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Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 28 octobre 2011 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Article 54

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé :

Cela fait toujours plaisir ! Avant d'être ministre, j'ai été élu local et je le suis toujours. Certains de mes amis ont d'ailleurs été victimes de l'amiante dans des entreprises de ma commune, UNELEC par exemple. Je connais donc ce sujet plus qu'un ministre simplement concerné par ses dossiers.

Le décret ne remet pas en cause les droits des victimes de l'amiante. Publié le 8 octobre dernier, il est encore vivement contesté, et je voudrais donc en exposer les termes avec précision.

Que dit la loi sur la présidence du conseil d'administration du FIVA ? Qu'elle est assurée par un magistrat, sans préciser s'il s'agit d'un magistrat de l'ordre judiciaire ou administratif.

Que disait le décret d'application de cette loi avant le 8 octobre ? Que le président du FIVA était choisi parmi les présidents de chambre ou les conseillers à la Cour de cassation.

Que dit le nouveau décret ? Que ce président peut être également un président de tribunal administratif ou de cour administrative d'appel ou encore un magistrat de la Cour des comptes.

Pourquoi cette évolution ? Parce que, comme je l'ai dit lors des questions d'actualité, nous avons voulu nous laisser le choix et cette possibilité. Parce que le conseil d'administration du FIVA doit être avant tout un lieu où s'élaborent, entre les partenaires sociaux, les associations de victimes et l'État, dans un esprit constructif et d'écoute, les orientations qui détermineront le niveau d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Son président joue un rôle déterminant. Son indépendance vis-à-vis de l'État est nécessaire pour crédibiliser son action. En revanche, cette indépendance n'implique pas qu'il soit forcément un magistrat de l'ordre judiciaire.

Rien dans la loi ne l'empêche : les membres des tribunaux administratifs et de la Cour des comptes sont tous des magistrats. Mais dit-on pour autant que le premier président ou les magistrats de la Cour des comptes ne sont pas indépendants ? Il n'y a pas de hiérarchie dans l'indépendance. D'ailleurs, ils bénéficient des mêmes garanties d'indépendance et d'inamovibilité que les magistrats de l'ordre judiciaire.

Appeler à l'abrogation du décret au motif que ces personnes seraient aux ordres de l'État, ce n'est pas très sympathique ! C'est une façon de les mettre en cause, ce que je n'apprécie pas. Cela signifierait que tout un pan de l'organisation juridique de notre pays ne serait pas au même niveau que les autres. On n'accorderait pas le même prix à la souffrance des uns et des autres dans la sphère publique.

C'est pourquoi j'ai été heurté, non par les slogans – j'en ai l'habitude –, mais par certaines remarques.

J'ajoute que les exemples existent d'organismes chargés de l'indemnisation de dommages corporels, ou qui agissent dans le champ de la sécurité sanitaire, dont la présidence ne revient pas obligatoirement et systématiquement à des magistrats de l'ordre judiciaire.

Il en est ainsi du Fonds de garantie des actes de terrorisme. Le code des assurances prévoit que sa présidence est assurée parmi les membres en activité ou honoraires du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Je ne suis pas sûr que les associations de victimes qui siègent dans cet organisme aient jamais eu l'occasion de s'en plaindre.

D'autres organismes sont présidés par des personnes dont la loi ne précise pas non plus qu'elles doivent être des membres des juridictions judiciaires ou administratives. C'est le cas de l'Institut de veille sanitaire, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux.

Je citerai enfin le conseil de surveillance du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, actuellement présidé par une magistrate de la Cour des comptes. Voilà la réalité.

Encore une fois, avec ce décret, le Gouvernement s'est seulement donné la faculté de choisir le profil le plus adapté à la présidence du FIVA. Personne ne serait assez fou pour choisir un président qui, par son parcours ou son tempérament, n'aurait pas à coeur d'apporter les meilleures solutions aux victimes. On nous soupçonne de vouloir nommer un président favorable aux employeurs plutôt qu'aux victimes. Sur de tels sujets, personne n'a jamais joué ce jeu-là !

Pour remplir cette fonction durant les trois prochaines années, j'ai aussitôt voulu montrer notre volonté et notre bonne foi en la matière. C'est Claire Favre, présidente de la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui assurera la présidence du FIVA. Je ne crois pas que son autorité et sa légitimité puissent être mises en cause. Le décret nous ouvre un vaste champ de possibilités mais c'est d'abord le profil qui importe.

Elle sera suppléée, en tant que de besoin, par Xavier Prétot, conseiller en service extraordinaire à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Je pense qu'il est temps de clore ce dossier. Nous avons voulu faire la preuve qu'il était possible de se donner davantage de choix tout en restant fidèle aux orientations du FIVA.

J'ai pris le temps d'apporter ces précisions car il était bon d'être clair.

J'en viens à la cour d'appel de Douai. Je n'ai pas à commenter les décisions de justice, mais j'ai été surpris par la division par moitié des indemnités dont il était question.

La cour d'appel de Douai a rendu plusieurs arrêts relatifs aux modalités d'indemnisation des victimes de l'amiante par le FIVA. Ces arrêts ont été relayés par les médias, ce qui est normal dès lors qu'il est question d'amiante, d'indemnisation et de victimes.

Les arrêts concluent à la réduction des indemnités que cette même cour avait accordées aux victimes de l'amiante dans des précédents arrêts, que la Cour de cassation avait finalement cassés en novembre 2009.

Mon cabinet – Bruno Dupuis est présent ce soir – et les services du ministère viennent à peine de recevoir les premiers arrêts. Mais je voudrais vous donner mes premières réactions à chaud. Il faudra que l'on expertise davantage.

Qu'est-ce qui est en jeu dans ces arrêts ? S'agit-il d'une régression par rapport à un dispositif dont la loi prévoit qu'il doit assurer une réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de l'amiante ? La réponse est non.

D'abord, cela ne concerne pas les bénéficiaires du FIVA, mais – comme vous l'avez dit tout à l'heure – 300 personnes qui avaient fait un recours et qui avaient choisi de contester l'offre du FIVA.

Ensuite, c'est une décision souveraine du juge judiciaire. Je n'ai normalement pas à la commenter, mais je pense que cela vaut la peine de regarder exactement quelle est la situation.

Ces arrêts appliquent tout simplement les principes législatifs ou les décisions prises par le conseil d'administration du FIVA, dans lequel, je le rappelle, siègent bien les représentants des victimes et des salariés. La question sur laquelle la cour d'appel s'est prononcée est celle de l'articulation entre les prestations versées par la sécurité sociale au titre des maladies professionnelles et les indemnités versées par le FIVA.

Le FIVA assure l'indemnisation intégrale des victimes de l'amiante. Mais cette indemnisation intégrale doit tenir compte de ce que la victime de l'amiante perçoit par ailleurs, en particulier de la sécurité sociale. C'est la position de la cour d'appel. L'indemnisation intégrale – je sais que cela peut choquer, et mettre certaines personnes dans la difficulté – ne signifie pas que l'on doive indemniser deux fois. Je sais toutefois qu'il est difficile d'aller expliquer cela aux personnes concernées en leur disant : « Vous avez été marqués dans votre chair, et en plus il faut rembourser ». Je sais que c'est loin d'être simple.

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