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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 22 juin 2011 à 15h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes donc en troisième lecture – une troisième lecture plutôt qu'une CMP, voilà qui est suffisamment rare durant cette législature pour être souligné. Il est vrai que les réserves, voire les désaccords, exprimés par la rapporteure initiale du texte au Sénat, qui plus est présidente de la commission, étaient tels qu'il était plus prudent pour votre Gouvernement de donner le dernier mot à l'Assemblée pour s'assurer que le projet sera bien voté dans les termes que vous avez choisis.

Madame la secrétaire d'État, je suis désolé de répéter ce que je vous ai déjà dit en deuxième lecture : on ne peut pas traiter d'un sujet comme celui de la santé mentale en commençant par les lourds problèmes que pose l'hospitalisation sous contrainte. Celle-ci ne représente qu'une petite partie des problèmes rencontrés par l'hospitalisation psychiatrique.

Écoutez ce qu'exprime la mobilisation de tous les professionnels de la psychiatrie, y compris, monsieur le rapporteur, dans leurs excès de langage. Ils veulent vous alerter : en l'état actuel de la psychiatrie publique, avec son manque de postes, et surtout avec ses postes non pourvus, ce texte est inapplicable. Il est voué à l'échec ; il l'était d'ailleurs dès sa conception.

On connaît le contexte sécuritaire dans lequel le Président de la République, qui se complaît dans cette ambiance, a annoncé une loi créant les soins sans consentement en ambulatoire.

Vous avez annoncé, lors de notre deuxième lecture, un plan global sur la santé mentale à l'automne ; seul, il pourrait apporter la réponse attendue par les patients et leur famille.

Aujourd'hui, vous nous proposez de répondre uniquement aux préoccupations d'ordre et de sécurité publics. Certes, elles sont importantes, voire dérangeantes ; nous le savions, et plusieurs de nos collègues, élus locaux, nous l'ont redit. Mais la dangerosité d'une petite minorité de malades – dangereux pour autrui, mais surtout pour eux-mêmes – s'explique le plus souvent, on le sait, par la rupture des soins : au moment des faits dramatiques dans lesquels ils sont impliqués, les soins ont été interrompus ; souvent, les malades n'ont pas trouvé la réponse adéquate à l'aggravation de leur état. Le problème, c'est d'abord la défaillance, faute de moyens, des structures de soins, souvent inaccessibles le week-end et la nuit par exemple.

La réalité est là, madame la secrétaire d'État : le malade va mal, souvent, le 15 août, le samedi, le dimanche, la nuit ! C'est à ce moment-là qu'il est en état de crise, et les centres d'accueil sont aujourd'hui largement déficitaires ; quand ils sont ouverts, ils ne le sont pas en permanence. C'est très compliqué à réaliser, je l'avoue, mais ce manque de moyens à la fois humains et matériels explique les dérives bien plus qu'une espèce de dangerosité inhérente à la personne, ou à sa maladie. Cette rupture de soins se rencontre plus souvent encore, à l'évidence, chez les malades sans domicile fixe ou en errance, ce qui est fréquent dans ce type de maladies.

De ce point de vue, nous restons très opposés à la période de soixante-douze heures d'observation que vous avez souhaitée et qui, je crois, ne vise qu'à camoufler le manque de structures qui permet à un malade de commencer le traitement dans les meilleures conditions. Quand les structures sont prêtes, quand les professionnels sont là, le traitement peut commencer beaucoup plus rapidement.

Comme tous ceux qui se sont exprimés, nous sommes bien sûr satisfaits de l'introduction du juge des libertés et de la détention dans le déroulement et l'évaluation d'une hospitalisation qui se prolonge, même s'il a fallu pour chaque avancée, par l'intermédiaire d'une question prioritaire de constitutionnalité, l'intervention du Conseil constitutionnel, cher à M. le rapporteur. De la même manière – et ce n'était vraiment pas une fleur faite au rapporteur (Sourires.) – il y a quelques jours, le Conseil constitutionnel a tranché dans le bon sens, monsieur le rapporteur, celui de la défense des libertés : la possibilité de laisser sortir un malade contre l'avis du préfet si deux expertises psychiatriques concluent à la main levée de l'hospitalisation sous contrainte nous paraît un progrès utile, mais dont nous ne vous attribuons pas le mérite, madame la secrétaire d'État : le Gouvernement, qui aurait pu avancer sur ce point, n'a fait que se soumettre à la décision du Conseil constitutionnel.

Nous regrettons néanmoins que les personnes ayant séjourné dans une unité pour malades difficiles soient exclues de cette disposition ; elles continuent de relever d'une procédure très lourde. Le rapporteur a quelque peu esquivé la question, mais cela risque de poser des problèmes, notamment dans les endroits où les psychiatres publics manquent le plus. De surcroît, tous les psychiatres ne sont pas rompus à l'expertise fine, et ils ne sont pas toujours disponibles : c'est, je crois, l'un des obstacles majeurs que nous allons rencontrer.

Enfin nous sommes en parfait accord avec l'amendement du groupe socialiste au Sénat qui vise à rappeler la coordination nécessaire entre les territoires de santé, définis à l'art L. 3222-1, et le secteur psychiatrique traditionnel, que l'on connaît depuis quarante ans, défini à l'art L. 322-4. Nous remercions donc le rapporteur de l'avoir repris : cela allait de soi, mais cela va mieux en l'écrivant. Voilà qui devrait permettre à la psychiatrie de secteur de ne plus se trouver oubliée par les agences régionales de santé, et c'est une bonne chose.

Madame la secrétaire d'État, malgré ces quelques améliorations, nous constatons que les moyens humains, matériels, médicaux et judiciaires – même si vous n'êtes pas responsable de ce dernier aspect – qui seraient nécessaires à l'application de votre projet de loi ne sont pas au rendez-vous. Plusieurs de nos collègues ont précisé qu'ils ne savaient pas bien comment cela allait se passer ; des moyens lourds seront nécessaires dès le 1er août, c'est-à-dire dans quelques semaines : on ne vous a pas facilité la tâche.

Pour toutes ces raisons, et pour ne pas nous associer à ce texte qui est rejeté par l'ensemble des acteurs de la santé mentale, nous voterons contre ce projet de loi.

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