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Intervention de Annick Girardin

Réunion du 20 octobre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collèges, j'associe mes collègues radicaux de gauche et apparentés à cette intervention.

Nous entamons l'examen du budget, moment fort de la vie parlementaire, mais malheureusement, cette année encore, moment faible en termes d'ambition politique.

Oui, votre projet de budget manque cruellement d'ambition. En ces temps plus que tourmentés économiquement, et alors qu'une véritable réforme fiscale – certains parleront d'une révolution – est attendue, vous nous proposez un budget en demi-teinte, qui ne répond en rien aux difficultés actuelles et à la faible croissance qui nous menace, voire pire, à la récession.

Et pourtant, quelques annonces semblaient aller dans le bon sens, comme la taxe sur les hauts revenus, mais elles demeurent ou exceptionnelles ou mal ficelées. Ces mesures prouvent au moins une chose : vous ne croyez plus vous-mêmes aux idées que vous avez toujours défendues.

Vous souteniez l'idée d'une économie du ruissellement du haut vers le bas : plus on donne aux riches, plus les pauvres en profitent. Vous reconnaissez désormais que cette politique anti-redistributive, que l'on a testée un peu partout dans le monde depuis trente ans, ne mène à rien, qu'elle est l'une des raisons de la crise économique actuelle mais surtout qu'elle a provoqué une rupture dans notre système fiscal, et c'est sur ce point que je voudrais m'arrêter.

Notre politique fiscale marche à l'envers. Les radicaux de gauche, mais également tous les républicains progressistes depuis près d'un siècle, ont âprement défendu la progressivité de l'impôt. Cette idée n'allait pas de soi au début, la logique étant à la proportionnalité de l'impôt. Or on fait désormais tout le contraire, puisque nombre d'études démontrent que l'imposition devient de plus en plus dégressive.

La politique fiscale que vous menez depuis dix ans, à coup de niches fiscales et d'allégements pour les plus riches, en est la principale raison. Et, comble de l'histoire, après avoir allégé l'impôt sur la fortune de près de 2 milliards d'euros il y a moins de trois mois, vous prétendez inverser cette tendance en créant une contribution temporaire de quelques centaines de millions d'euros. C'est une escroquerie politique.

Mais surtout, quelle est la conséquence de cette dégressivité de l'impôt, hormis des rentrées fiscales en moins ? Elle entraîne une défiance des contribuables face à l'impôt. Et cette défiance est double : elle est à la fois verticale, envers l'État, qui est accusé de favoriser les plus riches et certains privilégiés, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises, mais aussi horizontale, entre les contribuables qui se soupçonnent les uns les autres de dissimuler au maximum leurs revenus, d'utiliser de performantes stratégies d'optimisation fiscale sous la bienveillance de l'État, et au final de ne pas s'acquitter des impôts qu'ils doivent.

Il est plus que nécessaire de sortir de cette logique de défiance pour en revenir à une logique de consentement à l'impôt. On a vu avec l'exemple grec ce qui peut arriver lorsqu'un peuple utilise tous les procédés possibles pour diminuer l'impôt qu'il doit.

Voilà pourquoi, avec mes collègues députés radicaux de gauche, nous défendrons plusieurs amendements visant à rendre notre système fiscal plus progressif. Nous proposerons, entre autres mesures, la création d'une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, un nouveau coup de rabot sur les niches fiscales – pas sur toutes, bien entendu, mais sur celles inefficaces et injustifiées –, ou encore le retour à l'ancien barème de l'ISF.

L'impôt sur les sociétés est également de plus en plus dégressif. Nous avons déposé à ce titre une proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur les délocalisations fiscales. En effet, pour payer moins d'impôts et de salaires, les multinationales jouent sur la concurrence fiscale et les prix de transfert. Il est urgent de lutter plus pertinemment contre ces groupes qui profitent des lacunes des dispositifs fiscaux nationaux et de l'absence de gouvernance économique et fiscale européenne pour détourner les bénéfices réalisés en France et organiser leur fuite.

Alors que le Gouvernement, confronté à un déficit abyssal des comptes de l'État, a présenté un budget en apesanteur qui ne lui ramènera ni la confiance des marchés, ni celle des Français, il est sidérant de constater que la perte due aux délocalisations fiscales est estimée entre 50 et 70 milliards d'euros.

Je ne puis conclure cette intervention sans quelques mots sur l'outre-mer. L'attitude du Gouvernement, les mesures qui en résultent figurant dans la première partie du projet de loi de finances, sont jugées par de nombreux élus ultramarins comme proprement méprisantes, et je tiens à vous alerter quant aux dangers d'une telle conduite, notamment quant à leurs effets dépressifs sur l'activité.

Tout récemment, les entrepreneurs d'outre-mer ont exprimé leur inquiétude légitime quant à l'impact qu'aura sur les très petites entreprises des départements d'outre-mer, la suppression annoncée de l'abattement – d'un tiers seulement – sur leurs bénéfices. Quelle réponse leur a-t-on donné ? On leur a tout bonnement expliqué que, de toute façon, les très petites entreprises ne font pas de bénéfices… Mais de qui se moque-t-on ? Revenez dans la vraie vie ! Ces TPE forment une part essentielle du tissu économique en outre-mer, au moins autant qu'en métropole, et tout particulièrement en matière d'emploi. L'enjeu est donc de taille.

Et comme si cela ne suffisait pas, on découvre dans ce PLF que l'enveloppe destinée à l'incitation fiscale en faveur des investissements productifs réalisés en outre-mer – le dispositif dit « Girardin industriel » – diminue de 260 millions d'euros, et sans aucune explication !

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