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Intervention de élizabeth Picard

Réunion du 25 mai 2011 à 9h45
Commission des affaires étrangères

élizabeth Picard :

Les relations entre le régime iranien et le régime syrien sont fondées sur un « donnant-donnant ». Le soutien de l'Iran se manifeste d'une part sur le plan financier par la vente à la Syrie d'un pétrole bon marché et, dans cette crise, par un appui technologique à la répression - l'entraînement des forces de répression syriennes ayant eu lieu dans les pays d'Europe orientale. Ces relations sont très difficiles à rompre, mais la situation intérieure iranienne est actuellement très mouvante, ce qui pourrait changer la donne.

Il est possible que si un régime à composante majoritairement sunnite s'installe en Syrie, il souhaite reprendre sur un autre pied les négociations avec Israël demeurées inabouties depuis des décennies. Dans un nouveau contexte politique, les demandes nationalistes tendant à la récupération des territoires perdus en 1967 pourraient s'exprimer plus fortement. Jusqu'à présent, la population syrienne n'a entendu à ce sujet que des discours, le front du Golan étant resté parfaitement calme depuis 1974.

Dans le cadre du rééquilibrage régional illustré par le changement des relations entre le Hamas et l'Autorité palestinienne et par la redéfinition du rôle de l'Égypte, le rôle central de la Syrie dans l'opposition à Israël peut être quelque peu affaibli, et le dossier du Golan pourrait devenir secondaire au regard de la question palestinienne.

Le rôle de la Turquie est très important en raison de la présence des Kurdes, qui représentent quelque 20 % de la population syrienne, et qui sont pour l'essentiel regroupés à l'Est du pays. Cependant, le « modèle turc » peut être invoqué et manipulé dans un sens ou dans un autre : soit pour inciter à plus de laïcité et de pluralisme, soit pour inciter à plus de religiosité - la question reste ouverte en Turquie même. Cela dit, le modèle n'est pas l'influence car il existe une barrière culturelle effective entre le monde turc et le monde arabe. L'influence que peut avoir la Turquie est celle d'une puissance moyenne régionale et à cet égard, la Syrie, qui a mille kilomètres de frontières communes avec la Turquie, a quelques soucis à se faire, qu'il s'agisse de l'eau, de la sécurité ou même de la domination du territoire syrien si la crise se prolonge.

S'agissant de l'évaluation par les Syriens de l'action des présidences successives, il faut garder en mémoire que la moitié de la population, très jeune, ne peut juger de l'évolution du régime depuis Hafez Al-Assad jusqu'à son fils. Pour les jeunes gens, la connaissance de la mondialisation par le biais des moyens de communication modernes et les attentes qu'elle suscite sont plus importantes que la mémoire de ce qu'était le régime autoritaire et très étatisé de Hafez Al-Assad. En Syrie, le problème tient moins à l'ouverture économique en soi, souvent louable, qu'à la sauvagerie avec laquelle elle a été mise en oeuvre, conduisant à la perte de l'Etat social, à la fin des couvertures scolaire et sanitaire, et laissant la société syrienne nue face à un pouvoir dont chacun voit qu'il profite à plein de l'ouverture.

Il faut distinguer les conscrits et l'armée de métier, qui composent des unités différentes. L'armée de métier – les Forces spéciales et la désormais fameuse quatrième division commandée par Maher Al-Assad, le frère du président - est un groupe majoritairement alaouite, gâté par le régime et entraîné à exercer librement le contrôle social et sécuritaire sans que la justice ait à en connaître. Les unités plus traditionnelles, composées d'appelés sunnites, pourraient rechigner beaucoup plus vite à l'accomplissement des besognes sécuritaires extrêmement violentes qui leur sont assignées. Jusqu'à présent, les unités qui participent directement à la répression sont restées fidèles aux caciques du régime. Usure, divisions entre les chefs d'unités ? Peut-être, mais je n'en sais pas plus.

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