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Intervention de Eric Berdoati

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Urbanité réussie de jour comme de nuit — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEric Berdoati :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, je voulais tout d'abord remercier la présidence et m'excuser pour le petit changement d'agenda qui s'est produit, mais il me fallait assister en début d'après-midi aux obsèques du conjoint d'un de mes collègues.

Je suis, comme beaucoup de nos collègues ici, maire d'une commune ; les questions d'urbanisme sont souvent techniques, complexes, passionnantes et parfois passionnées. Traiter de sujets relatifs à l'urbanisme, c'est en effet traiter de sujets sérieux, parfois graves, qui touchent au vivre-ensemble et méritent toute notre attention.

Mais dans le cas précis qui nous rassemble aujourd'hui, l'histoire est tout autre. Car, si je reconnais bien volontiers qu'il est nécessaire de redéfinir et de repenser le vivre-ensemble pour rendre nos villes plus attractives et plus dynamiques, il s'agit également le plus souvent de concilier entre eux des enjeux sociaux, culturels et économiques parfois contradictoires.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui concerne en premier lieu la régulation du commerce sur le domaine public. Elle part du constat que la multiplication des terrasses et des installations qui débordent sur les trottoirs crée ou peut créer des distorsions de concurrence et des nuisances, face auxquelles les maires peuvent se trouver démunis et impuissants.

Sur ce point, je tiens à le dire, nombre de députés du groupe UMP peuvent partager ce constat. Les montants des amendes sont faibles et les décisions du tribunal de police sont parfois trop tardives. Cependant, il y a beaucoup à redire sur la solution que propose le groupe socialiste et sur la cohérence générale de cette proposition de loi.

Sur la forme d'abord. Cette PPL a manifestement été rédigée dans la précipitation. J'en veux pour preuve, l'exposé des motifs, qui s'avère bien plus ambitieux que le contenu même du texte. En effet, il annonce des outils de lutte contre les « conséquences de la loi anti-tabac » – à savoir la présence de fumeurs sur les trottoirs –, mais la proposition de loi n'apporte aucune solution à ce sujet ! Il annonce également des actions en faveur de l'information des « citadins qui s'installent à proximité d'activités commerciales susceptibles d'engendrer des nuisances sonores », or rien n'est dit non plus à ce sujet !

De plus, les objectifs que poursuit cette PPL sont contradictoires : elle entend ainsi renforcer les pouvoirs de sanction envers les établissements à vocation nocturne, mais, dans le même temps, tend à protéger ces mêmes activités nocturnes. Protéger les riverains tout en créant une sanction d'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne est-il réellement conciliable ?

Enfin, l'absence d'étude d'impact, à tout le moins de données fiables, chiffrées et précises pour légiférer est préjudiciable. La PPL exige la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur « les modifications de la réglementation relative aux conditions de sécurité des établissements à vocation nocturne », montrant bien par là que le texte est écrit sans prendre en compte cet enjeu crucial. Elle prétend enfin modifier la législation applicable aux établissements à vocation nocturne sans en avoir analysé la situation exacte.

Sur le fond ensuite. Cette PPL souffre de trop d'imprécisions, imprécisions qui contiennent des risques réels pour l'application effective de la loi. Cette PPL souhaite imposer le maire, en plus du préfet, comme autorité compétente dans l'application du dispositif de sanctions pour occupation abusive du domaine public. On peut légitimement redouter la confrontation de deux légitimités différentes, l'une administrative et l'autre politique. Cette dualité est source de conflits futurs car, nous le savons parfaitement, l'appréhension administrative d'un sujet n'est que trop rarement en adéquation avec son appréhension politique.

Plus encore, le groupe UMP est sceptique quant au fait donner aux maires le droit de prononcer une astreinte et d'en déterminer le montant. Il y a quelque chose de troublant, voire de choquant, à vouloir transformer le maire en justicier ; il y a quelque chose de troublant, voire de choquant, à vouloir transformer les conseils municipaux en tribunaux.

Enfin, le dispositif proposé fait courir le risque d'une inégalité devant la loi, puisque le maire aurait tout le loisir de fixer le montant de l'astreinte, montant que la PPL plafonne à 500 euros par jour et par mètre carré sans fixer de seuil minimal ! Comment, dès lors, ne pas imaginer qu'un maire et son conseil décident d'une astreinte dérisoire, pour satisfaire les professionnels de la nuit de leur commune ? Comment comprendre qu'une astreinte à 500 euros par jour et par mètre carré dans une commune tombe à 10 euros par jour dans la commune située quelques kilomètres plus loin ?

Tout ceci, nous le voyons bien, n'est pas raisonnable. La PPL nous ferait courir le risque de créer de trop graves disparités entre communes, selon le bon vouloir des maires – sans compter que la législation applicable pourrait changer à chaque renouvellement du maire et du conseil municipal !

Enfin, parlons de l'article 6 de cette PPL, à savoir la création d'une infraction d'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne. Quelle étrange idée a bien pu avoir le groupe SRC de vouloir sanctionner ainsi les victimes de nuisances ! Sanctionner ceux qui se plaignent parce qu'ils souffrent de tapage nocturne est, en soi, sujet à caution. Et, quand bien même on voudrait créer cette sanction d'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne, il serait judicieux de rappeler que les standards des commissariats de quartier ne sont pas considérés comme des numéros d'urgence ; or ce sont eux qui sont destinataires de la majorité des appels ! Quand on est maire, on sait parfaitement cela.

Pour en terminer sur cet article 6, sa rédaction est beaucoup trop approximative : aucune indication sur ce qui pourrait constituer cet abus de droit ne nous est donnée ; l'appréciation de l'abus apparaît plus que subjective, et donc dangereuse, juridiquement.

En conclusion, cette proposition de loi est loin d'apporter les réponses nécessaires aux enjeux soulevés par la rapporteure et l'exposé des motifs. En mélangeant tous les problèmes – occupation illégale du domaine public, vente à la sauvette, nuisances sonores –, elle ne parvient à en régler aucun. Sur certains points, elle pourrait même s'avérer contre-productive et n'apparaître que comme un gage donné aux professionnels et aux établissements nocturnes parisiens. Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe UMP ne votera pas ce texte.

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