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Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Réunion du 25 mai 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 23

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Déaut :

À ce stade du débat, je m'exprimerai sur l'amendement que défendra Jean Leonetti tout à l'heure et je répondrai ainsi aux intervenants qui souhaitent revenir au principe de l'interdiction. L'amendement n° 36 rectifié précise en effet : « I – La recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite. I bis – Par dérogation au I, la recherche est autorisée si les conditions suivantes sont réunies : ». Le texte du Sénat, quant à lui, dispose : « Aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. » La différence est beaucoup plus importante que ne tend à le laisser accroire le jeu sémantique auquel vous vous êtes livrés avec un certain sens de l'équilibre pour certains, avec hypocrisie pour d'autres. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

L'amendement n° 55 de M. Souchet a au moins le mérite de la clarté : « Toute recherche sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires est interdite. » Ce n'est pas ce que propose le rapporteur, mais c'est ce que ce pensent certains députés, présents sur ces bancs, et c'est ce qu'ont soutenu diverses'autorités philosophiques ou religieuses. Certaines de leurs affirmations sont fausses. M. Souchet l'a d'ailleurs reconnu, mais ce n'est ni précisé dans les documents ni expliqué au grand public lors d'émissions de télévision, par exemple.

Ainsi, une recherche sur des cellules souches embryonnaires ne conduit pas obligatoirement, vous l'avez indiqué, monsieur Souchet, à la destruction de l'embryon. Or on nous avait toujours soutenu l'inverse. De plus, même s'il est vrai que, dans certains cas, il y a destruction de l'embryon, l'hypocrisie réside dans le fait que, dans tous les cas, les embryons surnuméraires – voire ceux qui auraient pu être implantés post mortem, dispositif que vous n'avez pas voulu adopter – seront détruits. C'est d'ailleurs ce qui gêne un certain nombre d'entre vous. Voilà pourquoi vous souhaitez réduire le nombre d'embryons surnuméraires, et vous n'avez pas tort. Si l'on peut trouver des techniques pour le réduire, nous serons tous satisfaits, et il restera suffisamment de cellules souches embryonnaires pour mener des travaux de recherche.

Comme vient de le souligner Mme Bouillé, nous vivons dans un monde où le progrès de la médecine est basé sur le progrès de la connaissance. Les travaux sur les animaux, puis sur l'homme, ont permis à la médecine de progresser. La loi Huriet de 1988 a encadré les essais thérapeutiques. Des prélèvements sur des cadavres ont même été autorisés. Or, pour une raison absolument incompréhensible, certains d'entre vous souhaitent que l'on ne touche pas, parce qu'ils sont sacrés, aux premiers instants de la vie. Mais la recherche sur l'embryon peut permettre de soigner l'embryon lui-même, c'est le cas du diagnostic préimplantatoire. Nous sommes capables, même si c'est bien sûr compliqué, au stade de huit cellules, d'en prélever une pour vérifier son génome et nous sommes en mesure d'obtenir, à partir de cette cellule, une lignée de cellules souches embryonnaires.

Vous affirmez que la recherche sur les cellules souches embryonnaires n'est pas nécessaire. C'est faux ! M. le rapporteur l'a admis hier en citant Marc Peschanski. Ce dernier, même s'il a reconnu ne pas avoir été gêné dans ses recherches, a évoqué, et cela figure dans le rapport, les dangers auxquels nous expose le maintien du cadre législatif actuel, expliquant qu'il serait dangereux de ne pas passer à un régime d'autorisation.

Je vais tenter de vous résumer tout l'intérêt des cellules souches embryonnaires pour la recherche. Dans la quête de la connaissance, l'homme doit comprendre les premiers instants de la vie. L'intérêt de la cellule embryonnaire, c'est qu'elle peut se développer et générer des centaines de milliers de cellules. Or nous sommes incapables, aujourd'hui, de développer les cellules souches adultes comme les cellules souches embryonnaires. Qu'on me prouve le contraire !

Ces centaines de milliers de cellules vont nous permettre de faire de la thérapie puisqu'une cellule souche embryonnaire a vocation à produire tout type de cellule. C'est ainsi que nous avons pu fabriquer des cellules cardiaques, ou certains neurones qui seront utiles dans des travaux sur les neurosciences, ou encore des cellules permettant d'agir sur les dépigmentations de la rétine ou de soigner des maladies ophtalmologiques. Ce serait impossible si l'on adoptait l'amendement de M. Souchet, renforcé par un autre amendement interdisant aussi de travailler sur des cellules souches venant de l'étranger.

La situation a changé depuis 2004, car on ne peut plus considérer aujourd'hui que les cellules IPS, les cellules reprogrammées, ont le même développement que les cellules souches embryonnaires. M. Touraine rappelait à l'instant ce qui s'est passé avec la brebis Dolly. Elle avait été conçue à partir d'une cellule souche adulte et, la reprogrammation n'étant pas revenue au point zéro, elle est sans doute née vieille et elle est morte quelques années plus tard. On ne sait pas pourquoi les cellules souches adultes n'ont pas les mêmes caractéristiques que les cellules embryonnaires. Pour le savoir, il faut faire de la recherche alors que vous voulez l'interdire. Ce qui compte aujourd'hui, ce ne sont pas quelques essais thérapeutiques, c'est que nous soyons capables d'investir dans la recherche hospitalière pour ne pas perdre dans le domaine pharmacologique l'avance que nous avions en France et en Europe.

Cette possibilité que nous avions de faire progresser la médecine, certains veulent y mettre un terme, pour des raisons idéologiques. C'est impensable. Quand je vois la mobilisation de certains d'entre vous contre ces textes, sans argumentation ou avec des argumentations fausses, j'ai mal pour mon pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.).

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