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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 19 décembre 2011 à 21h30
Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Ne devrait-il pas le déclarer ?

Enfin, nous savons tous que les liens d'intérêt ne sont pas uniquement financiers. Ils peuvent être amicaux, d'école de pensée et de nombreux autres ordres encore.

Certains souhaitent la création d'un corps d'expert interne à l'Agence. L'idée est intéressante, mais ces experts ne peuvent être omniscients. Par conséquent, il demeure essentiel de faire appel à des experts externes, compétents, consciencieux et indépendants.

L'application du texte va cependant être difficile. Il y a quelques jours, je crois que quarante experts du groupe de travail sur les antibiotiques ont démissionné, le professeur Maraninchi ayant refusé de publier ses recommandations. Il semble que, de son côté, l'agence américaine prévoie d'alléger la réglementation, ayant de grandes difficultés à trouver des experts compétents sans liens d'intérêts. De plus, la nomination des préfigurateurs, avec notamment une erreur emblématique, remise en cause par le ministre en séance, risque de fragiliser l'autorité du directeur de l'Agence. Nous le constatons : l'application de ce texte ne sera pas simple.

Dans notre système de santé, nous avons actuellement trop de structures, trop d'agences. Selon moi, le projet de loi aurait dû prévoir la fusion de la commission AMM avec la commission de la transparence dépendant de la Haute Autorité de santé. En effet, étudier le bénéfice-risque ne peut se faire sans prendre en compte le service médical rendu, et vice versa. La HAS aurait donc pu chapeauter l'ensemble.

Les études ne devraient plus se faire contre placebo, ce qui n'a plus de sens, mais versus le médicament le plus efficace pour l'indication. De même, les études post-AMM devraient être systématiques. Le projet de loi avance dans ce sens, mais sans doute insuffisamment.

Réformer la pharmacovigilance est bien sûr essentiel. C'est la clé de la sécurité sanitaire du médicament. Elle doit être revue au niveau de la déclaration, de l'étude et des conséquences. La déclaration de l'effet néfaste ou inattendu doit pouvoir être effectuée par toute personne en ayant connaissance. Cette déclaration doit être simplifiée. Beaucoup de professionnels ne font pas de signalement parce que les démarches et les formulaires sont encore trop complexes.

Ce signalement doit être effectué auprès de l'industriel, directement et par l'intermédiaire des visiteurs médicaux, et auprès de l'administration, notamment des conseils régionaux de pharmacovigilance, dont les moyens humains et financiers doivent être renforcés – vous vous êtes d'ailleurs prononcé en ce sens, monsieur le ministre –, ainsi que l'a clairement démontré la mission parlementaire sur le Mediator.

Encore faut-il que le médicament soit prescrit à bon escient. Et c'est tout le problème de la formation initiale et continue des professionnels. La formation initiale des médecins doit être revue, en renforçant notamment la formation en pharmacologie et à la thérapeutique, qui est aujourd'hui très insuffisante. Quant à la formation continue, devenue le DPC, elle doit être obligatoire, évaluée, indépendante et financée.

La visite médicale joue aujourd'hui un rôle important. Les visiteurs sont des professionnels, rémunérés, en partie au pourcentage, par le laboratoire, qui sont chargés de vanter les produits de ce dernier. Quoi de plus naturel pour un laboratoire que d'essayer de vendre son produit, surtout lorsqu'il est persuadé qu'il est bon ? La charte de la visite tente de régler le problème éthique que peut poser cette pratique ; il reste à contrôler son application. L'organisation d'une visite collective à l'hôpital est une idée intéressante, monsieur le ministre. Du reste, ce type de visite existe déjà. Toutefois, sa généralisation sera délicate et me laisse dubitatif. Qu'en sera-t-il, en effet, dans les petits hôpitaux, pour les spécialités au nombre de professionnels limités : ORL, ophtalmologie, stomatologie ? Certes, j'ai compris qu'une visite collective pouvait ne concerner que deux médecins. Mais ne pourrait-on prévoir que ces réunions d'information se déroulent devant la commission médicament de la CME, charge à son président d'informer les praticiens de l'hôpital ? Enfin, si la prescription doit être aidée par des logiciels de prescription en DCI, ceux-ci doivent être validés et certifiés par la HAS.

Tout à l'heure, un débat a porté sur le nouveau GIP, qui serait, selon Mme Lemorton, un doublon du GIP de l'Institut des données de santé. Le fait est qu'actuellement, les données de santé sont insuffisamment transmises : M. Babusiaux rame, depuis plusieurs années, pour essayer d'obtenir qu'elles le soient véritablement. Je rappelle que, pour ma part, j'avais souhaité, en 2004, la création d'un « INSEE de la santé » régionalisé, chargé de recueillir l'ensemble de ces données, de les retraiter et de les transmettre à tous ceux qui le souhaiteraient. J'espère que nous y viendrons un jour, car cela me paraît nécessaire.

Il convient de restaurer la confiance de nos concitoyens dans le médicament. Il était donc nécessaire de revoir toute la chaîne du médicament, en évitant les conflits d'intérêt, en prenant en compte le rapport bénéfice-risque et en renforçant la pharmacovigilance. Ce projet de loi équilibré devrait renforcer la sécurité sanitaire du médicament. C'est pourquoi, le groupe Nouveau Centre le votera, comme il l'a fait en nouvelle lecture, tout en rappelant qu'il ne résout pas tout, que son application sera sans doute délicate et qu'il faudra peut-être le revoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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