expliquez le passage du seuil à 1,3 million d'euros par la nécessité de répondre à la bulle immobilière, vous omettez de préciser, d'une part, que ce montant est hors dettes et, d'autre part, qu'un abattement de 30 % s'applique à la résidence principale. Les personnes qui se sont endettées pour acheter une résidence principale n'étaient de toute façon pas concernées par l'ISF.

La diminution des taux n'est pas une mesure de justice fiscale, mais un simple moyen de faire passer auprès de votre électorat votre retour en arrière sur une erreur majeure du début du quinquennat.

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