Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Philippe Folliot

Réunion du 9 avril 2008 à 15h00
Opérations spatiales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que, dans de nombreux domaines, notre droit est réputé foisonnant, voire prolixe, la France n'avait pas cru, jusqu'à ce jour, devoir se doter d'un cadre juridique propre aux opérations spatiales.

Jusqu'à présent, l'espace était une affaire de famille, où l'ensemble des opérations se trouvaient placées sous le contrôle de l'État, soit directement, soit par l'intermédiaire d'entités telles que le CNES ou Arianespace, qui en étaient des émanations directes. La conduite de ces opérations reposait principalement sur des instructions gouvernementales, qui ne nécessitaient aucun cadre juridique particulier pour être appliquées.

Aujourd'hui, des exigences nouvelles se sont fait jour en matière de sécurité juridique. En outre, grâce au Centre spatial de Kourou, en Guyane, notre pays dispose d'un atout hors du commun et de la seule base spatiale européenne. Nous avons donc tout intérêt à fixer dans notre législation nationale les droits et obligations de chacun. C'est pourquoi ce texte est bienvenu.

Cette absence de législation nationale fait par ailleurs figure d'exception, ce qui est d'autant plus étonnant que nous disposons, grâce à Ariane, du site de lancement le plus important du monde. Nombre de nos partenaires européens, comme la Grande-Bretagne, la Belgique, la Suède ou l'Allemagne, se sont déjà dotés d'une loi spécifique. C'est d'ailleurs paradoxal : alors que la France est l'une des premières puissances spatiales et qu'elle accueille des groupes de taille internationale, qui figurent parmi les acteurs incontournables du secteur à l'échelle mondiale, les opérations spatiales y ont été conduites sans cadre juridique adapté à ce champ d'activités pourtant très particulier. Ce vide juridique, mis en évidence en 2006 par le Conseil d'État dans son étude Pour une politique juridique des activités spatiales, est d'autant plus préjudiciable que la France est, de par ses engagements internationaux, financièrement responsable des dommages causés par des objets spatiaux lancés depuis son territoire, ou de l'étranger par des opérateurs français.

Par ailleurs, le champ des activités spatiales s'est profondément diversifié et enrichi au fil des années, faisant de l'élaboration d'un cadre juridique une nécessité absolue. La révolution numérique, les progrès techniques réalisés dans des domaines tels que la télévision, les télécommunications ou la navigation par satellite, ont développé une demande nouvelle, créant des marchés nouveaux dont la conquête est soumise à la maîtrise des outils spatiaux. Dans ce contexte d'exploitation commerciale, l'État n'a plus autant de prise sur le secteur qu'auparavant. Les activités spatiales se diversifient et la concurrence s'intensifie, non seulement entre États, mais aussi entre les États et les opérateurs privés. Or qui dit privatisation et concurrence dit volonté de diminuer les coûts et tentation de privilégier la rentabilité sur la sécurité. Les risques augmentent et dépendent de l'usage que les opérateurs privés feront des engins spatiaux.

Il est donc temps que la France possède sa propre législation, qui soit digne de son rang de puissance spatiale mondiale. À partir du premier semestre 2009, le Centre spatial guyanais devrait voir décoller des fusées russes de type Soyouz et italiennes de type Vega. Il est essentiel, pour des raisons pratiques mais aussi afin d'envoyer un signal fort, que la France ait adopté sa loi spatiale auparavant.

Le présent texte dispose tout d'abord que l'ensemble des opérations spatiales seront désormais soumises à autorisation, ce qui permettra de certifier que les demandeurs présentent toutes les garanties morales, financières et professionnelles qu'exigent ces activités. Le groupe Nouveau Centre est tout à fait favorable à cette mesure qui va dans le bon sens.

Le projet de loi clarifie ensuite le partage des responsabilités. Il reviendra à l'État de s'assurer que les opérations spatiales se déroulent dans des conditions de sécurité maximales et, le cas échéant – Mme la ministre l'a souligné tout à l'heure –, de se porter garant des dommages exceptionnels. Quant aux opérateurs, ils devront respecter toutes les normes techniques et de sécurité nationale, et souscrire une assurance pour couvrir les dommages susceptibles d'être causés aux tiers dans le cadre de leurs opérations spatiales.

Le texte définit en outre les personnes habilitées à procéder aux contrôles administratifs, les moyens dont elles bénéficient, ainsi que les sanctions qu'elles peuvent prendre dans l'exercice de leurs fonctions. En contrepartie, ces pouvoirs sont encadrés afin de garantir les droits des opérateurs contrôlés.

Il s'agit en définitive d'un texte équilibré et cohérent, qui semble à même de garantir aux opérateurs la sécurité juridique, indispensable au développement durable d'une activité économique aussi singulière.

Mais si son adoption est un préalable indispensable, il ne faut pas s'en tenir à cette première étape. Le groupe Nouveau Centre souhaite profiter de l'occasion pour rappeler que toute réflexion sur la politique spatiale française ne peut être dissociée d'une réflexion au niveau européen.

Compte tenu de ses implications sécuritaires, économiques et environnementales, la pérennité du secteur spatial européen est un défi politique majeur. La France, qui a toujours fait figure de précurseur en matière de technologie spatiale en Europe, devrait être, auprès de ses partenaires, une force de proposition et d'action en vue de l'élaboration d'un droit européen des activités spatiales. Un tel cadre juridique commun devrait prévoir des mesures d'harmonisation en matière de propriété intellectuelle, d'obligations d'assurance et de garanties incombant aux opérateurs spatiaux, ainsi que des normes applicables aux objets spatiaux. Cela permettrait en outre, au plan national, d'éviter toute pression ou chantage à la délocalisation des entreprises du secteur spatial au sein de l'Union européenne.

L'activité spatiale tient – et continuera à tenir – une place importante dans l'économie de notre pays, et plus particulièrement dans celle de Toulouse, capitale des industries spatiales nationales – et même européennes –, et préfecture de cette région Midi-Pyrénées si chère à mon coeur, dont je suis l'un des élus au Parlement. Nous ne pouvons, dès lors, nous satisfaire d'une position d'attente. L'enjeu est de taille. À la veille de la présidence française de l'Union européenne, nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que les autorités françaises jouent un rôle moteur dans l'élaboration d'un futur droit européen des activités spatiales. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion