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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 26 janvier 2012 à 15h00
Recherches impliquant la personne humaine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur l'excellent rapporteur, chers collègues, nous nous apprêtons à voter une proposition de loi qui réforme en profondeur le monde de la recherche française en donnant un socle juridique commun à toute recherche sur l'être humain. Il aura fallu trois ans pour aller au bout du processus législatif.

Si le dispositif juridique encadrant les recherches biomédicales, issu de la loi Huriet-Sérusclat de 1988, a constitué une avancée importante, la réglementation actuelle résulte de l'empilement de textes, de grande qualité certes, mais qui se sont ajoutés depuis une dizaine d'années au socle que constitue la loi précitée.

Je fais ici référence à la directive européenne de 2001, à la loi relative aux droits des malades de 2002, à la loi de santé publique de 2004, à la loi de bioéthique de 2004, à celle relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel de 2004, et enfin à la loi de programme pour la recherche de 2006. Cet empilement rend la situation délicate.

Il résulte donc de ces adaptations progressives, beaucoup de confusion et de complexité qui ne favorisent pas la recherche clinique et surtout qui ne permettent pas de disposer d'un véritable cadre réglementaire, notamment pour les recherches observationnelles.

Tout cela a pour conséquence directe de bloquer les chercheurs, sans pour autant améliorer la protection des patients, et ce, alors même que notre pays souhaite renforcer son attractivité en matière de recherche biomédicale. De plus, il me semble que la recherche, en cette période de crise, est un facteur de développement et de création d'emploi à forte valeur ajoutée.

Il y avait donc urgence à légiférer dans ce contexte et plus particulièrement au regard de trois enjeux majeurs. Le premier, vous l'aurez tous compris, consistait à simplifier la réglementation de la recherche. Le deuxième visait à réaliser cette simplification sans diminuer la protection des patients, voire en l'augmentant. Enfin, le troisième enjeu était de rassembler toutes les catégories de recherches sur la personne sous une ombrelle commune, en leur donnant un socle réglementaire unique.

Les principales dispositions du texte permettent de simplifier les procédures d'encadrement de la recherche tout en augmentant la protection des personnes qui s'y prêtent. La présente proposition de loi répond donc à ces enjeux et propose des avancées majeures en créant un cadre juridique commun pour l'ensemble des recherches sur la personne.

La première avancée est l'adaptation des procédures et de la contrainte réglementaire au niveau de risque encouru par la personne qui se prête à la recherche. À cette fin, il est proposé une classification de la recherche impliquant la personne qui va comporter trois grandes catégories de recherches en fonction des risques encourus : les recherches interventionnelles, les recherches à risque négligeable, des recherches à risque minime, les recherches non interventionnelles, dites aussi observationnelles. La remise à plat des dispositions concernant la recherche à risque minime et de celles sur la recherche non interventionnelle comble un grand vide juridique.

La deuxième avancée est l'extension du périmètre de la loi aux recherches non interventionnelles. Ce faisant, le niveau de protection des personnes qui s'y prêtent est augmenté, parce que ces recherches devront désormais recueillir l'avis favorable d'un comité de protection des personnes.

De plus, le rôle de police sanitaire de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sera étendu à ces recherches, jusqu'ici hors de son périmètre d'intervention.

Dans le même temps, les dispositions réglementaires qui seront appliquées à ces recherches seront simplifiées. Demain, un seul guichet sera nécessaire pour faire autoriser ces recherches – quand il y en a jusqu'à cinq aujourd'hui ! C'est un progrès considérable.

La troisième avancée réside dans la création d'une Commission nationale de coordination des comités de protection des personnes, destinée à remédier à leur trop grande hétérogénéité, que l'on constate aujourd'hui. Cette même commission est d'ailleurs rattachée au ministère de la santé, déjà tutelle naturelle des comités.

Mais l'évolution la plus spectaculaire sera sans doute le rôle crucial confié aux comités de protection des personnes, pierre angulaire de tout le dispositif de protection. Grâce à l'élargissement de leur champ d'action aux recherches non interventionnelles et aux nouvelles missions qui leur sont dévolues, ces comités vont voir leur activité évoluer en profondeur.

Toutefois, lors de l'examen de ce texte par nos deux chambres, quelques points de désaccord subsistaient, points sur lesquels je reviendrai avant de préciser les compromis qui ont construit le texte qui nous est présenté aujourd'hui.

En premier lieu, le Sénat avait souhaité que le comité de protection des personnes, chargé de se prononcer sur un projet de recherche, ne soit plus choisi par le promoteur de la recherche, mais tiré au sort par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Si nous trouvions initialement dommageable que les spécialistes, disposant de l'expertise la plus approfondie dans le domaine et concernés par la recherche en question, puissent être écartés de la procédure d'autorisation, nous avons toutefois, en commission mixte paritaire, consenti cette procédure afin que tout risque de conflit d'intérêts soit écarté.

De la sorte, l'indépendance de la commission nationale des recherches étant assurée, cette dernière n'est, de fait, plus rattachée à la Haute autorité de santé.

Ainsi, tout projet de recherche doit désormais passer devant un comité de protection des personnes.

En deuxième lieu, les comités de protection des personnes seront désormais dotés d'une tête de réseau nationale : la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. Pour plus de clarté et de cohérence, cette dernière sera chargée d'harmoniser les pratiques des comités. Aussi, la désignation par tirage au sort des CPP entrera en vigueur à l'échéance d'un délai de deux ans, au plus tard au 1er juillet 2014. La Commission sera également en charge d'examiner en appel les demandes d'autorisation qui ont fait l'objet d'une décision défavorable d'un CPP.

Cette commission sera composée de vingt et un membres : sept membres issus de la société civile et sept scientifiques issus des CPP, ainsi que sept personnalités qualifiées. Toutefois leur pratique devra être harmonisée.

Enfin et surtout, en troisième lieu, un accord a pu être trouvé sur les niveaux de recherche et les niveaux de protection y afférent, et ce, au regard de la formulation qui prévaut dans la loi Kouchner de 2004, reprise depuis par la Convention d'Oviedo.

En effet, on distingue, depuis 2004, trois catégories de recherche : les recherches dites « biomédicales » ou « interventionnelles », les recherches visant à évaluer les soins courants, que l'on appelle désormais « recherches à risques et contraintes minimes », et les recherches observationnelles.

Sur la base de ces trois types de recherche qui n'impliquent pas, vous l'aurez compris, le même niveau de risque pour le sujet, notre proposition de loi visait à établir une gradation des procédures de protection des personnes, en les proportionnant au degré de risques et de contraintes qu'elles comportent : consentement écrit pour les recherches interventionnelles, consentement libre et éclairé pour les recherches à risques et contraintes minimes, simple information et droit d'opposition pour les recherches observationnelles.

Alors que le Sénat proposait de ne distinguer que deux catégories de recherches et revenait sur les règles de forme applicables au recueil du consentement de la personne, un accord a été trouvé pour revenir à la version initiale du texte.

Enfin, deux autres points importants ont fait l'objet d'un accord entre nos deux chambres : les recherches dénuées de risques effectuées sur les enfants malades pour lesquelles le consentement d'un parent seulement sera exigé, dès lors que celui-ci est détenteur de l'autorité parentale ; le test de la dose maximum tolérée pour un médicament sans lien avec la pathologie de la personne à laquelle il est administré a été rétabli, écartant à terme le risque de nuire aux essais cliniques de phase 1 en France.

Le groupe Nouveau Centre se félicite que des compromis aient pu être trouvés à l'occasion de la commission mixte paritaire, sur un texte d'une importance majeure.

Au nom de mon groupe et à titre personnel, je tiens à rendre un hommage appuyé à Olivier Jardé, notre rapporteur, qui n'a cessé de défendre avec passion et conviction ce texte et par là même les intérêts de la recherche française.

Je vous invite donc mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi qui, demain, organisera la recherche, tout en améliorant la sécurité des patients, dans le droit-fil de la loi Huriet-Sérusclat – tous deux étant des précurseurs – loi qui, en son temps, avait posé pour la première fois ces deux exigences parfaitement complémentaires qui ne doivent pas être dissociées.

La question qui nous est posée n'est rien moins que de décider quel doit être l'équilibre entre le développement de la recherche appliquée en médecine et la protection des personnes qui s'y prêtent.

La recherche médicale est porteuse d'un mieux-être individuel et collectif que nous mesurons à l'aune de l'espérance de vie que nous gagnons chaque année. Entraver la recherche, c'est risquer de ralentir ce progrès social ou de ne pouvoir faire face aux nouvelles menaces sanitaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

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