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Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 26 octobre 2011 à 10h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, mes chers collègues, face à la crise économique et financière que nous connaissons depuis plusieurs années, la détermination du Gouvernement ne peut fléchir tant en matière de lutte contre le chômage et de développement de l'emploi qu'en matière de maîtrise des déficits et de réduction de la dette publique. On imagine donc aisément la difficulté qu'a dû représenter l'élaboration de ce projet de budget pour 2012.

Après trois années d'un niveau très élevé de dépenses en faveur de la politique de l'emploi, notamment grâce au Plan de relance, la mission « Travail et emploi » marque le pas en 2012 : d'abord en raison, précisément, de l'arrivée à échéance de nombreux dispositifs du Plan de relance ; ensuite, du fait de l'évolution de la conjoncture en 2011 – on a notamment observé une baisse du nombre de restructurations et de plans sociaux, permettant de « réduire la voilure » sur certains dispositifs ; enfin, parce que la dotation de la mission « Travail et emploi » doit, elle aussi, retrouver une évolution plus conforme à la programmation pluriannuelle et contribuer à la réduction nécessaire des dépenses publiques.

C'est donc avec une dotation en baisse de 12 % pour 2012 que je vous présente la mission « Travail et Emploi ».

Cette baisse s'impute principalement sur les crédits des programmes 102 et 103, c'est-à-dire sur les crédits de la partie « Emploi » de la mission, sachant que ces programmes concentrent plus de 90 % des crédits de la mission.

Très brièvement, sur la partie « service public de l'emploi » du programme 102, l'action 01, on constate tout d'abord, comme je l'ai dit en introduction, l'arrivée à échéance d'un certain nombre de dispositifs issus du Plan de relance, ou plus anciens, ce qui entraîne un moindre besoin de financement à hauteur de 600 millions d'euros.

Je ferai néanmoins observer que l'on ne trouve pas de financement pour l'allocation transitoire de solidarité censée prendre la suite de l'allocation équivalent retraite jusqu'en 2014. L'annonce de la création de cette allocation est sans doute arrivée trop tardivement pour figurer dans le bleu, mais il faudra qu'en séance, le Gouvernement explique ses intentions : soit il décide d'abonder cette ligne de crédits lors de la discussion budgétaire, soit il y pourvoit en gestion.

Je note que la subvention pour charges de service public de Pôle emploi est maintenue ; en revanche, celle des maisons de l'emploi est de nouveau présentée en baisse – une baisse de plus de 30 % par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale pour 2011. Nous y reviendrons, comme tous les ans, à l'occasion de l'examen des amendements.

Toujours sur le programme 102, s'agissant des dispositifs destinés aux personnes les plus éloignées de l'emploi, il faut souligner le maintien en 2012 des objectifs prévus cette année en matière de contrats aidés, ainsi que la hausse des crédits destinés à l'emploi des personnes handicapées, conformément aux engagements pris lors de la Conférence nationale du handicap de juin dernier.

Le dispositif du contrat d'autonomie, qui a été prolongé en 2012, bénéficie d'une dotation confortable à hauteur de 46 millions d'euros en crédits de paiement, notamment grâce à un cofinancement du Fonds social européen (FSE) à hauteur de 19 millions d'euros. On signalera a contrario que si la subvention de l'État aux missions locales est bien reconduite, l'allocation prévue dans le cadre du dispositif des contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) a été recalibrée et ne devrait plus bénéficier en 2012 qu'à 135 000 jeunes au lieu de 150 000 aujourd'hui. Là aussi, nous y reviendrons.

S'agissant du programme 103, comme je le disais en introduction, l'hypothèse faite par le Gouvernement, lors de la construction de ce budget, d'un redressement de la conjoncture économique se traduit par une réduction, en parallèle : des moyens alloués à l'aide à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, d'une part ; de la contribution de l'État au financement des allocations du Fonds national de l'emploi (FNE) ou à la prise en charge de l'activité partielle, d'autre part. Cela représente une baisse des crédits de l'action 01 de plus de 28 %.

On constate cependant, sur cette même action, que les crédits affectés au financement du contrat de sécurisation professionnelle sont supérieurs aux crédits qui étaient consacrés, l'an passé, aux conventions de reclassement personnalisé (CRP) et aux contrats de transition professionnelle (CTP). La dotation est en effet de 87,2 millions d'euros.

S'agissant des moyens consacrés par l'État à la formation professionnelle et à l'apprentissage, en dehors de l'extinction de la prime pour l'embauche d'un apprenti supplémentaire et du dispositif « zéro charge » pour le recrutement d'un apprenti dans les entreprises de plus de dix salariés, les dotations 2011 sont maintenues. En revanche, elles ne le sont pas toutes par un abondement de l'État, certaines l'étant par une fraction du prélèvement que celui-ci entend de nouveau opérer sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).

Nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau ce point au moment de l'examen des amendements, puisque l'un d'entre eux vise précisément à supprimer l'article 63 du projet de loi de finances. J'en profite néanmoins pour indiquer que ce prélèvement contribuera au financement de la mission « Travail et emploi » à hauteur de 300 millions d'euros.

Enfin, sur l'action 03, qui finance les dispositifs de baisse du coût du travail et de promotion de l'activité, on constate également une forte diminution de crédits, la plus importante du programme, qui résulte, d'une part, de la prise d'effet en année pleine de la suppression dans la loi de finances initiale pour 2011 de plusieurs niches sociales, et, d'autre part, de l'arrivée à échéance de l'aide à l'embauche pour les très petites entreprises (ATPE).

Au-delà des considérations budgétaires, qui nous préoccupent tous, j'ai souhaité, dans la partie thématique de mon rapport pour avis, m'interroger sur la territorialisation des politiques de l'emploi. Cette territorialisation est une démarche relativement ancienne, comme en témoigne la création des missions locales il y a près de trente ans. Mais elle reste une préoccupation actuelle, puisqu'elle constitue un des axes d'action retenus, le 18 février derniers, dans les conclusions du Comité interministériel des villes.

Je voudrais ici mettre l'accent sur certains de ses aspects qui me paraissent les plus importants.

S'agissant de Pôle emploi, tout d'abord, la territorialisation est un sujet de réflexion ancien, qui a fait l'objet de plusieurs rapports, mais qui, avec la fusion, s'est trouvé réduit à la seule question du schéma d'implantation territoriale de l'opérateur.

Cet aspect étant aujourd'hui quasiment réglé, il est temps que Pôle emploi fasse un effort d'adaptation de ses modalités d'action à la diversité des territoires et des publics qui s'y trouvent ; je pense en particulier aux zones urbaines sensibles et aux jeunes qui y résident.

Cet effort passe nécessairement par le développement de partenariats opérationnels, qui, on doit le constater, ne sont pas si nombreux que cela à fonctionner aujourd'hui. Dans cette perspective, il semblerait souhaitable que l'opérateur Pôle emploi laisse plus de marges de manoeuvre à ses directeurs territoriaux et à ses directeurs d'agence pour conclure des partenariats avec les acteurs locaux et les financer. Cette double dimension de territorialisation et de déconcentration devrait en tout cas être discutée dans le cadre des négociations qui sont en cours sur la nouvelle convention tripartite 2012-2014.

S'agissant des partenaires de Pôle emploi, on constate que le partenariat renforcé avec les missions locales fonctionne plutôt bien, même s'il devrait faire l'objet d'un pilotage plus rigoureux en termes de flux et de financement de ces flux.

La récente mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l'accès à l'emploi des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville estime par ailleurs que ce partenariat renforcé reste encore trop inégalitaire et devrait permettre à l'avenir une réelle mise en commun des outils disponibles ainsi qu'un accès homogène aux offres d'emploi des deux réseaux.

Je me suis évidemment interrogé sur la mise en oeuvre du contrat d'autonomie, puisque c'est aujourd'hui le seul instrument de la politique de l'emploi qui soit dédié aux jeunes des quartiers. Il est évidemment trop tôt pour en faire un bilan complet et ceux qui voudraient le mettre à mal dès à présent, pour des raisons purement comptables, se trompent.

Les premiers éléments de bilan dont le Gouvernement a disposé l'ont néanmoins convaincu de prolonger le dispositif jusqu'en 2012. Un tel dispositif, certes coûteux, porte ses fruits, puisque le taux de sortie positive, que ce soit en emploi ou en formation qualifiante, est de 42 % pour des publics très éloignés à la fois de l'emploi et des structures traditionnelles d'insertion dans l'emploi – Pôle emploi ou missions locales – et très peu qualifiés. Si je reconnais qu'il peut y avoir débat sur la méthode utilisée et sur le coût, force est de constater que ces résultats sont aujourd'hui beaucoup plus probants qu'au début de l'expérimentation, qui a eu beaucoup de mal à démarrer et qui, dans certains départements, n'aurait pas démarré sans l'aide des missions locales. Quant à savoir s'il faudrait transférer les moyens du contrat d'autonomie sur un CIVIS renforcé, comme l'a proposé l'IGAS, il me semble préférable d'attendre l'évaluation complète du dispositif.

Je souhaiterais rappeler, de manière plus générale, qu'aujourd'hui, la situation de l'emploi dans les zones urbaines sensibles (ZUS) est catastrophique, notamment pour les jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans a en effet augmenté de manière continue depuis 2007, passant de 32,1 % au 31 décembre 2007 à 41 % au 31 décembre 2009 selon les données de l'Enquête emploi. Ce taux de chômage était 1,8 fois supérieur à la moyenne nationale en 2007 ; en 2009, le rapport est de 2,2. Les chiffres à paraître dans le prochain rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles devraient montrer une nouvelle aggravation.

Une prise de conscience est nécessaire pour que la problématique des zones urbaines sensibles pénètre chaque instrument de la politique de l'emploi – conventions avec Pôle emploi, objectifs de contrats aidés, alternance. Chaque outil, chaque partenariat doit comporter un volet « ZUS ».

Le dernier Comité interministériel des villes de février 2011 a produit à cet égard un certain nombre d'analyses et de propositions, dont les plus importantes sont reprises dans le rapport. Cela me semble fondamental.

Enfin, je voudrais conclure mon propos sur les services publics de l'emploi locaux (SPEL), qui ont été relancés au mois de février dernier par M. Xavier Bertrand. Celui-ci a souhaité mobiliser les sous-préfets pour qu'ils les animent et leur fixent des objectifs précis.

Il est difficile aujourd'hui de porter une appréciation définitive sur cette initiative. Certains la trouvent parfaitement inutile ; d'autres craignent qu'elle ne se traduise par un surcroît de complexité. Personnellement, je crois beaucoup à l'idée d'une reprise en main de la politique de l'emploi par ceux qui la font au quotidien sur le terrain. Pour avoir assisté la semaine dernière à une réunion d'un service public de l'emploi local, j'ai pu en mesurer l'utilité, au moins en tant qu'instance de dialogue et de coordination. Les plans d'action rédigés par ces services sont en train de remonter à la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle ; leur contenu – sans doute révélateur des situations rencontrées sur les territoires – et leurs orientations nous seront bientôt connus.

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