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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 16 décembre 2008 à 9h30
Création d'une première année commune aux études de santé — Discussion générale

Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Monsieur Door, vous m'avez interrogée sur les limitations aux redoublements. Tout l'objet de cette réforme est de guider les étudiants vers leur réussite. C'est pourquoi je pense – et des études statistiques le montrent – qu'il est inutile de laisser des étudiants qui n'ont visiblement pas le niveau ou la maturité pour réussir à dix-sept ou dix-huit ans un des concours du cursus santé perdre une année entière, voire deux ans dans le pire des cas, pour aboutir à un échec ! Les études statistiques montrent en effet que, en dessous de 5 sur 20 aux examens du premier semestre, on a 0 % de chances de réussir sa première année, même en la redoublant.

Le dispositif – mis en place à titre expérimental pendant deux ans – sera simple. Les étudiants classés au-delà d'un certain multiple du numerus clausus seront invités à se réorienter vers la filière de leur choix, en fin de première année mais aussi dès la fin du premier semestre. C'est une des innovations majeures de la proposition de loi qui vous est soumise. Si l'étudiant choisit de se réorienter vers un cursus scientifique, il pourra, après avoir validé deux années de licence, se présenter à nouveau aux concours qu'il désire.

Pour ce qui concerne les « reçus-collés », c'est-à-dire ceux qui ont obtenu la moyenne à leurs examens de première année mais n'entrent pas dans le numerus clausus, ils se verront enfin reconnaître ce qui leur revient, à savoir la totalité des crédits ECTS correspondant à une année de licence, ce qui leur permettra de se réorienter dans le système universitaire vers la filière de leur choix.

Les passerelles avec les filières paramédicales seront encouragées. Les passerelles entrantes prévues à l'article 1er permettront aux étudiants des cursus paramédicaux de poser leur candidature en deuxième année, sous réserve de réciprocité pour les « reçus-collés » de première année de santé qui souhaitent intégrer les cursus paramédicaux.

Par ailleurs, il sera toujours possible à un étudiant en « L1 santé » de se réorienter vers les formations paramédicales. En effet, le code de la santé publique prévoit que les modalités d'admission dans les cursus paramédicaux relèvent du domaine réglementaire. Il n'était donc pas utile de les faire apparaître ici, même si cette réforme ne concerne pas uniquement les filières universitaires de santé mais également les filières paramédicales.

Sur l'évolution des programmes, j'ai souhaité que la nouvelle première année se concentre au premier semestre sur les sciences fondamentales, mais qu'elle s'ouvre également à d'autres disciplines, aujourd'hui totalement absentes de la maquette pédagogique – je pense aux sciences humaines et sociales, mais aussi à l'anglais.

Tout le monde aujourd'hui, a fortiori un professionnel de santé, a besoin d'un minimum de connaissances en sciences sociales et doit maîtriser l'anglais. Comme le rappelait Marc Bernier en commission, tout professionnel de santé doit développer ses connaissances humaines.

Sous l'égide de la direction générale de l'enseignement supérieur, un groupe de travail a oeuvré quatre mois durant à la rédaction d'une sorte de feuille de route de la maquette pédagogique de la première année. Elle a été adressée à tous les présidents d'université, recteurs et doyens concernés, le 21 novembre dernier.

S'agissant enfin des moyens consacrés à la mise en oeuvre de cette réforme, je ne peux laisser pas dire que le tutorat est absent de cette réforme. Pour la première fois en 2009, tous les étudiants de première année d'études de santé ont été pris en compte dans l'attribution des crédits du plan « Réussite en licence », décision en cohérence avec le plan lui-même mais aussi avec la refonte de cette première année.

Ce plan, ce sont 730 millions d'euros cumulés sur 2008-2011, soit des moyens considérables pour la réussite de nos étudiants, et qui permettront la mise en place d'un tutorat rémunéré pour tous les étudiants en difficulté. Se substituant aux officines privées, le tutorat doit permettre de lutter contre les injustices sociales en offrant à des étudiants issus de familles défavorisées des chances accrues de réussite en première année de médecine.

Ces augmentations de crédits, qui bénéficieront à toutes les UFR médicales, sont sans précédent : 4 millions d'euros attribués à Angers l'année prochaine, soit 25 % de crédits de fonctionnement supplémentaires ; 5 millions d'euros à Lille 2, soit 25 % de crédits de fonctionnement supplémentaires ; 4 millions d'euros à Montpellier 1, soit 25 % de crédits de fonctionnement supplémentaires ; 3,2 millions d'euros à Tours, soit 15 % de crédits de fonctionnement supplémentaires.

Les universités ont donc bien les moyens de mettre en place la nouvelle première année des études de santé, et ce d'autant plus qu'à ces crédits il faut ajouter ceux alloués par le Président de la République dans le cadre du plan de relance : c'est une bonne nouvelle pour les universités parisiennes, car une attention particulière sera portée à l'amélioration de leurs locaux.

Madame Karamanli, je ne reviendrai pas sur vos propos concernant les inégalités sociales et le tutorat : les chiffres que je viens de citer parlent d'eux-mêmes. Sur la réorientation en fin de premier semestre, je crois inutile, contre-productif, et pour tout dire mauvais pour les étudiants de les laisser s'enfermer dans un cursus où ils ne pourront pas réussir. Ils perdront une année, peut-être deux, et beaucoup d'énergie ; ils seront sélectionnés par l'échec.

Cette réorientation doit être mise en place progressivement dans les universités. Certaines sont volontaires et ont, de leur propre initiative, déjà entamé ce processus, à la suite de la circulaire que j'ai envoyée aux présidents d'universités et aux doyens d'UFR dès le 1er août. Votre rapporteur estime raisonnable un délai de deux ans d'expérimentation pour tester l'efficacité de cette mesure avant sa généralisation à compter de l'année 2011-2012. C'est la réponse à une inquiétude manifestée par les étudiants au printemps dernier, et c'est tout à fait souhaitable.

S'agissant de l'« universitarisation » des études de santé, c'est-à-dire de leur inclusion dans le système LMD, cette loi en constitue à l'évidence une première étape indispensable.

Quant aux étudiants modestes, dont vous vous préoccupez à juste titre, il est difficile pour eux d'entreprendre des études longues : eh bien, c'est justement pour eux que nous créons de nouvelles passerelles entrantes ; c'est pour ceux qui se révéleront plus tardivement ! Je n'accepte pas, en effet, que tout se décide entre dix-sept et dix-huit ans ; je veux que, dans notre pays, il soit possible, en se révélant à vingt ans, à vingt-deux ans seulement, de devenir quand même médecin – car c'est, pour certains, un signe d'ascension sociale, et c'est une vocation que l'on doit pouvoir réaliser à tout âge ! La deuxième chance fait partie de notre projet pour l'université. (Interruptions sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Madame Fraysse, vous me dites qu'il faut augmenter le numerus clausus : nous allons l'augmenter, de manière progressive, pour répondre aux besoins de santé sur des bases locales.

Vous me dites aussi qu'il faut de nouveaux moyens. Mais pourquoi donc faudrait-il de nouveaux moyens ? Nous intégrons la pharmacie au sein des études de santé, certes ; mais ce sont les mêmes étudiants, les mêmes professeurs, qui sont accueillis aujourd'hui ! C'est donc une simple question de réorganisation des cursus, et je ne vois pas pourquoi le nombre d'étudiants augmenterait. Bien au contraire, la réforme permettant d'orienter les étudiants dans les bonnes filières, elle limitera le redoublement, et donc le gâchis humain et le nombre d'étudiants qui perdent leur temps dans des amphithéâtres bondés ! La lutte contre la surpopulation des amphithéâtres médicaux est nécessaire, vous l'avez souligné : c'est cette lutte que nous menons.

Vous qualifiez les passerelles de « purgatoire », madame Fraysse. La boucle de rattrapage sert, bien au contraire, à dédramatiser la pression du concours en donnant une deuxième chance aux étudiants.

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