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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 14 juin 2011 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Le groupe Radio France est un très bel exemple de réussite dont on pourrait s'inspirer. Fort d'une culture commune de radio de service public, le groupe n'en a pas moins parfaitement préservé l'identité très forte de chacune de ses antennes. France Télévisions pourrait parfaitement fonctionner sur le même modèle. Il faut à la fois affirmer la différence des chaînes publiques par rapport aux chaînes privées et la singularité de chaque chaîne au sein du groupe.

L'opinion perçoit très bien ce que les chaînes publiques apportent de particulier. L'espoir placé dans l'équipe dirigeante actuelle n'altère en rien le jugement positif porté sur l'action de la direction précédente qui s'est attachée à marquer la différence de France Télévisions face au privé. Tout est différent sur les chaînes publiques, y compris les fictions et même les émissions de divertissement. Et il faut s'en féliciter.

Madame Langlade, il faut être prudent dans l'analyse du désarroi des producteurs de documentaires, de leur pessimisme et de leur sentiment d'être mal-aimés. J'en parle d'autant plus facilement que ce sont là des sentiments que j'ai moi-même pu éprouver lorsque je travaillais pour la télévision. L'intérêt de l'audiovisuel public pour le documentaire ne s'est jamais démenti. La frustration récurrente que ressentent les producteurs de ne pas pouvoir produire tous les documentaires qu'ils voudraient sur les chaînes publiques est compréhensible mais elle tient au fait qu'en dépit de l'existence de cinq chaînes, les « tuyaux » ne sont pas extensibles, alors même que le potentiel de production de telles émissions est considérable. La situation s'est néanmoins améliorée avec la direction actuelle qui a mis en place un guichet sur chaque chaîne, permettant un accueil plus personnalisé et attentif, alors que la direction précédente avait voulu mutualiser l'accès de l'offre. Il en était résulté une terrible frustration chez les producteurs. L'orientation prise par la nouvelle direction est la bonne. Chaque chaîne a en effet sa singularité et les producteurs pourront ainsi mieux adapter leur démarche à chacune.

La représentation du handicap à la télévision soulève de multiples problèmes. Il faut se garder d'une représentation folklorisante, pittoresque et sympathique, de certains handicaps. Que Mimie Mathy soit, avec Jamel Debbouze, l'une des stars françaises les plus populaires en dit long sur notre société. Mais la vision que l'on a de Mimie Mathy n'est-elle pas très réductrice ? Jusqu'à maintenant, les chaînes privées représentaient plus largement la diversité que les chaînes publiques. TF1, pour d'impératives raisons de marketing, doit être en prise directe avec les consommateurs. Des émissions sur lesquelles beaucoup ont craché –personnellement je ne crache sur aucune car certaines, décriées et méprisées, n'en sont pas moins intéressantes sur le plan de la grammaire et il n'est pas rare que des producteurs d'émissions culturelles ambitieuses s'inspirent en fait de cette grammaire et de leurs techniques – reflétaient bien toute la diversité de la société française actuelle. C'était le cas notamment, avec des préoccupations certes non étrangères au marketing, de Star Academy. Dans le futur COM de France Télévisions, la diversité sera beaucoup mieux représentée qu'elle ne l'était par le passé, sans dérives toujours possibles liées au marketing. Des efforts seront faits pour mieux représenter le handicap. C'est au travers des fictions surtout que l'on devrait y parvenir. Mais il faut être prudent pour éviter la folklorisation.

La question des langues régionales amène à réfléchir à la situation de France 3, dont l'audience est tombée autour de 10 %. Je ne me résigne pas à ce déclin. France 3 doit retrouver son essence. Au moment où l'on prend conscience du caractère irremplaçable de la presse régionale qui permet à chaque communauté de village, de petite ville ou de ville moyenne, d'être actrice de la vie sociale et de se sentir reconnue comme telle, cela ne peut que légitimer encore le rôle de France 3. Il y a quinze ans, la chaîne avait une véritable politique de production. Dans chaque région étaient produits des documentaires locaux, lesquels constituent d'ailleurs un riche patrimoine conservé à l'Institut national de l'audiovisuel (INA), hélas jamais rediffusé mais dont je ne doute pas qu'il le sera un jour. Cette production locale s'est, hélas, tarie. Elle se réduit aujourd'hui aux émissions d'information et à certaines prestations techniques comme le montage, délocalisées en région. J'insiste fortement auprès des nouveaux dirigeants pour que la production locale de France 3 redémarre. C'est alors qu'on pourra réserver aux langues régionales la place qu'elles méritent. On pense, à tort, que j'y suis hostile. J'en suis au contraire très respectueux – l'ouvrage de Mona Ozouf Composition Française - Retour sur une enfance bretonne est d'ailleurs l'un des mes livres de chevet : tout y est dit sur le sujet. Je pense simplement qu'il faut trouver pour la télévision des modules adaptés. On risque sinon de susciter une indifférence ou un rejet qui serait préjudiciable à ces langues. Mais France 3 Bretagne par exemple pourrait tout à fait diffuser des productions en breton, d'autant qu'il existe maintenant des possibilités de doublage et de sous-titrage automatique. Cela passe par un renforcement des capacités de production autonome de France 3.

La télévision scolaire, c'est internet aujourd'hui. Autant donc que la télévision publique produise des modules pour ce média. Elle en tirera une légitimité supplémentaire et peut-être une de ses ressources futures. Tout est à construire en ce domaine. La télévision publique, qui en a les capacités et les talents, doit s'y atteler vite car d'autres sinon la doubleront.

Pour ce qui est des relations entre France Télévisions et l'AEF, chaque chose en son temps, dirais-je. Nous attendons le rapport de l'Inspection générale des finances sur l'AEF, qui doit dresser un tableau précis de la situation, notamment à France 24. Je ne crois pas nécessaire d'adosser le pôle international de France Télévisions à l'AEF qui, en dépit de la réussite de la réforme, n'a pas encore trouvé son modèle de fonctionnement, comme en témoignent les difficultés rencontrées à France 24.

Monsieur Martin-Lalande, le projet de COM vous sera communiqué début juillet, ce qui vous laissera trois semaines pour l'examiner. Les derniers arbitrages sont en train d'être rendus. Les sommes consacrées à la création devraient passer de 18 % à 20 % du budget global. C'est d'ailleurs une preuve, madame Langlade, que le documentaire n'est pas abandonné.

Si je devais conclure cette audition, je dirais que nous pouvons être fiers de notre service public de télévision qui a une identité forte et fait partie de notre culture commune. Il ne demande qu'à progresser. Il en a les moyens tant il est réactif et compte de talents.

Dans le même temps, il est en danger. D'une part, son public vieillit car nombreux sont ceux qui se tournent vers d'autres médias. Les jeunes par exemple se composent aujourd'hui leur propre chaîne sur leur ordinateur. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils aient définitivement abandonné la télévision. Ils s'en sont éloignés mais elle peut les attirer de nouveau si elle y travaille. Et ce doit être un objectif pour nos chaînes publiques que de ramener les jeunes dans le corps social, dont la télévision constitue l'un des principaux ciments. D'autre part, nous ne pouvons pas encore mesurer toutes les incidences de la révolution numérique. Que se passera-t-il quand on pourra visionner des films, y compris les plus récents, à la demande, à toute heure et sur n'importe quel support ?

J'ai travaillé trente ans à la télévision. Je l'aime. J'y ai parfois ressenti de la frustration et de l'amertume, mais si souvent de l'enthousiasme… Je souhaite vous assurer aujourd'hui qu'en tant que ministre de la culture et de la communication, je m'y consacre de toute mon énergie.

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