Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Gabrielle Louis-Carabin

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Interdiction de la différence de taux de sucre entre les régions d'outre-mer et la métropole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabrielle Louis-Carabin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il est une réalité que nul ne peut mettre en doute : certains aliments vendus en outre-mer ont une teneur en sucre plus importante qu'en France hexagonale. À titre d'exemple un yaourt nature sucré d'une même marque vendu en métropole contient 2,5 sucres quand, vendu en Guadeloupe, il en contient 3,3, soit plus de 29,8 % de glucides.

Les professionnels de santé s'inquiètent car la Guadeloupe est le département français où le problème du surpoids et de l'obésité est le plus aigu : plus d'un Guadeloupéen sur deux a un poids supérieur à la norme et est donc considéré comme obèse, soit une proportion deux fois plus élevée qu'en métropole.

C'est une situation que l'on ne peut plus accepter quand on sait que le diabète et les maladies cardiovasculaires sont en nette augmentation. Justifiée pour certains par une fatalité culturelle, voire une fatalité génétique, comme je l'entends dire, elle ne peut plus perdurer. Elle est bien le fait de pratiques critiquables issues du marketing des producteurs de denrées alimentaires pour les marchés d'outre-mer.

Ajoutons que l'Organisation mondiale de la santé considère la consommation élevée de sucre comme facteur de risque d'obésité et qu'en douze ans, la prévalence de l'obésité a doublé en France.

Quant au Plan obésité 2010-2013, il préconise explicitement une prise en compte des situations spécifiques de l'outre-mer en raison d'une obésité plus fréquente dans les DOM. Ce constat a été confirmé par l'enquête locale dite Podium – Prévalence de l'obésité, de sa diversité, et de son image ultramarine – menée par des médecins en Guadeloupe : ils ont démontré que le niveau de surpoids et d'obésité chez l'adulte et l'enfant était plus élevé dans les collectivités ultramarines qu'en métropole.

Ce phénomène constitue avec certitude un problème majeur de santé publique sous nos latitudes.

Quelles solutions durables les pouvoirs publics doivent-ils apporter ? Quels engagements durables devons-nous prendre ?

La proposition de loi de mon collègue Victorin Lurel tendant à prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outre-mer et celle des mêmes produits vendus dans l' Hexagone a pour objectif d'améliorer la qualité nutritionnelle de l'alimentation des ultramarins, de réduire le taux de sucre de produits à forte consommation comme les yaourts ou les sodas – notons toutefois que pour le Coca-Cola, la teneur en sucre est la même en métropole et en outre-mer.

Il faut reconnaître que cette proposition de loi est en adéquation avec la volonté même du Président de la République de s'engager résolument dans la prévention de l'obésité et l'amélioration de sa prise en charge. Elle s'inscrit bien dans la mobilisation du Gouvernement en faveur de la modification des comportements nutritionnels à travers le troisième programme national nutrition santé et elle est conforme aux mesures préventives du projet de loi de finances pour 2012 comme la taxe sur les produits sucrés.

Certains, comme l'Association nationale des industries alimentaires, prétendent que le texte est incohérent, et qu'il créerait une distorsion de concurrence entre produits français et produits étrangers. Or le quotidien de nos compatriotes, mon quotidien, est marqué par le choix entre des produits alimentaires de provenance essentiellement hexagonale ou locale. Mes compatriotes ont le choix, sur les étals des centres commerciaux, entre différents yaourts qui viennent de l'Hexagone.

Je m'étonne de la réaction tardive d'industriels du secteur alimentaire, qui veulent de manière inattendue étendre à l'outre-mer les démarches d'optimisation de la qualité nutritionnelle qu'ils mettent en oeuvre depuis des années en métropole et qui ont entraîné une baisse de 16 % de la prévalence du surpoids et de l'obésité chez les enfants. Si les parlementaires n'avaient pas mis le doigt sur le sujet, aucune initiative n'aurait été prise en ce sens.

Aussi, en ma qualité d'élue, suis-je convaincue qu'il est important de répondre sans ambiguïté aux inquiétudes des professionnels de santé, qui ont judicieusement appelé sur ce sujet l'attention de mon collègue Lurel.

Chers collègues, notre action dans le domaine de la nutrition et des pathologies liées, en outre-mer, doit dépasser les clivages partisans ; nous devons nous retrouver sur des thématiques aussi républicaines que la santé publique, la santé des Français, qu'ils vivent dans l'Hexagone ou au sein de la France des trois océans.

La logique politicienne ne peut pas interférer dans cette discussion ; la lutte contre le fléau de l'obésité ne doit en aucun cas être sacrifiée sur l'autel d'intérêts financiers, ni sur l'autel d'intérêts politiciens.

Je le dis avec sérénité et fermeté : je voterai pour cette proposition de loi, déjà adoptée à une large majorité en commission des affaires sociales, grâce à certains de nos collègues de l'UMP et à l'ensemble de nos collègues socialistes.

Monsieur le ministre, est-il normal que certaine proposition de loi socialiste venant de l'outre-mer, portant sur l'habitat indigne, ait reçu un soutien de Mme la ministre de l'outre-mer avant même le débat – alors que nous bénéficions déjà d'actions de résorption de l'habitat insalubre – et qu'aujourd'hui ce texte, qui traite d'un sujet majeur de santé publique pour notre population, semble ne pas trouver un écho favorable ?

Je compte sur la sagesse de mes collègues. Toutefois, monsieur le ministre, vous avez laissé entendre que cette proposition de loi serait repoussée. Je vous proposerai alors, au nom de la population ultramarine, qu'un groupe de travail consensuel et républicain se penche sur les mesures d'urgence à mettre en oeuvre pour optimiser la qualité nutritionnelle des produits manufacturés dans les régions d'outre-mer, pour mobiliser tous les acteurs, et ainsi aboutir à de bonnes pratiques de consommation alimentaire et d'hygiène de vie.

Il serait juste que cette proposition de loi soit votée, au-delà des clivages partisans, par les députés de tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion