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Intervention de Catherine Vidal

Réunion du 8 novembre 2011 à 16h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Catherine Vidal, neurobiologiste, directrice de recherche à l'Institut Pasteur :

La neuro-éthique est une nouvelle discipline dont le but est de veiller à ce que les neurosciences ne soient pas instrumentalisées à des fins autres que scientifiques. Vous avez certainement entendu parler du neuro-marketing, de la neuro-économie, de la neuro-informatique et maintenant de la neuro-justice… Cette « neurophilie » généralisée nous vient des États-Unis. La tendance est de vouloir expliquer le comportement des individus par leur cerveau, indépendamment du contexte social et culturel. Ainsi aux États-Unis, pour expliquer pourquoi on vote Républicain ou Démocrate , on fait passer des IRM à des électeurs pour examiner l'activation du cerveau lorsqu'on leur présente l'image de leur candidat.

Vous avez certainement entendu dire : « Si Lehman Brothers avait été Lehman Sisters, la banque n'aurait peut-être pas fait faillite ». Même Christine Lagarde, ministre de l'économie avait déclaré « La libido et la testostérone actionnent souvent les opérateurs de salle de marché» (Le Monde, 13 octobre 2010).

J'ai voulu comprendre pourquoi la testostérone était à l'honneur dans les discours économiques des politiques. Cela vient d'une expérience, publiée en 2008 dans une revue américaine de renom, réalisée chez des traders de la City of London. Les chercheurs ont mesuré le taux de testostérone de 17 sujets, le matin et après une journée de travail, en tenant compte de leurs performances, des risques financiers qu'ils avaient pris et de leurs gains en bourse. Ils ont noté une corrélation et en ont conclu qu'« un taux élevé de testostérone peut augmenter la prise de risque et perturber les capacités d'anticipation des marchés, cet effet étant susceptible de dévier les marchés financiers vers des choix irrationnels ».

Portons un regard critique sur cette expérience : tout d'abord, nous n'avons pas de preuve directe de l'action de la testostérone sur le cerveau des traders car cette dernière a été mesurée dans la salive - où elle n'est présente qu'à l'état de débris - ce qui ne permet pas de préjuger de sa concentration dans le cerveau ; par ailleurs, une corrélation n'est pas une relation de cause à effet ; enfin, l'étude portait sur 17 sujets, ce qui est peu représentatif de la population des traders. On ne peut donc pas conclure que l'effet de la testostérone sur le comportement économique est une réalité scientifique, néanmoins cet article a été repris par les médias du monde entier et ses auteurs continuent de publier des articles sur ce sujet.

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