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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 29 novembre 2011 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale revient donc devant nous pour la lecture définitive après que le Sénat a refusé de la discuter en nouvelle lecture. Nous devons donc nous prononcer sur le texte qui a été adopté par notre assemblée le 21 novembre.

Cette loi est très importante puisque elle propose la somme considérable de 475 milliards pour les régimes obligatoires de base et le Fonds de solidarité vieillesse, somme bien supérieure au budget de l'État.

Chacun de nos concitoyens est concerné, puisqu'il s'agit des dépenses prises en compte par la collectivité nationale concernant la santé, la famille et la retraite.

La loi a été modifiée en deuxième lecture. Nous sommes revenus pour l'essentiel au texte voté en première lecture, mais en intégrant les modifications proposées par le Gouvernement pour tenir compte de la réduction de la croissance prévue et des conséquences qu'il en tire plutôt que d'attendre une loi de financement rectificative.

Je voudrais tout d'abord rappeler qu'en première lecture, le groupe Nouveau Centre s'était abstenu unanimement, parce que nous discutions d'un projet de loi basé sur une espérance de croissance de 1,75 % alors que celle-ci avait été déjà revue à la baisse à 1 % et que les recettes étaient donc, hélas, trop optimistes.

Mais nous nous étions surtout abstenus parce que nous voulions que la loi de financement de la sécurité sociale soit votée en équilibre, ce que nous appelons la règle d'or sociale, et parce que nous demandions également que soient enfin mises en place, pour tenir compte de la création des agences régionales de santé, des enveloppes régionales – les ORDAM.

Or, force est de constater que le rapporteur et le Gouvernement n'ont pas bougé sur ces deux points. Il est tout à fait incompréhensible que le Gouvernement ne demande pas lui-même un vote à l'équilibre.

C'est le Gouvernement qui préconise par ailleurs la « règle d'or » pour qu'au moins les dépenses de fonctionnement soient financées par des recettes équivalentes. Tout le monde explique qu'il n'est pas acceptable de faire payer à nos enfants ou nos petits-enfants nos propres dépenses pour la santé, la famille et la retraite. Or, dans cette loi, 8,2 milliards d'euros de dépenses ne sont pas financés et aggraveront d'autant la dette.

Le Nouveau Centre vous propose une mesure simple : le transfert à la CADES de ces 8,2 milliards, moyennant une augmentation fort modeste – 0,05 % - de la CRDS, à laquelle sont assujettis tous les revenues, et qui passerait ainsi à 0,55 %. Cette augmentation, à peine visible sur la feuille de paye, sera la participation de nos concitoyens à l'effort demandé pour équilibrer les comptes, et serait bienvenue pour les agences de notation.

Elle ne pèserait pas sur le pouvoir d'achat, pas plus en tout cas que de faire passer la base de la CSG de 97 à 98 % du salaire, ce que personne n'a relevé. Je m'étonne que le Nouveau Centre soit le seul parti à demander un vote de la loi en équilibre ; c'est pourtant une demande de bon sens.

Mme la ministre des comptes sociaux m'a dit que j'avais raison, mais que c'était trop tôt. De mon point de vue et de celui du Nouveau Centre, il n'est pas trop tôt pour voter la loi de financement de la sécurité sociale en équilibre.

La deuxième demande que le Nouveau Centre formule avec insistance, c'est le vote d'enveloppes régionales, ou ORDAM. En effet, la création des ARS devait remédier à un défaut majeur de notre système de santé : la séparation absurde entre la prévention et le soin, la ville et l'hôpital, le sanitaire et le médico-social. Avec les ARS, nous avons un responsable unique de la santé au niveau régional. Le Nouveau Centre s'en félicite, même si nous regrettons que ce soit par une réforme jacobine, centralisatrice, déresponsabilisante.

Mais, dans le même temps, nous votons un ONDAM avec des sous-objectifs, c'est-à-dire des enveloppes fléchées pour la ville, l'hôpital, le médicament et le médico-social, faisant ainsi perdurer le défaut majeur que nous avons voulu supprimer grâce à la création des ARS.

Beaucoup aujourd'hui réclament une fongibilité des enveloppes : les ARS elles-mêmes, bien sûr, mais aussi le comité Fourcade de suivi de la loi HPST, dont notre rapporteur Jean-Pierre Door est un membre éminent.

Là encore, Mme la ministre pense que nous avons raison mais qu'il est trop tôt. C'est toujours agréable de s'entendre dire que l'on a raison, mais pourquoi attendre ?

Nos opposants font valoir que la mise en oeuvre serait compliquée.

Le Nouveau Centre fait donc deux propositions. La première, qui a le soutien du président Méhaignerie, est d'expérimenter notre proposition dans deux ou trois régions. La seconde est d'affecter à chaque région l'enveloppe qu'elle a reçue en 2011, majorée de 2,5 %. Quoi de plus simple ?

On me dira que, cette année, va être créé le fonds d'intervention régional. C'est un petit pas, bienvenu certes, vers la fongibilité. Mais que de timidité ! Les ARS auront-elles toute latitude pour utiliser ce fonds, ou seront-elles « cornaquées », comme d'habitude, par le ou les ministères ?

Le Gouvernement a profité de la nouvelle lecture pour réviser les perspectives de croissance, donc les recettes, et nous présenter des mesures correctives pour en tenir compte. Les prévisions de croissance sont ainsi ramenées de 1,75 % à 1 %.

Certains, plus pessimistes encore, pensent que ce chiffre sera difficilement atteint. Nous espérons tous qu'il pourra être réalisé, notamment pour l'emploi.

Mais cette baisse, si nous ne souhaitons pas que le déficit augmente, conduit à proposer des diminutions de dépenses pour les branches maladie, famille et vieillesse.

Pour la branche maladie, l'ONDAM est ramené de 2,8 à 2,5 %. Ces deux dernières années, l'ONDAM a été respecté, moyennant une maîtrise médicalisée qui a imposé des économies à plusieurs secteurs, comme le médicament, et à plusieurs professions, notamment les radiologues et les biologistes.

Avec la prévision initiale de 2,8 %, l'ONDAM s'élevait à 171,7 milliards en 2012. L'évolution tendancielle, compte tenu du vieillissement, des améliorations technologiques, de la nécessité d'investir, est estimée à 4 %. Pour tenir un ONDAM de 2,8 %, il était donc nécessaire de faire des économies de l'ordre de 2 milliards.

Pour tenir un ONDAM à 2,5 %, il faudra faire 500 millions d'économies supplémentaires. En outre, compte tenu de l'ONDAM médico-social, l'ONDAM de la médecine de ville et des établissements est en réalité à 2,4 % voire à 2,3 %. Si l'on met de nouveau en réserve 500 millions en début d'année, beaucoup d'établissements publics et privés risquent de connaître de grandes difficultés, car les dépenses de personnel constituent jusqu'à 75 % des dépenses. De plus, les nombreux établissements qui ont investi ont des emprunts à rembourser. Cette année sera donc difficile, et les suivantes tout autant, puisque vous révisez à la baisse l'ONDAM des prochaines années.

Quant à l'ONDAM ville, sera-t-il au même niveau que l'ONDAM hospitalier, comme vous vous y étiez engagés, ou sera-t-il à 2,1 %, comme les syndicats médicaux le laissent entendre avec courroux ?

Vous demandez un nouvel effort aux radiologues et aux biologistes. Vous savez que de nombreux petits laboratoires qui participent au maillage du territoire connaissent déjà de grandes difficultés. Comment leur permettre de survivre alors qu'ils devront faire face à l'accréditation prévue par l'ordonnance dite Ballereau ? D'ailleurs, ce texte concernant la biologie sera-t-il repris prochainement, après son annulation par le Conseil constitutionnel ?

Vous mettez à nouveau à contribution l'industrie pharmaceutique par des baisses de prix. La contribution globale de ce secteur sera, en 2012, de l'ordre d'un milliard.

Si, dans le domaine du médicament, il convient de rendre confiance à nos concitoyens, il est nécessaire aussi de rendre confiance à l'industrie en assurant une stabilité durable.

Nous avons besoin d'une industrie performante pour créer des emplois, certes, mais surtout pour trouver les médicaments dont nous avons et aurons besoin, notamment contre le cancer, les maladies orphelines, les maladies tropicales. Notre pays a longtemps été à la pointe dans ce domaine. Le restera-t-il ? C'est souhaitable.

Vous prévoyez de baisser le prix des génériques, qui sont plus chers que chez nos voisins. Mais, comme vous le savez, de nombreuses officines rencontrent des difficultés et leur revenu dépend grandement de la marge, liée aux prix, des génériques. Baisser ces prix accroîtra leurs difficultés et plus encore celles des petites officines rurales.

Dans le domaine de la santé, des efforts sont donc demandés, et ils touchent tous les secteurs.

Nous pouvons encore gagner en efficience, mais cela nécessite de revoir la formation initiale et continue, de mettre en oeuvre les bonnes pratiques diagnostiques et thérapeutiques et d'évaluer.

L'important est de permettre l'égal accès de tous à des soins de qualité, à tarif remboursable, partout sur le territoire. Cela nécessite de résoudre les problèmes de démographie et de répartition sur le territoire et des dépassements d'honoraires.

Vous nous proposez un ersatz – des syndicats ont repris le terme – de secteur optionnel. Ce n'est pas la panacée. Il ne résout ni les difficultés des spécialités cliniques, ni celles du secteur 1, ni celles des gros dépassements. L'idéal serait de mettre en place une classification commune des actes médicaux, ou CCAM clinique, et de la réévaluer régulièrement, de même que la CCAM technique.

Pour les indemnités journalières, vous avez renoncé, semble-t-il, au quatrième jour de carence pour les salariés du privé, mais vous instaurez un premier jour de carence pour les fonctionnaires. Certes, pour ces derniers, il s'agit d'une première, mais nous sommes loin de l'équité ; un même délai ne devrait-il pas être appliqué à tous ?

Pour la retraite, vous proposez d'avancer d'un an les mesures prévues par la dernière réforme. L'effort demandé à chacun est modeste et l'économie non négligeable. Cependant, je voudrais rappeler que l'équilibre prévu en 2018 table sur une croissance à 2,75 %, ce que personne, hélas, ne croit possible. L'équilibre sera donc difficile à atteindre.

Le Nouveau Centre souhaite la mise en place d'un régime universel, géré par les partenaires sociaux, à points ou à compte notionnels, avec mise en extinction des régimes spéciaux.

Pour la branche famille, après avoir décidé de retarder au 1er avril la revalorisation des allocations, vous nous proposez de les indexer sur la croissance et non plus sur l'inflation. Cette mesure procurera des économies mais diminuera le pouvoir d'achat des familles.

Pour le Nouveau Centre, il est important, dans ce contexte de crise, de ne pas faire peser sur les ménages le poids des mesures de rigueur budgétaires. Plus que jamais, il est essentiel de protéger la politique familiale et de participer à la relance de la croissance par la consommation des ménages.

Le Nouveau Centre soutient le plan de rigueur, mais propose que la perte de 300 millions d'euros de recettes, qu'impliquerait le maintien de la revalorisation des allocations familiales, soit compensée par une réduction de 0,05 % des prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales.

Cette mesure permettrait de répondre aux objectifs et ferait participer les collectivités territoriales à l'effort de redressement de nos finances publiques.

Pour conclure, le groupe Nouveau Centre, conscient des difficultés économiques, soutient l'effort demandé à chacun.

Cependant, nous avons plusieurs propositions innovantes qui, à notre sens, mériteraient d'être étudiées avec sérieux et prises en compte, concernant notamment : le vote en équilibre de la loi de financement de la sécurité sociale, la règle d'or sociale ; la création d'objectifs régionaux de l'assurance maladie ; les dépassements d'honoraires ; la réforme des retraites, avec mise en place d'un régime universel ; l'effort des collectivités territoriales pour préserver la politique familiale.

Comme en première et deuxième lecture, les propositions du Nouveau Centre n'ayant pas été prises en compte, notre groupe s'abstiendra lors du vote final sur ce texte.

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