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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 16 décembre 2008 à 9h30
Création d'une première année commune aux études de santé — Discussion d'une proposition de loi

Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Madame la présidente, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames et messieurs les députés, c'est avec un grand plaisir que je reviens devant vous quelques semaines après avoir présenté le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche – budget en exceptionnelle augmentation, compte tenu du contexte économique, budget courageux mais surtout budget ambitieux pour notre système de recherche, pour nos enseignants et avant tout pour nos étudiants. Ce sont nos étudiants, en effet, qui sont les forces vives de la nation. Ce sont eux qui, grâce à leurs compétences, feront demain la richesse de notre pays et qui permettront de contrecarrer les effets de la crise. Améliorer leurs conditions de vie est une priorité que nous partageons. C'est pour cela que nous sommes à nouveau réunis aujourd'hui.

Monsieur Domergue, permettez-moi de vous remercier de l'initiative que vous avez prise et du travail que vous avez effectué avec vos collègues députés et sénateurs pour élaborer cette proposition de loi visant à poser le socle juridique de la réforme très attendue de la première année des études de santé. Je l'ai dit, et je le répète : c'est d'abord l'avenir des étudiants, leur bien-être, leur épanouissement, qui est le fil rouge de votre réflexion et de notre action.

Vous l'avez souligné dans votre rapport : nos étudiants vivent aujourd'hui un véritable enfer, tout comme les professeurs, qui enseignent dans des amphithéâtres surchargés, et comme les parents dont les enfants s'investissent dans des études pour se retrouver, le plus souvent, sans résultats et sans perspectives. Cette situation n'est plus acceptable, elle n'est plus durable. À l'évidence, il est de notre devoir d'améliorer les conditions d'études, d'atténuer la pression psychologique et d'augmenter le taux de réussite en première année d'études médicales. Tel est l'objet de cette proposition de loi. Tels sont les objectifs auxquels nous devons consacrer notre énergie.

Regardons la réalité en face : alors que nous agissons pour rendre nos universités autonomes et modernes, alors que nous nous battons pour réduire l'échec en première année, grâce au plan « Réussir en licence », nous laissons, chaque année, 57 000 étudiants s'engouffrer en première année d'études de médecine et de pharmacie, où ils échouent pour la très grande majorité d'entre eux.

Avec 20 % de réussite en PCEM 1 et 27,6 % à l'issue de la première année de pharmacie, ces concours sont extrêmement sélectifs. Ce gage d'excellence est malheureusement synonyme, pour quatre élèves sur cinq, de vocations brisées, de sacrifices et d'efforts consentis pour rien, qui ne déboucheront, au mieux, que sur une nouvelle année de travail et un nouveau concours. Un bon étudiant peut, en effet, à l'aube de sa vie et de son orientation professionnelle, perdre deux ans en première année d'études de médecine, puis deux années supplémentaires en première année de pharmacie – ou l'inverse. Quatre années d'études supérieures ne l'auront finalement mené qu'à un échec, sans qu'il puisse bénéficier d'aucune équivalence, ni emprunter aucune voie de réorientation.

Bien entendu, il ne s'agit pas de remettre en cause la sélection, qui est la même dans toutes les filières de ce niveau d'exigence. Le numerus clausus est le gage de l'égalité républicaine et de la qualité de notre système de santé. Il garantit le recrutement des meilleurs et de ceux qui auront fait le plus d'efforts. L'excellence médicale française trouve sa source dans cette sélection. Celle-ci est juste et s'opère à armes égales, puisqu'elle distingue les meilleurs étudiants, sans exclure personne par principe.

Si nous ne pouvons rien contre la pression qui naît de la perspective du concours, nous avons, en revanche, les moyens d'atténuer considérablement le climat d'angoisse et de tension qui règne dans les facultés de médecine et de pharmacie, et il est grand temps que nous le fassions. Certains objecteront sans doute que cette tension permanente est saine, qu'elle fait partie des règles du jeu qui ont formé avec succès des générations de médecins, de dentistes, de sages-femmes et de pharmaciens. Mais si cette première année d'angoisse et de stress est très rapidement oubliée par les étudiants qui réussissent, il n'en va pas de même pour l'immense majorité des recalés du concours, qui en gardent le plus souvent un souvenir amer – quand ils ne perdent pas durablement confiance en eux. Nous souhaitons tous mettre fin à cette dérive, et cette réforme permet de le faire.

En conséquence, cette première année d'études ne doit plus être seulement conçue pour nos futurs médecins, dentistes, sages-femmes et pharmaciens ; elle doit aussi l'être pour tous ceux qui ne pourront pas le devenir. Nous devons ouvrir des perspectives à ces derniers pour que l'échec en première année ne soit plus synonyme d'impasse. Il faut réduire cet effet de couperet : la proposition de loi de Jacques Domergue vous y invite.

Il n'existe pas d'autres exemples d'une alternative aussi radicale que celle imposée aujourd'hui aux étudiants de première année de médecine et de pharmacie. Les étudiants des classes préparatoires scientifiques et économiques qui échouent à Polytechnique ou à HEC peuvent entrer dans d'autres écoles. Dans tous les cas, ceux qui, au terme de deux ans de classes préparatoires, échouent aux concours se voient reconnaître les crédits équivalents à quatre semestres de licence. Des garanties du même ordre doivent donc être offertes aux étudiants de PCEM 1 et de première année de pharmacie.

J'ai lancé, il y a un an déjà, toute une série de travaux sur ce sujet. En octobre 2007, le professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, a ainsi été chargé d'une mission de réflexion et de proposition visant à moderniser la première année d'études médicales. Après quatre mois d'auditions et de réflexion au sein d'une commission composée des représentants des doyens, des présidents des commissions pédagogiques nationales des études des quatre disciplines concernées, de professeurs de lettres et de sciences, il m'a remis dix recommandations. Elles ont, évidemment, fait l'objet de concertations avec tous les partenaires sociaux, à l'issue desquelles nous avons rédigé ensemble les grands principes de la réforme de la première année des études de santé.

Les doyens et les présidents d'universités ont été informés de ces travaux. D'ores et déjà, ils ont été encouragés à prendre les mesures qui ne relevaient pas de la loi. Ils attendent aujourd'hui, avec impatience, la décision du législateur, qui leur permettra de mettre la réforme en oeuvre dans de bonnes conditions, dès la rentrée 2009.

Quels sont les principes de cette réforme ?

Il s'agit, tout d'abord, de réduire le taux d'échec en première année des études de santé. Alors que nous agissons, avec le plan « Réussite en licence », pour réduire de moitié le taux d'échec en première année de licence, il est encore de 80 % en PCEM 1 et de 72,4 % en première année de pharmacie. Ni ce gâchis humain ni l'orientation par défaut qu'implique le concours unique en première année de médecine ne sont plus acceptables ! Vous le savez mieux que moi, monsieur Domergue, le médecin n'exerce pas le même métier que la sage-femme ou le dentiste. Ces trois professions recouvrent des réalités bien différentes, à tel point qu'il semble difficile de demander aux étudiants d'avoir des vocations interchangeables.

Actuellement, le classement en fin de PCEM 1 assure aux étudiants les mieux placés la possibilité de choisir leur filière et contraint les autres à prendre ce qui reste. Ce système est nuisible à deux égards : il brise des vocations et il hiérarchise de futurs professionnels de santé qui seront amenés à travailler ensemble et en coordination. Avec une première année associant les pharmaciens, les conditions favorables au partage d'une culture commune entre tous nos professionnels de santé sont réalisées. Cette démarche est particulièrement cohérente alors que ma collègue Roselyne Bachelot propose, dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », la création d'agences régionales de santé qui auront vocation à mettre en relation tous les professionnels de santé, au niveau local, L'ouverture d'esprit et les connaissances qu'en retirera chacun des praticiens seront, j'en suis certaine, une garantie supplémentaire d'un meilleur suivi des patients.

Ensuite, vous l'aurez compris, nous partageons une même préoccupation : former des professionnels de santé compétents, certes, mais aussi épanouis. Tel est bien le but de la nouvelle première année et de la création de quatre concours distincts : les étudiants pourront choisir de se présenter à un ou plusieurs concours selon leur désir, et pourront aussi bénéficier d'un « droit au remords ». En effet, il se peut que certains élèves ayant réussi plusieurs concours fassent un choix qu'ils regrettent ensuite. Il leur sera désormais possible de revenir sur ce choix et de rejoindre une des autres filières dont ils auraient réussi le concours. Cette première année commune permettra d'augmenter le taux de succès aux concours et de guider les étudiants vers la réussite.

Comment obtenir ce résultat si l'on n'augmente pas le numerus clausus, me demanderez-vous ? Nous y arriverons en offrant à chacun un parcours adapté à son choix et à ses résultats. La conséquence en sera une diminution importante des redoublements. Le redoublement ne sera plus la règle, mais sera réservé à ceux qui pourront vraiment en tirer profit. Ceux dont les résultats ne seront pas suffisants pourront, dès le premier semestre, bénéficier d'une réorientation vers les filières de leur choix. Les guider vers la réussite consiste, avant tout, à mieux les orienter. Cette garantie est offerte par le plan « Réussite en licence », grâce à un meilleur suivi des étudiants et à un tutorat renforcé. Ils pourront revenir, s'ils le souhaitent, après avoir validé deux ou trois années de licence. Ces passerelles sont cruciales et doivent être consolidées.

Cette première année de licence santé ne sera plus uniquement conçue dans la perspective des concours : elle sera aussi pensée pour la formation, au sens large, des étudiants. Ainsi, j'ai souhaité que soient retravaillées son organisation et sa maquette pédagogique. Une commission composée des experts représentant les quatre disciplines s'est réunie pendant quatre mois pour bâtir une sorte de feuille de route que j'enverrai, dans les prochaines semaines, à tous les présidents d'université et à tous les directeurs d'UFR médicales. Cette première année sera ouverte sur les sciences humaines et les langues, et l'enseignement des connaissances scientifiques fondamentales sera renforcé afin de favoriser les échanges entre les différentes filières proposées par l'université. En offrant de nouvelles perspectives aux étudiants en situation d'échec, nous voulons dédramatiser les enjeux de la première année.

Enfin, notre dernier objectif s'inscrit dans la même philosophie : il faut que chaque étudiant puisse trouver sa voie. Les nouvelles passerelles que nous propose de créer Jacques Domergue permettent ainsi de donner leur chance aux étudiants qui manifestent une vocation tardive : ils devront avoir les moyens de réaliser leur rêve. Leurs dossiers seront examinés par une commission, et des entretiens de motivation avec les doyens et les professeurs permettront à ces derniers de s'assurer qu'un étudiant venu d'une filière littéraire, par exemple, sera bien en mesure de suivre l'un des cursus de santé. Pourquoi un littéraire ne pourrait-il pas devenir médecin ? En multipliant les passerelles d'entrée – qui resteront, bien sûr, en nombre restreint –, nous souhaitons diversifier les profils de nos futurs professionnels de santé. Demain, un étudiant titulaire d'un master de droit, de lettres ou de sciences sociales, mais aussi, pourquoi pas, un diplômé de Sciences Po ou d'une grande école de commerce, pourra tenter sa chance. Il est important que ces exceptions soient prévues dans notre code de l'éducation. Sous quel prétexte refuserions-nous à ces étudiants le droit de concourir ?

Pour conclure, je salue la petite révolution que nous propose Jacques Domergue en associant les pharmaciens à cette année commune. Elle est pour moi plus que cohérente : elle est essentielle, et elle est un symbole. Je me réjouis très sincèrement de voir travailler ensemble tous les acteurs de la chaîne de santé de notre pays. Cette année de formation commune sera justement équilibrée entre enseignements fondamentaux et enseignements spécialisés. Elle permettra aux étudiants de première année de pharmacie d'acquérir une culture qu'ils partageront avec ceux de trois autres professions, alors que les cursus étaient séparés jusqu'à présent. Avant tout, ils pourront ainsi améliorer leurs chances de réussite.

Mesdames, messieurs les députés, vous aurez compris à quel point cette réforme portée par Jacques Domergue me tient à coeuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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