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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 16 décembre 2008 à 9h30
Création d'une première année commune aux études de santé — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Faisant suite aux interrogations exprimées dès 2002 par Jack Lang et Bernard Kouchner, était remis aux ministres de l'éducation et de la santé de l'époque, MM. Luc Ferry et Jean-François Mattéi, le 20 juillet 2003, le rapport Debouzie. Cette affaire remonte donc à quelques années.

Loin de constituer un énième document sans envergure, celui-ci avait le mérite de poser un constat juste – et accablant – sur la situation du cycle d'études des professions de santé et de proposer des pistes de réflexion cohérentes pour y répondre.

Car s'il est une réalité qui s'impose à nous tous, sur ces bancs, c'est bien celle de la complexité du cursus des professions de santé et de la difficulté humaine que celle-ci fait vivre à des dizaines de milliers d'étudiants.

Le rapport Debouzie posait en effet des objectifs ambitieux mais cohérents, et qui débouchaient sur la volonté de refondre notre système de formation des professionnels de santé : d'abord, le besoin de mettre fin au gâchis humain – des milliers de jeunes, souvent dotés d'excellents résultats au lycée et au baccalauréat, sont concernés ; l'exigence, ensuite, pour les futurs praticiens, de qualités humaines face au patient ; enfin, la nécessité de travailler en équipe avec d'autres professionnels de santé.

Les conclusions de ce rapport exploraient trois pistes extrêmement pertinentes pour reconstruire la structure de notre système de formation : d'abord, la réforme de la première année de formation et de sélection destinée à quatorze professions de santé, élément fondamental pour impulser le nouvel élan souhaité ; ensuite, la réflexion sur la réforme plus globale des cursus des professionnels de santé, imaginant une insertion complète des cursus dans le système LMD ; enfin, la réflexion sur l'évolution des métiers de la santé, fondée sur leur rapprochement.

Le rapport Debouzie apportait donc une pierre à la reconstruction de notre système de formation ; hélas, il n'a pas reçu dans les faits la reconnaissance que la qualité de ses préconisations aurait méritée.

Remis à madame la ministre de l'enseignement supérieur le 21 février dernier, le rapport Bach, qui a servi de base à la proposition de loi Domergue que nous discutons, constitue une nouvelle alerte face à la situation de notre système de formation – mais il comporte, permettez-moi de le souligner, quelques fortes régressions dans l'ambition qui doit animer la réponse des pouvoirs publics.

Sur le constat, nous ne pouvons qu'être d'accord.

Le rapport Bach réaffirme en effet fidèlement la situation de précarité des étudiants en première année de cursus de professions de santé.

Il souligne d'abord le nombre extrêmement important d'étudiants inscrits en première année ; je n'y reviens pas.

Face à cette impressionnante demande des étudiants, qui découvrent un art qu'ils n'ont jamais ou quasiment jamais abordé, le numerus clausus s'apparente à de véritables fourches caudines. Le rapport Bach précise les chiffres pour l'année 2006-2007 : on compte 7 100 reçus en médecine, 977 en odontologie, 1 007 en maïeutique et 2 990 en pharmacie. La situation est rendue plus complexe encore par la présence très importante de doublants au sein des reçus, doublants ayant échoué une première fois avec des notes souvent très honorables – en 2007, 54,8 % des étudiants reçus redoublaient.

Refusant ce taux d'échec, le rapport Bach pose aussi correctement la problématique du temps perdu – souvent deux années pour des étudiants qui sortiront de ce cursus sans aucun diplôme, ou après avoir dû batailler au-delà du raisonnable tout en ayant déjà le niveau de la seconde année.

Pour conclure sur ce constat d'échec, le rapport évoque aussi la frustration de nombreux étudiants, la médiocrité de la qualité de l'enseignement du fait de l'encombrement des amphithéâtres, la compétition à outrance à laquelle doivent se livrer les étudiants, et surtout la perte de temps et d'énergie pour des étudiants pourtant très souvent brillants.

Fort de ce constat, le rapport Bach aurait pu être extrêmement utile pour marquer le besoin de refondation en profondeur de notre système de formation.

Est-ce parce que la demande de madame la ministre ne s'est limitée qu'à la première année de santé, ou bien parce qu'il a eu peur que trop d'ambitions soient nuisibles à son dessein ? Le rapport Bach se trouve être nettement moins pertinent que son aïeul Debouzie.

Les dix propositions avancées marquent un recul, et même une volonté de ne pas trop en faire – par crainte d'on ne sait quelles conséquences.

Si la volonté d'informer les lycéens sur la difficulté et la longueur des études dans les cursus menant aux professions de santé est louable, le rapport échoue d'abord sur l'envergure de la réforme en ne proposant une année commune que pour la médecine, l'odontologie, la pharmacie et les sages-femmes.

L'instauration de ce que je nomme un itinéraire bis pour les étudiants n'ayant pas encore le niveau, à savoir une note inférieure à 7 sur 20 en fin de premier semestre ou au concours de fin de première année, constitue également une fausse bonne idée, et ce pour une raison toute simple ; si le constat actuel pose le problème de la perte de deux années pour de nombreux étudiants, cet itinéraire bis ne permettra pas de résoudre le problème. Un étudiant qui doit partir douze ou dix-huit mois pour se remettre à niveau et tenter à nouveau sa chance risque d'avoir perdu, au bout du compte, jusqu'à deux ans et demi ou trois ans sans décrocher le moindre diplôme ! Or, au vu du nombre d'étudiants et du numerus clausus, cette situation risque d'être celle d'un nombre incalculable de jeunes.

Certes, le rapport prend en compte l'impérieuse nécessité de mettre en place un système de tutorat, outil indispensable dans un cursus aussi nouveau et concurrentiel que celui des professions de santé. Pour autant, le constat n'en est pas moins amer. Le rapport Bach n'a pas su se mettre au niveau de la situation.

J'en viens maintenant à la proposition de notre collègue Domergue.

Là encore, il serait malhonnête de ne pas reconnaître que cette proposition s'inscrit dans une réflexion pertinente sur la qualité de notre enseignement relatif aux professions de santé et sur les réelles difficultés que doivent affronter les étudiants de ces cursus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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