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Intervention de François de Rugy

Réunion du 25 octobre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

La perspective de la campagne présidentielle a conduit, dans cette enceinte, ces derniers jours, à des échanges excessifs, à des mises en cause peu glorieuses pour leurs auteurs, à la dénonciation, par la voix de membres du Gouvernement, de la prétendue « irresponsabilité » de l'opposition – nous l'avons encore entendu cet après-midi, de la bouche du Premier ministre.

C'est pourquoi je souhaite débuter mon propos en rappelant avec force que, depuis le déclenchement de la crise financière, l'opposition parlementaire a fait preuve du sens des responsabilités. Ainsi, lorsque nous avons été amenés à nous prononcer sur le plan de sauvetage des banques que vous nous avez soumis, il y a trois ans presque jour pour jour, le 14 octobre 2008, nous n'avons pas tenté de tirer un bénéfice politique de la légitime colère de l'opinion face aux pratiques prédatrices révélées par cette crise. C'était à l'époque le sens de notre abstention, qui visait à ne pas ajouter la crise à la crise tout en refusant de vous donner un chèque en blanc faute de réponses précises à un certain nombre de nos interrogations ou de nos exigences de moralisation et de régulation de la finance.

Pas plus que nous ne voulions alors faire preuve de démagogie, nous n'entendons aujourd'hui adopter la politique du pire.

Ces derniers temps, on cite souvent une célèbre formule que Vincent Auriol a prononcée dans cet hémicycle, en tant que ministre des finances, en 1936 : « Les banques, je les ferme ; les banquiers, je les enferme. » Nous ne céderons pas à cette démagogie. La colère de nos concitoyens – car c'est bien de colère qu'il s'agit – vis-à-vis des banques est pourtant forte et légitime. Le sauvetage de Dexia est un impératif pour les épargnants belges, qui lui ont confié la gestion de leurs économies ; il est indispensable pour sa filiale Dexia crédit local, qui assurait encore il y a peu l'activité de prêt aux collectivités locales françaises.

Nous ne nous opposerons donc pas à ce plan, mais j'entends bien que cette motion soit l'occasion de faire entendre dans cet hémicycle, une fois de plus et plus fortement que jamais, les interrogations et les exigences de nos concitoyens, dont il faut bien constater qu'elles n'ont toujours pas obtenu, en trois ans, de réponses efficaces du Gouvernement.

Ces questions seront d'ailleurs au coeur de la proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête que je déposerai, avec mes collègues écologistes, sur le bureau de notre assemblée dans les prochaines heures, car il est, au-delà des mesures d'urgence sur lesquelles nous nous prononçons aujourd'hui, des dysfonctionnements, des insuffisances, voire des délits que l'on ne peut passer sous silence tant ils minent la fameuse « confiance » dont on ne cesse de rechercher les effets – une confiance que l'on n'a aucune chance de retrouver tant que régneront l'opacité et les petits arrangements entre amis qui se font toujours, au bout du compte, sur le dos de l'État et des contribuables.

Il y a trois ans, notre assemblée a déjà eu à se prononcer sur le cas Dexia, à l'occasion d'un premier projet de loi de finances rectificative. En commission, Mme Lagarde, alors ministre de l'économie et des finances, s'était longuement expliquée sur les raisons de la situation dramatique de l'établissement, sur les causes de sa fragilité sur les marchés et sur le mécanisme mis en oeuvre pour le sauver. Je l'entends encore nous expliquer que le cours d'achat – 9,90 euros à l'époque – était légitime, puisque basé sur la moyenne des trois derniers mois. Nous avions été plusieurs, y compris sur les bancs de la majorité, à nous étonner de ce niveau élevé de rachat, mais « circulez, il n'y a rien à voir », nous avait-on répondu alors...

Aujourd'hui, le cours de l'action de Dexia est de 82 centimes, et la perte, c'est l'État – à hauteur d'un milliard – et la Caisse des dépôts – à hauteur de 2 milliards – qui doivent l'assumer.

En, séance, monsieur le ministre, nous avions interrogé le Gouvernement : reprenez les comptes rendus des débats, ils sont d'une cruauté rare. De cette même tribune, voilà ce que je vous avais demandé : « Êtes-vous prêts à mettre un terme aux produits financiers aussi opaques qu'inutiles ? Êtes-vous prêts à mettre un terme aux rémunérations des dirigeants, qui dépassent l'entendement ? Comment justifier que les participations que l'État s'apprête à prendre dans certaines banques ne lui donnent aucun droit de regard sur la politique de ces banques ? La présence de l'État au conseil d'administration serait pourtant la meilleure des garanties. Pourquoi se l'interdire, si ce n'est parce que l'on continue à soutenir aveuglément un système qui est pourtant à l'origine de cette crise ? »

Ces interrogations, vous les avez balayées d'un revers de la main. J'entends encore l'un de nos collègues du groupe UMP me répondre : « Notre gouvernement n'est pas collectiviste ! ».

Et pourtant, qui pourrait nier que c'est l'absence de réponse à ces questions qui nous conduit aujourd'hui à devoir nous prononcer sur le démantèlement de Dexia et à en répartir la facture et le risque entre le contribuable, la Caisse des dépôts et même la Banque postale ?

Nous vous demandions une clarification sur les produits financiers opaques. C'est justement l'exposition de Dexia aux produits toxiques qui a provoqué la brusque chute de confiance des marchés qui nous contraint à réagir aujourd'hui dans la précipitation !

Nous vous demandions d'encadrer enfin la rémunération des dirigeants et de mettre fin aux bonus et autres rémunérations indécentes et contraires à l'intérêt même des établissements bancaires. Mais, à peine sauvée par les États français et belge, Dexia, tout en supprimant des centaines d'emplois, a distribué en 2009 huit millions d'euros de primes à ses cadres dirigeants français ! Son ancien administrateur délégué, démis après la première intervention de l'État, a perçu une indemnité de départ de 825 000 euros. Et c'est par la voix du secrétaire d'État fédéral belge au budget, M. Melchior Wathelet, que l'on apprend que M. Pierre Mariani, l'ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, que vous aviez imposé à la tête de l'établissement en 2008 – je cite le ministre belge – « M. Pierre Mariani, donc, s'est octroyé un bonus pour sa bonne gestion de 600 000 euros en avril dernier ».

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